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Marché mondial-Turquie
Un commerce ottoman à sens unique

Pays influent tant en Europe qu’en Asie Mineure, la Turquie bénéficie d’une forte capacité de production, plus de 43 millions de tonnes. Aussi, elle exporte fortement mais importe très peu. Les taxes douanières à l’entrée sont parfois exhorbitantes.

Pays à l’honneur à l’occasion du salon Fruit Logistica 2012, la Turquie représente une production de 43 Mt de fruits et légumes. En pleine croissance économique et démographique, la Turquie est un marché prometteur enregistrant un taux de croissance de 9,6 % sur les seuls trois premiers mois de 2011. C’est aussi un pays influent dans la région s’étendant des Balkans, au Proche et Moyen-Orient en passant par l’Asie centrale. Et ces velléités de développement ne s’arrêtent pas là. Des contacts ont été pris avec l’Afrique.
Pays de longue tradition agricole, la Turquie est presque autosuffisante et se place comme premier producteur de la région Moyen-Orient. A l’échelle mondiale, à titre d’exemple, c’est le quatrième producteur de pommes. Mais, c’est un pays qui importe très peu de fruits et légumes. « La Turquie est extrêmement fermée, les importations sont quasi inexistantes, indique Philippe Binard, secrétaire général de Freshfel. Les échanges de f&l sont donc asymétriques entre l’UE et la Turquie. Ce sont les négociations qui ont entraîné ce déséquilibre. De ce fait, les f&l ont des taxes douanières très élevées. Pour la pomme, elles s’élèvent à 60 %. » Car la Turquie est un producteur de pommes incontournable (2,5 Mt), en particulier de Red Delicious – la moitié de la production –, de Golden Delicious et sa variété locale, Asmaya, fortement réputée, ne représente encore que 10 % de la production globale. La Turquie exporte encore peu (85 000 t en majorité vers le Moyen-Orient et plus particulièrement vers l’Irak). Quant à l’activité de transformation, elle n’excède pas les 5 % de la production.
En effet, si l’ensemble des produits importés en Turquie sont sujets aux dispositions de l’accord d’Union douanière en vigueur depuis 1996, cet accord exclut totalement les produits agricoles. « Les fruits et légumes importés en Turquie sont taxés à 24,9 % (en moyenne), des légumes à hauteur de 19,3 %, à la banane qui frôle les 145 %, énumère Philippe Husson, chef du département formation et animation du CTIFL. Car des accords bilatéraux ont eu lieu mais ils ne concernent pas les f&l. » Autant dire que pour les producteurs européens, la voie d’accès au marché interne turc, c’est l’adhésion à l’Union européenne. Ce serait, alors, la libre-circulation des marchandises. Un marché interne de consommation qui fait envie : les Turcs consomment plus de 330 kg de f&l par personne et par an, le double de la consommation française et l’alimentaire compte jusqu’à 23 % du budget des familles.

L’Allemagne et la Bulgarie sont les deux portes d’entrée du marché européen
Avec plus de 73 millions de consommateurs, c’est un pays jeune – la moitié de la population à moins de 35 ans – particulièrement à Istanbul, tourné vers les innovations alimentaires et les nouvelles formes de commercialisation (cf. p. 36). Mesuré en dollars, le PIB par habitant s’élève à 10 000 $/hab./an, en hausse de 50 % au cours des cinq dernières années. En forte croissance économique, l’agriculture turque a un rôle social déterminant. En revanche, c’est un pays à forte concurrence, grâce à un coût de main-d’œuvre encore faible. Le Smic turc ne dépasse pas les 280 €. Autant dire que les atouts sont là pour inonder le marché européen. Les techniques de culture sont connues, des stations d’expéditions organisées commencent à apparaître, pour approvisionner un grand marché à l’export : la Russie. Et puis, le pays profite de bonnes voies maritimes : Izmir, Mersine, sans compter les ports de la Mer Noire idéaux pour atteindre la Russie. « Les Turcs consomment deux fois plus de f&l que les Européens, alors ils savent produire. Approvisionner l’Europe ne leur poserait pas vraiment de difficultés », note Ludovic Mouret au CTIFL. Mais cette possibilité est à modérer. Son marché à l’export, c’est la Russie en volumes et valeur (988 000 t) et son souhait, de traiter plus de volumes avec l’autre rive de la Mer Noire. En 2010, la Turquie avait essuyé un refus russe pour ses f&l en raison de demandes drastiques sur les résidus phytos, un différend qui a obligé la Turquie a diversifié ses exportations, notamment vers l’Irak et l’Ukraine. Le dernier pays en date, c’est l’Iran, avec de premiers envois d’oranges en 2011 selon l’USDA. Or, les agrumes sont les fruits les plus exportés vers la Russie, Irak, Ukraine, Roumanie, voire l’Arabie Saoudite. L’Europe n’est pas en reste. L’Allemagne est le deuxième client de la Turquie en volumes comme en valeur (150 000 t expédiées par an), du fait d’une communauté turque importante et du développement d’une production bio turque qui intéresse le marché germanique. La Bulgarie exerce une forte domination en volume (210 000 t expédiées par an), mais pas en valeur. « C’est une porte d’entrée vers les pays d’Europe de l’Est. Comme une zone commerciale à part entière. Les conditionnements pour le marché bulgare sont effectués en Turquie. »

Toute la grande distribution française achète des fruits secs turcs
Même si la France n’atteint que la 5e place à l’export, son marché est intéressant pour la Turquie. Un fort courant d’affaires existe en fruits secs. « Nous sommes un grand marché consommateur de fruits secs, rappelle Ludovic Mouret. Toute la grande distribution s’approvisionne en Turquie. Pour les envois par bateau (majoritaires), ils ont lieu au départ d’Izmir pour Trieste au Nord de l’Italie. Après, certains colis peuvent transiter par camion en fonction du coût et des attentes clients, mais pour les volumes importants, c’est le bateau. » Il existe aussi des courants d’affaires en frais pour de la figue noire de Bursa, du champignon, du poivron, des tomates et des agrumes. « On voit de temps en temps des conditionnements turcs de tomates, figues et même abricots frais sur les marchés de gros en France à Rungis ou Bordeaux », ajoute-t-il. Dans ce cas, « c’est par la route, que les envois de f&l frais vers l’Europe s’effectuent en majorité, mais ils ont une particularité, cela ne se fait que par camions complets. Il est donc possible d’imaginer un transit via l’Allemagne, par exemple, pour qu’il y ait un éclatement des volumes vers les pays alentours », précise Philippe Husson. Pour l’heure les envois turcs restent ciblés sur l’Est et le Nord de l’Europe arrivant en concurrence de productions d’autres pays européens.
A noter aussi que l’Etat turc soutient fortement l’agriculture. A titre d’exemple, un projet d’irrigation de grande ampleur, dans le Sud-Est de l’Anatolie, appelé GAP (1,7 million d’hectares, budget de 2,7 M€) a pour mission de développer l’agriculture dont des productions de poivrons, concombres et pastèques (5 Mt de fruits). Se cache derrière cela un enjeu géopolitique d’importance notamment avec son plus proche voisin la Syrie. Un autre projet spécifique fruit porte sur le bassin de Deveci (à terme 70 821 ha pour 595 000 t de fruits). Déjà, il est prévu 15 000 t de pommes, 8 000 t de poires et 11 000 t de cerises. Fin décembre, « le ministère nous assurés qu’il soutiendrait financièrement les zones de production de fruits que nous avons suggérées pour augmenter les volumes et améliorer la qualité des récoltes », nous a informés Ebru Akdag, secrétaire général Meyed, l’association turque du jus.

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