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Fruits tropicaux
Un marché de valeur ralenti par la crise

Après des années de progression, le marché des fruits tropicaux stagne. Les principaux freins : le prix pour les consommateurs et, en règle générale, la méconnaissance du produit.

Al'instar des avocats, les fruits tropicaux sont en plein essor sur les marchés européens. Il y a encore une quinzaine d'années, ces fruits étaient quasiment inconnus sur nos étals et étiquetés produits de luxe. Aujourd'hui, avec le développement du transport maritime, l'ouverture des barrières commerciales, la démocratisation des voyages et de la cuisine internationale, ils font désormais partie du paysage. Toutefois, il convient de différencier les poids lourds que sont la mangue ou l'ananas, régulièrement consommés, des petits fruits exotiques, dont l'usage et la saisonnalité varient. « Aujourd'hui la mangue est acheminée soit par avion, soit par bateau, voire par camion pour l'Osteen d'Espagne, et peut donc être segmentée par le prix, explique Aurélien Fidon, directeur d'Exofarm. La diversité de variétés et d'origines permet d'avoir des volumes importants toute l'année. » En 2012, la France a importé 37 680 t de mangues, goyaves et mangoustans (37 403 t en 2011). Les volumes d'ananas ont, eux, atteint plus de 100 000 t. Pour les autres fruits tels que les ramboutans, physalis, grenadilles, fruits de la passion, aucune statistique officielle n'existe, la production étant considérée comme trop faible.

Une tradition grossiste

Mais le marché est jugé en croissance. La diversité des opérateurs et l'augmentation de leurs volumes importés en témoignent. Exofarm, filiale de la Compagnie Fruitière spécialisée dans ce secteur, importe désormais plus de 10 000 t d'exotiques par an. « De plus en plus d'opérateurs sur Rungis se spécialisent sur un ou deux produits tropicaux en plus des fruits et légumes traditionnels dans une optique de diversification. Mais nous ne sommes que quelques-uns à proposer tous les exotiques. En ce qui concerne Exofarm, nous travaillons vingt-cinq à trente origines pour une trentaine de produits. » Les produits tropicaux sont traditionnellement destinés aux marchés grossistes et magasins spécialisés. C'est le principal débouché de l'entreprise Barnier, qui a lancé la banane Freycinette sur les marchés européens. « Afin d'avoir des produits de qualité et surtout avec du goût, nos importons majoritairement par avion, explique Juan Carlos Sarmiento, directeur général de l'entreprise Barnier. De ce fait, nous traitons beaucoup avec les grossistes et magasins spécialisés. Les GMS achètent principalement des fruits transportés par voie maritime car ils sont moins chers, mais moins mûrs. » La petite Freycinette a ainsi beaucoup de succès. « Elle a plus de goût et est plus riche en nutriments qu'une Cavendish. Nous importons pour l'UE environ 30 t par semaine. »

Catherine Da Costa est propriétaire du “Fruitier de Montmartre”, magasin primeur de f&l sur la butte du même nom (cf. fld magazine de septembre 2012). Elle précise que les fruits tropicaux et exotiques représentent 15 à 20 % de ses ventes. « Notre gamme est très large, à l'image de cette famille de fruits. Nous proposons des classiques comme des mangues ou des ananas Victoria ou Pain de sucre, mais également des papayes, des maracujas, ramboutans et litchis, la Francinette des Antilles qui ressemble à la Freycinette mais qui est produite aux Antilles. » Les clients type de Catherine Da Costa sont des consommateurs avertis et fidèles. Ce qui explique un marché grossiste plutôt stable selon la détaillante. « Nous sommes sur du haut de gamme, avec des produits mûrs parce qu'importés par avion. Nos clients viennent pour la qualité et les conseils culinaires que je dispense. Notre gamme est étendue, et l'aspect nouveauté que représentent nos salades de fruits et nos corbeilles pour les fêtes permet les achats d'impulsion. »

