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Le marché des producteurs d’Amiens
Un marché devenu incontournable

Tout au long de la rue Léon Blum d’Amiens, une vingtaine de producteurs picards proposent chaque samedi matin des produits frais en provenance directe de leur exploitation.

Beaucoup ont troqué leur petite camionnette du départ, abandonné leur minuscule tente carrée et colorée pour un camion beaucoup plus spacieux. C’est un des signes tangibles du succès du marché de producteurs, créé à Amiens voici plus de cinq ans dans la rue Léon Blum qui conduit au marché de plein-vent. La rue n’a jamais eu la réputation d’être la plus accueillante de la capitale picarde, même située à quelques mètres de l’hôtel de ville du XVIIIe siècle. La voie est quelque peu à l’écart du centre névralgique d’Amiens, dont l’une des artères principales mène de la place Notre Dame à la place du marché “Maurice Vast” que le beffroi contemple depuis le XIIe siècle. C’est le dernier témoignage historique du pouvoir communal de l’époque. Sa base carrée et son campanile de style italien surplombent avec beaucoup d’allure le traditionnel marché de plein-vent amiénois.
Chaque samedi, tous les “commerçants non sédentaires” y déplient leurs étals. Matin, comme après-midi, puisque le marché débute à 8h30 et finit à 17h30 (18h30 durant l’été). C’était autrefois le marché des drapiers et des tisserands où l’on vendait des fils de toutes sortes (laine, soie, argent, or…) marquant ainsi la tradition drapière de la cité.
La rue Léon Blum offre pourtant un atout d’importance. « Nous sommes implantés dans une rue excessivement passante, plaide Odile Boone, responsable du réseau picard “Bienvenue à la Ferme”. Les clients vont se garer dans les rues avoisinantes et gagnent les marchés du centre par la rue Léon Blum. » Et de là, ils se dirigent soit vers le marché couvert (1), soit vers le marché de plein-vent, tous les deux situés à l’extrémité de “notre rue”.
Odile Boone, installée à Jumel (Somme), élève des lapins angora. Elle a beaucoup travaillé à la création d’un marché de producteurs à Amiens, ce qui n’a pas manqué de soulever quelques oppositions des commerçants non sédentaires en place.
Le marché une fois terminé autour de la place Maurice Vast, certains clients vont même jusqu’à pousser une pointe vers le “marché sur l’eau”. Là, l’ambiance est toute différente. Cet autre marché, abrité par deux rangées d’arbres, s’étire tout au long de la Somme et fait face à l’emblématique quartier Saint Leu.

