Aller au contenu principal

Alain Furet, maître confiturier
Trois siècles de tradition confiturière

Maître confiturier et sacré meilleur confiturier de France, Alain Furet nous ouvre les portes de sa boutique parisienne. Véritable artiste dans l’âme, il passe son temps à jouer des saveurs et des arômes et se veut le gardien de la tradition gastronomique française.

Voilà huit ans, Alain Furet a reçu les honneurs. Reconnu par ses pairs, il a obtenu le titre prestigieux de Meilleur confiturier de France. « Au départ, je ne voulais pas y participer et puis je me suis laissé convaincre, lance-t-il. J’avais présenté des confitures insolites de poivrons, courgettes, noix et cannelle. Ils ont été plus qu’étonnés ! » Gardien de la célèbre marque de la confiserie plus que bicentenaire Tanrade depuis 1990, on le croirait presque investi d’une mission. « C’est une longue histoire, la confiture. Quand j’ai racheté la marque Tanrade, j’ai promis au dernier héritier de ne jamais galvauder cette marque de tradition, de garder tout ce que signifie Tanrade. » Il faut dire que la confiture Tanrade, pour les fins gourmets, c’est une véritable institution. La maison créée en 1728 rue Vignon a vu passer nombre d’écrivains et artistes non moins célèbres. Alain Furet se plaît même à raconter que Balzac et Maupassant étaient coutumiers des lieux. C’est donc en garant de la tradition Tanrade qu’Alain Furet travaille encore la confiture aujourd’hui.
Artisan, inventeur de tous les instants, il confectionne sans cesse, même la nuit, de nouvelles recettes insolites à base d’épices ou de plantes, voire toute une série de confitures inédites, pour les apporter dès le lendemain dans sa boutique de la rue de Chabrol à Paris. « A l’origine, le confiturier était un apothicaire raté qui mélangeait les plantes ou les fruits au miel, s’exclame-t-il. Il mélangeait alors les plantes au miel pour guérir. Le cassis par exemple soigne la vue tandis que le romarin est un bon remède contre les problèmes de digestion. » Modeste, il reprend : « Je n’invente rien, vous voyez bien, en testant une confiture au miel, je ne fais que reprendre ce que concoctaient déjà les apothicaires ! » A l’automne 2009, c’est toute une gamme de confitures à l’effigie des femmes et hommes politiques français qu’il a lancée. « Cette gamme, je l’ai créée avec ce que j’avais, c’est-à-dire presque sans fruits de saison. » On y découvre ainsi parmi une gamme de quatorze pots de confiture, de la gelée au Beaujolais nouveau pour Jean-Louis Borloo, ou encore un mélange de gelée de gingembre et cannelle spécial Ségolène Royal, une confiture de pomme et bière pour Jacques Chirac et puis la mi-figue mi-raisin de François Bayrou. La gamme lui a valu un véritable battage médiatique. A tel point qu’il a déjà quelques recettes sur le feu comme une confiture de roses et médaillons de chocolat blanc pour Roselyne Bachelot… Des projets, il en a encore plein ses tiroirs, certains plus saugrenus que d’autres mais il se remet toujours en question et teste de nouvelles saveurs. Bien sûr, il est conscient que la majorité des confitures achetées seront celles à l’abricot, à la fraise ou la framboise. « Ces confitures pittoresques dont je vous parle, ce sont plutôt des petits clins d’œil au monde qui nous entoure ! »

