d’Anjou et d’ailleurs
Un nouveau commerce de producteurs en Pays de Loire
Après Terre et terroirs en 2007, le magasin d’Anjou et d’ailleurs vient tout juste d’ouvrir ses portes grâce à la volonté de six producteurs de vendre directement leurs produits aux consommateurs.
Les magasins collectifs de producteurs commencent à fleurir un peu partout en France. En Pays de Loire, après l’ouverture du magasin collectif Terre et terroirs en septembre 2007, l’offre s’étoffe avec d’Anjou et d’ailleurs. En France, les premiers magasins collectifs ont démarré en Rhône-Alpes avec Uniferme en 1978 qui donnera naissance à Terre d’envies (association qui fédère et défend le concept de point de vente collectif). d’Anjou et d’ailleurs, nouveau magasin de producteurs bio et de commerce équitable alimentaire, a ouvert ses portes le 11 octobre face au Min du Val de Loire, à la place d’une station-service. Six producteurs (1) – dont le Gaec Chapeau, une exploitation maraîchère (cf. encadré) – sont actionnaires de la SARL d’Anjou et d’ailleurs ainsi que deux pâtissiers et le couple Beverly Ott et Olivier Hauville, spécialistes du commerce équitable. Cette idée de vendre directement leurs produits aux consommateurs, est étroitement liée à la création, en septembre 2007, aux Ponts-de-Cé, de Terre et terroirs, un magasin associatif de producteurs et d’opérateurs du commerce équitable. L’emplacement de l’échoppe d’Anjou et d’ailleurs est loué à la Sominval, la société d’exploitation du Min du Val de Loire, sous forme de redevance pour occupation d’espace public renouvelable tous les trois ans jusqu’en 2026, date d’échéance de la concession domaniale du Min accordée par la ville d’Angers. La société d’économie mixte a participé aux aménagements en rénovant l’électricité et le parking pour un montant de 70 000 euros. « Nous pouvons remercier chaleureusement la Sominval qui nous a aidés à monter les dossiers administratifs pour la rénovation du bâtiment qui se trouve dans une zone classée et qui dépend de l’architecture des bâtiments de France », tient à préciser Olivier Hauville. Le magasin de 180 m2, qui a nécessité 120 000 euros d’investissements, emploie deux salariés dont la rémunération est mutualisée entre les producteurs, la vente de la viande étant assurée par un boucher rétribué sous forme de prestation de service.
d’Anjou et d’ailleurs propose des produits bio locaux ou issus du commerce équitable
Régi en association, ce magasin réunit les agriculteurs-paysans d’Anjou et Echoppe France, organisation de solidarité internationale et de promotion de l’économie solidaire, dont Beverly Ott et Olivier Hauville en sont les membres fondateurs. Le couple, avec à l’époque leur association Artisans du Soleil, est également à l’origine de la Plate-forme pour le commerce équitable (PFCE) fondée en 1997 à Paris avec Max Havelaar, les ONG CCFD-Terre solidaire et Artisans du monde. Cette plate-forme a permis un vrai décollage du commerce équitable, en France. Basés en région angevine depuis 1998, les deux spécialistes œuvrent activement pour le commerce équitable.
Olivier Hauville, conférencier apprécié pour ses interventions sur le système économique actuel et son influence sur la pauvreté, est même à l’origine de l’une des premières Amap en Pays de Loire, l’Amap des Godanes qui compte aujourd’hui 200 adhérents. Durant cinq ans, le couple participe au marché de Noël Soleil d’Hiver organisé à Angers où un village équitable a rassemblé de nombreux partenaires de la filière. C’est dans ce cadre que les agriculteurs-paysans d’Anjou ont contacté Echoppe France et que le projet de magasin, largement soutenu par la ville d’Angers, a vu le jour. Terre et terroirs a ainsi une activité en progression de 15 % en moyenne depuis sa création. Si le chiffre d’affaires a augmenté de 12 % jusqu’en septembre 2010, il n’aura été que de 2 à 3 % en octobre, subissant un fléchissement des activités comme de nombreux points de vente.