Un marché important en valeur

Mais au niveau de la grande distribution, le marché a évolué. Depuis une quinzaine d'années, surfant sur le phénomène de mode, les GMS se sont lancées dans l'aventure, suivies par le hard discount il y a dix ans. « Le segment grossiste représente encore 50 % de nos débouchés, détaille Aurélien Fidon, dont une part inconnue repart en GMS. Mais l'autre moitié, en progression, concerne la grande distribution et le hard discount. Nous travaillons avec presque toutes les enseignes. Quant aux hard discount, ils sont surtout demandeurs de gros produits comme la mangue et la lime. » Selon les enseignes, le rayon est plus ou moins étendu. Mais il est désormais incontournable. « C'est avant tout une stratégie d'image. Ce rayon est théâtralisé, il invite au voyage. Et les enseignes surfent sur cet effet “mode” longue durée. » Les exotiques impliquent un gros travail de la part des importateurs. « Les volumes demandés ne sont assez importants pour remplir des palettes entières, nous faisons donc du “picking” : un assortiment de trois ou quatre produits différents sur une même palette », explique Aurélien Fidon. De plus, ce sont des produits fragiles, qui nécessitent beaucoup de main-d'œuvre et autorisent peu la mécanisation. « C'est une marchandise chère et fragile, donc le stockage est limité, trois jours environ. Nous travaillons en flux tendu, tout doit aller très vite. » Ce qui explique le prix de ces produits. Car si les volumes sont faibles, la valeur de ce marché est, elle, élevée : 20 M€ par an pour Exofarm. Toutefois, la crise économique a ralenti le marché. « La crise a fortement freiné le secteur des exotiques », expose Aurélien Fidon. Ce que confirme Juan Carlos Sarmiento : « En ce moment, les foyers vont préférer acheter un kilo de pommes, c'est moins cher. » « Sur des produits plus connus comme la mangue, le prix n'est pas forcément plus élevé que pour les fruits et légumes classiques, nuance Catherine Da Costa. Mais c'est vrai qu'en fonction de l'origine, ça peut varier du simple au double. » Pour Aurélien Fidon, c'est avant tout une question de choix. « Les fruits et légumes en général ne coûtent pas si chers que ça. Après, c'est au consommateur de choisir entre acheter des fruits tropicaux à 2 €/kg ou un paquet de chewing-gum à environ 50 €/kg. De même, on parle beaucoup du bilan carbone des tropicaux et exotiques acheminés par voie aérienne. Ce que le consommateur ignore souvent, c'est que ces produits sont généralement transportés sur des vols passagers, limitant ainsi leur impact environnemental. »

Car au-delà du prix, le principal frein actuel à la consommation de fruits tropicaux est la méconnaissance du produit. A la différence des primeurs et magasins spécialisés, en grandes surfaces, rares sont les rayons avec un vendeur qui peut conseiller le client sur la manière de choisir son fruit ou de le cuisiner. « Le consommateur reste à éduquer, explique Aurélien Fidon. J'ai pris l'habitude de me déplacer personnellement deux à trois fois par an dans des écoles parisiennes. J'y organise des dégustations de nos produits, puis nous débattons avec les enfants sur cette filière. » Stratégie qui pourrait être gagnante : une étude 2009 du Kantar Worldpanel décrivait les acheteurs d'exotiques comme plus familiaux et plus jeunes que la moyenne des fruits et légumes, tandis que l'étude 2012 montrait que la fréquence d'achat était en progression pour un nombre d'acheteurs stable (plus d'acheteurs pour plus d'achats en ananas).

Un marché européen en mutation

Une part de l'activité des importateurs de fruits tropicaux et exotiques concerne la ré-exportation vers les autres marchés européens. « La plupart de nos produits sont destinés au marché français, explique Aurélien Fidon, mais pour la mangue par exemple, seuls 20 à 25 % restent dans le pays. Nous envoyons de gros volumes au reste de l'UE, soit de Rungis, soit directement des ports. » Si le marché français est assez demandeur, l'Allemagne est aussi un gros consommateur. « L'Espagne et l'Italie sont aussi des marchés importants, précise Juan Carlos Sarmiento, ainsi que les Pays-Bas qui vont redistribuer les produits dans toute l'UE ». « Il est très important d'avoir une “approche pays”, remarque Aurélien Fidon. En France, les consommateurs sont exigeants au niveau du goût, mais c'est vraiment le visuel, l'aspect esthétique du fruit qui va les pousser à l'achat. On a là une particularité française. » Une particularité qui pourrait avoir son importance dans les prochaines années. « On voit en Europe l'émergence de nouvelles façons de consommer. En Allemagne, il y a quelques années, les clients achetaient le 1er prix. Aujourd'hui, ils découvrent le goût et la qualité des exotiques, et ils sont désormais prêts à mettre le prix. On voit la même chose en Scandinavie. Face à un marché français très exigeant, certains producteurs abandonnent la France et vont vers ces marchés rémunérateurs. »

La Russie a ainsi découvert la mangue Tommy Atkins et les opérateurs achètent à très bon prix les petits calibres. Il convient aussi de noter que les problèmes climatiques qui surviennent depuis un ou deux ans provoquent des situations inédites sur les marchés. « Les exotiques sont des fruits fragiles, soumis aux conditions climatiques. Certains produits disparaissent parfois des étals quelques mois, explique Aurélien Fidon. Entre les marchés consommateurs émergents comme la Russie, et une offre de fruits qui est parfois réduite, le secteur est en mutation. Je pense que dans les prochaines années, on aura des marchés avec une forte tension sur l'offre. »

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