Tanrade lui cédera tout, ses tours de main et ses adresses de producteurs de fruits
Si, bien longtemps, il a pu fabriquer ses confitures, pâtes de fruits et chocolats à demeure, au 63 rue de Chabrol, il n’en est plus de même depuis quelques années. « Il m’a fallu trouver un autre endroit, car les propriétaires avaient un projet immobilier. Je me suis battu pour garder la boutique mais pour le reste cela n’a pas été possible. » C’est ainsi que son lieu de fabrication est aujourd’hui délocalisé entre Houdan et Dreux dans un lieu insolite et presque historique : le bateau de pierre ! Insolite, parce que le bâtiment ressemble à s’y méprendre à une œuvre architecturale de Le Corbusier, et historique car plusieurs chambres conservent les vestiges de peintures murales et dessins gravés signés de grands noms d’artistes.
Le hasard, Alain Furet n’y croit pas. « Cette rencontre avec le dernier des héritiers Tanrade était inévitable. J’étais à l’époque plutôt reconnu sur la place de Paris pour mes chocolats et ma pâtisserie et puis j’ai croisé la fabuleuse histoire de la maison Tanrade… » C’est comme si les deux hommes s’étaient reconnus l’un en l’autre. Même chose avec le bateau de pierre : son lieu de fabrique, ce laboratoire de nouvelles recettes. « Ce n’est pas un coup de foudre, je dirais plutôt que c’est une évidence, il fallait que ce soit là-bas. Et j’ai trouvé des liens avec le 63 rue de Chabrol. Savez-vous que Marie Laurencin a vécu dans cet immeuble et qu’elle se rendait souvent au bateau de pierre ?» Le dernier des Tanrade lui apprendra tout. Ses tours de main et ses adresses pour s’approvisionner en fruits de qualité. « Je vais toujours chez la même productrice installée à St Prix, dans le Val-d’Oise acheter mes cerises de Montmorency. Une adresse de la maison Tanrade. C’est la même chose pour les gariguettes de Sologne. Le producteur sait exactement ce dont j’ai besoin et me réserve la qualité la meilleure pour réaliser des confitures. Pour les abricots, je ne travaille que très peu de variétés : le Bergeron et le Rosé de Provence, pour leur saveur. Il faut aussi des fruits qui ne soient pas trop gros, l’idéal étant de confire, c’est-à-dire de cuire en plusieurs fois les fruits dans leur entier. »
Après, tout se joue sur les astuces d’achat. « Evidemment la qualité des fruits est fondamentale. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, on n’utilise pas le rebut de ce qui n’est pas vendu frais. Vous savez, un fruit pourri ne donnera jamais une bonne confiture ! Pour nous, le cœur de la saison c’est primordial. La règle d’achat n’est pas la même que pour un consommateur de fruits frais. Pour les fruits d’été, cela correspond à la période où les fruits sont les plus gorgés de sucre et les volumes les plus importants. En plus au cœur de la saison, le choix est tellement varié. Et, c’est à cette période que les prix sont les plus bas, donc les plus intéressants. » C’est tout naturellement durant la semaine du 15 août que les achats sont les meilleurs pour les confiseurs. « La Nature a bien fait les choses. Si l’on prend le cas des fruits, en été ils sont gorgés d’eau quand il fait chaud pour étancher notre soif, et quand vient l’hiver ils sont plus consistants ou pleins de vitamines comme les agrumes pour nous aider à nous protéger du froid. La Nature n’a pas été faite pour rien, tout cela a un sens. Si on ne garde pas les saisons, on perd ces repères simples », rappelle-t-il. « C’est à cette période que les productions sont importantes et que les clients se font plus rares. Il y a réellement de beaux coups à faire, cette semaine-là !, raconte-t-il l’œil pétillant. On fait aussi de bonnes affaires les jours d’orage à Rungis, mais c’est plus risqué. La qualité des fruits peut tourner très rapidement. » En clair, une bonne confiture est synonyme de qualité des fruits utilisés. Une évidence qu’il martèle à l’envie comme une leçon de vie. On ne peut pas faire une bonne confiture avec des fruits de rebut. Comme la règle d’or qu’il applique depuis qu’il est artisan confiseur, chocolatier et pâtissier : « La qualité ne rime pas avec quantité ».