Alors pourquoi un autre magasin ? « Avec d’Anjou et d’ailleurs, nous pallions les faiblesses de Terre et terroirs, explique Beverly Ott. Le nouveau magasin propose uniquement des produits bio locaux ou issus du commerce équitable en provenance des pays du Sud. Cela évite les confusions éventuelles des fruits et légumes bio et conventionnels comme c’est le cas à Terre et terroirs et des sources de conflits entre producteurs, notamment au niveau des prix. »
Sur les recommandations de la DDCCRF, les fruits et légumes non bio seront bientôt tous emballés, contrairement aux produits bio, pour faciliter le repérage sur l’étal. Et Beverly Ott d’ajouter : « Nous avons opté pour la forme juridique SARL au lieu d’une association. L’activité se trouve dynamisée par des décisions qui se prennent plus rapidement. Cette formule minimise aussi les difficultés inhérentes à la responsabilité financière des membres d’une association qui, quel que soit le chiffre d’affaires, ont le même pouvoir de décision. » La SARL comprend donc huit associés, Bervely Ott et le maraîcher Jean-Luc Chapeau étant cogérants.
Au départ, il n’était pas question de local commercial mais d’un projet beaucoup plus modeste de vente embarquée dans un camion. A la recherche de lieux de stationnement, les producteurs se sont donc tournés naturellement vers la ville d’Angers. Intéressée par cette démarche, cette dernière leur a suggéré la création d’un magasin d’autant plus que des possibilités foncières existaient. D’Anjou et d’ailleurs était presque né.
Totale transparence des prix
Suite à l’expérience accumulée à Terre et terroirs, l’approvisionnement en fruits et légumes a été particulièrement étudié avant l’ouverture du nouveau magasin. En 2007, l’Esat (Etablissement et service d’aide par le travail) du Joncheray fournissait les rayons bio de Terre et terroirs. Mais l’atelier de production répondait peu à la demande de diversité et ne maîtrisait pas toujours ses pratiques culturales. D’où la recherche de nouveaux producteurs comme Jean-Luc Chapeau. Les deux magasins sont maintenant bien achalandés par le Gaec Chapeau qui assure jusqu’à 65 produits différents tout au long de l’année. A Terre et terroirs, les légumes bio ont ainsi progressé de 30 % sur l’année 2010. D’Anjou et d’ailleurs affiche un approvisionnement dans un rayon de 80 km, ce qui dispense de l’agrément sanitaire en matière d’hygiène alimentaire. En fruits et légumes, la notion de proximité suscite régulièrement des questions parmi les producteurs. « Le Maine-et-Loire ne fabrique pas de fromage, donne comme exemple Olivier Hauville. Est-ce que ceux en provenance de Mayenne peuvent-ils être considérés comme local ? A d’Anjou et d’ailleurs, la réponse a été positive et un rayon fromage est en cours de constitution. De même que nous proposons des clémentines de Corse. En revanche, nous n’avons pas encore tranché pour des abricots. Des producteurs des Deux-Sèvres frappent à notre porte pour nous en proposer. Or nous n’en produisons pas dans le département. »
Comme à Terre et terroirs, le magasin joue une totale transparence vis-à-vis des consommateurs. « Mis à part les charges incombant à l’activité même du magasin, le montant payé à la caisse revient entièrement au producteur », insiste Beverly Ott. Les frais de magasin reviennent respectivement à 16 % pour les membres fondateurs d’Anjou et d’ailleurs et 20 % pour Terre et terroirs. Les fournisseurs non-membres de Terre et terroirs soustraient 25 % de charges au prix affiché en rayon. « Nous accueillons effectivement des producteurs qui ne sont pas membres, explique Olivier Hauville. Mais ils ne prennent pas de risques financiers. Ils n’ont pas de charges collectives et n’effectuent pas de permanence. C’est pourquoi nous leur avons attribué des charges plus élevées. » Plus de 50 producteurs livrent ainsi le magasin des Ponts de Cé. La gestion pour les différents producteurs est facilitée grâce au code-barres affiché sur les articles. Chaque soir, un des producteurs fait la clôture du magasin et répond à ses obligations de nettoyage.
Depuis qu’Anjou et d’ailleurs a ouvert ses portes, certains clients du quartier sont déjà devenus des habitués. Quelques articles dans les journaux locaux ont déjà informé les Angevins de ce nouveau type de magasin. Les producteurs s’apprêtent à passer au plan de communication à plus grande échelle en distribuant des plaquettes commerciales dans les points de vente du centre-ville. Enthousiastes, ils envisagent déjà le plus long terme. Pourquoi ne pas commercialiser des produits transformés à la ferme et ouvrir la gamme à des plats préparés par le consommateur ?
(1) Didier Mesnil (porc), Stéphane Couturier (paysan boulanger, agneaux et veaux), Jean-Luc Hamard (bovin), Jean-Luc, Cédric et Céline Chapeau (maraîchage), Anne-Claude Guiho et Stéphane Bigot (volailles), Olivier et Claire Lecomte, François David (viticulteurs).