Témoignages
“Un grand serviteur de la Bretagne”
“Il avait trois grandes qualités, explique Pierre Bihan-Poudec, président de la Sica Saint-Pol : du discernement, c’est-à-dire la capacité à pressentir ce qui pouvait se produire, (des talents) d’orateur pour convaincre avec des mots justes, et il savait s’entourer, il faisait confiance”.
Bihan-Poudec rappelle que Gourvennec a su très tôt que la Bretagne légumière ne s’en sortirait pas avec seulement “trois légumes”, qu’il fallait absolument diversifier l’offre pour multiplier les sources de revenus et répartir les risques. “La Sica met actuellement en marché 25 légumes différents (300 000 t par an) avec 1 800 producteurs”, ajoute le président de la Sica créée en 1961 et présidée jusqu’en 2004 par Gourvennec.
Ce dernier a compris que la filière ne ferait pas l’économie d’un outil de transformation (la SICA investira dans la Compagnie bretonne de l’artichaut, revendue récemment après des difficultés) pour donner un débouché supplémentaire et soulager le marché du frais quand celui-ci se trouvait surchargé.
Parvenu à son premier objectif, faire en sorte que “l’agriculture bretonne se lève”, selon l’expression de Henri Jacob, son secrétaire général à la Sica Saint-Pol pendant 28 ans, Alexis Gourvennec pense rapidement infrastructures pour désenclaver le Finistère.
“Pour lui, l’agriculture était un socle qui ne pouvait bien se porter que si le reste de l’économie se portait bien”, fait remarquer Jean Le Vourch, président de la coopérative laitière Even (Finistère) et du Crédit Agricole du Finistère.
Dans les années 60, il fédère les acteurs politiques et économiques du département dans la Société d’économie mixte d’études du Nord-Finistère et obtient du pouvoir central la construction du réseau routier breton, d’un centre de télécommunications, une université à Brest, et un port en eau profonde à Roscoff qui accueillera à partir de 1973 la Brittany Ferries, compagnie maritime créée par la Sica Saint-Pol.
Toute sa vie il refusera de s’engager dans une carrière nationale, aussi bien syndicale que politique. Il aimait trop le terrain, l’organisation économique et avait des amitiés à droite comme à gauche. “C’était avant tout un grand serviteur de la Bretagne”, souligne Jean Le Vourch.