Un petit air de midi, en ce jour de juillet !
« C’est l’endroit où les maraîchers (Hortillons) des Hortillonnages d’Amiens, situés à deux pas du centre-ville, venaient traditionnellement vendre leurs productions légumières entassées dans des barques à fond plat », explique Odile Boone.
Sillonné d’un lacis de canaux (rieux), ce dédale impénétrable de cours d’eau a permis l’exploitation de jardins flottants dès le Moyen-Age. Voici un siècle, ils étaient encore plus d’un millier à cultiver ces 300 ha de marais. Aujourd’hui, ils ne sont plus que sept dont cinq de la même famille (les Parmentier).
Aujourd’hui, même si le “marché sur l’eau” a toujours ses partisans, il s’est fortement banalisé. « On y rencontre de plus en plus de producteurs faisant un simple achat-revente », regrette Odile Boone. C’est ce qu’elle voudrait éviter à tout prix pour maintenir l’image de “son marché de producteurs de la rue Léon Blum” qu’elle essaye de défendre “becs et ongles” auprès de la municipalité.
En cette fin de matinée du mois de juillet frappé de canicule, la rue Léon Blum ne connaît malheureusement pas la foule des grands jours de marché. Vacances obligent. Le long des 200 m qui séparent les restaurants “Graine de tomate” et “Bouchées Doubles” situés de part et d’autre de la rue, les quelques habitués et les touristes flânent de stand en stand.
Depuis 8h du matin, les producteurs sont tous là. Foisonnement de couleurs et de saveurs sur les étals ! Navets, courgettes, brocolis, choux-fleurs, salades… s’offrent aux regards gourmands des premiers clients. Côté fraîcheur, rien à redire !
Sac de course à la main, une cliente “tirée à quatre épingles” s’approche de cet étal bio. Elle tient son panier de la main gauche, saisit une salade de la droite et lance au producteur : « Vous n’auriez pas un sac en plastique pour ne pas salir mon cabas ? »
Aussitôt, la réponse fuse : « Madame, chez les bio, on ne donne pas de sacs plastiques ! On est bio de A à Z, ou on ne l’est pas », rétorque Corinne Lemaire, visiblement agacée par un tel comportement. Il n’en suffira pas plus pour que la dame ne repose sa salade et poursuive son chemin.
Il y a une douzaine d’années, une poignée de producteurs picards ont voulu créer ce marché. Les éleveurs étaient les plus demandeurs. En pleine crise de l’ESB, ils avaient en effet besoin de retrouver un contact direct avec le consommateur. Il leur fallait surtout trouver de nouveaux débouchés et valoriser leurs productions fermières. Ce fut le cas de Didier Masson et de Sophie Defacque, l’un pour le porc et l’autre pour la viande bovine. Voyage d’études en Bretagne, une quinzaine de jours de formation… le petit groupe de producteurs crée son premier marché à Dury-les-Amiens dans la cour d’un Institut médico-éducatif (IME) avec l’appui du réseau “Bienvenue à la Ferme”.
Il y avait là des légumes bio, la chèvrerie de Canaple, des producteurs de foie gras et de volailles, une horticultrice… On pouvait y acheter du lait bio, du cidre et des jus de pommes. Il y avait bien sûr Odile Boone qui proposait déjà ses tricots à base de laine angora… « Mais, il nous manquait des producteurs de légumes », se souvient-elle. Et elle est allée chercher “les incontournables des Hortillonnages”, comme Thérèse Novak ou Désiré Daugan.

Une liste d’attente qui s’allonge régulièrement
L’installation du marché dans cet IME situé au bord de la Nationale 1 a provoqué la réaction des commerçants non sédentaires du centre d’Amiens. Il a fallu négocier et un arrangement a pu être trouvé. Les producteurs ont pu finalement s’installer rue Léon Blum. Ils y sont depuis cinq ans et demi. « Ils ne pouvaient refuser notre arrivée dans le cœur du marché, car ils avaient besoin d’alimentaire pour le faire revivre », souligne un producteur.
Il a fallu presque trois ans pour remplir la rue. Aujourd’hui, ce ne sont pas forcément les mêmes qui y sont installés… mais la liste d’attente s’allonge régulièrement. « On a même accepté un poissonnier du Crotoy ! », lance Odile Boone en expliquant qu’un bon marché doit avoir ses incontournables (viande, œufs et fruits et légumes). « La tête du producteur joue énormément », explique Liliane Bled. Pour cette productrice de légumes et d’endives de pleine terre, « le client doit pouvoir choisir son producteur ; c’est primordial », confie-t-elle. D’ailleurs, le marché accueille deux producteurs bio.
Pour continuer à assurer son succès, Odile Boone défend l’idée d’un agrément “Terroirs de Picardie” de façon à n’accepter que des producteurs « qui ne vendent que des produits issus de leur exploitation en s’interdisant l’achat-revente ». Pour garder cette authenticité et se forger une véritable image de marque au cœur de la ville. Pour cela, les producteurs devront négocier avec la municipalité où les placiers ont encore un pouvoir important dans la délivrance des étals…
A Amiens, le chemin risque encore d’être serré entre municipalité, placier et syndicat des commerçants non sédentaires.

(1) Aménagé en 1992, le marché couvert, qui abrite au rez-de-chaussée de nombreux commerces alimentaires, tranche par la modernité de son architecture avec le vénérable beffroi amiénois.

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