Vendre à l’extérieur, c’est devenir un gestionnaire plutôt qu’un artisan !
Plusieurs fois, il a eu la possibilité de vendre ses confiseries autre part que dans sa boutique, mais ces expériences, il n’a pas souvent voulu les tenter. « Si vous décidez de travailler à l’extérieur, vous devez faire des avances sur frais. En clair, ce ne sont plus vos produits qui ont le plus d’importance mais la façon dont vous allez gérer votre argent. Vous êtes alors gestionnaire de comptes plutôt que confiseur. » Ce n’est pas comme cela qu’il voit son métier. « Si vous décidez de vous développer trop brusquement, c’est votre âme d’artisan que vous perdez. Et je reste persuadé que dépasser le nombre de dix employés, c’est perdre le sens de ce qu’est un véritable artisan. Tout bonnement parce que l’on ne peut plus travailler de la même manière. On devient chef d’entreprise, on gère alors davantage le personnel, ce n’est donc plus le même métier. » La difficulté réside alors dans la survie. Indépendant, il l’est, mais à quel prix ? « Ce serait tellement simple de vendre la marque et de la voir apposée partout. Tenez chez Le Nôtre par exemple, à l’époque où j’y ai travaillé, on était très peu. Aujourd’hui vous retrouvez du Le Nôtre partout. Ce n’est plus la même qualité. » Ne pas se perdre telle est donc sa devise. Chez les compagnons du devoir, on appelle cela ne pas se laisser emporter par le Tentateur. « Je vous donne un exemple. Vous êtes en train de confire vos fruits dans le chaudron de cuivre et le téléphone sonne… Le Tentateur vous intime l’ordre de répondre alors que votre volonté d’artisan vous rappelle toute l’importance d’achever de confire vos fruits et de finir vos confitures… C’est la même chose pour le choix d’être artisan ou gestionnaire financier ! » Le coup du téléphone, c’est du vécu ! « Ce jour-là, je faisais de la confiture de framboises. Après ce fameux coup de fil, trop cuite, elle était irrécupérable et puis j’ai eu l’idée de confectionner de la confiture au chocolat et c’est comme cela que j’ai lancé toute la gamme de confitures au chocolat ! » Alors, cette année, vu les difficultés financières qui pèsent encore sur la boutique Furet-Tanrade, cet artisan fougueux a décidé de proposer une souscription auprès de ses meilleurs clients. Ce sera l’occasion de la dernière chance. « Je me laisse encore dix-huit mois et après on verra. »
Quant à la transmission de son savoir-faire artisanal, Alain Furet travaille depuis plusieurs années déjà avec son fils. Et, depuis quelques mois, son fils et sa femme sont partis en Tunisie en caressant le rêve de confire à l’envie oranges et autres fruits pour moins cher. Déjà un lieu de fabrication aurait été trouvé. Gardien de la marque plus que bicentenaire Tanrade, et confiturier largement reconnu, Alain Furet n’aurait qu’un message à transmettre aux futurs candidats aux MOF des détaillants, il reste convaincu qu’en tant qu’artisan, il faut sans cesse se remettre en question et avoir la foi dans ce que l’on fait. Quasi-artiste – il confit des fruits presque toutes les nuits comme d’autres peindraient, sculpteraient, écriraient ou composeraient de la musique –, il martèle, « Nous naissons tous avec une qualité, un don inné, une manière de confectionner avec ses mains. Et les mains sont le symbole de la vie. C’est cette part d’inné qu’il faut cultiver en chacun de nous, reconnaît-il. Dans cette société du jetable, il faut être le gardien des traditions ! »

Les plus lus

Changement climatique : pour Serge Zaka, « il faut sortir de la stratégie de pansement avec une vraie diversification fruitière »

Avec le changement climatique, à quoi ressemblera la France fruitière et légumière en 2050 ? Le salon Medfel, ces 24 et 25…

Les chaufferettes Wiesel commercialisées par Filpack permettent un gain de température à l'allumage supérieur à celui des bougies.
Chaufferettes contre le gel en verger : un intérêt sur les petites parcelles très gélives

Le risque de gel fait son retour sur cette deuxième quinzaine d'avril. Plusieurs entreprises proposent des convecteurs à…

Parsada : ouverture ce 12 avril d'un appel à projets porté par FranceAgriMer

Initié au printemps 2023, le Plan stratégique pour mieux anticiper le potentiel retrait européen des substances actives et le…

verger abricot Drôme - Emmanuel Sapet
En Ardèche, de fortes pertes dans les vergers d'abricotiers sont à déplorer

Des chutes physiologiques importantes de fleurs sont à déplorer dans des vergers d'abricotiers d'Ardèche, de la Drôme et de l'…

Prix des fraises françaises : il n'est « pas lié aux faibles quantités espagnoles », revendique l’AOPn

Les fraises espagnoles sont pour le moment quasi absentes de nos étals français. Pourtant, ce n’est pas cette absence ou cette…

Loi Agec et emballage plastique des fruits et légumes : le Conseil d’Etat rejette le recours, Plastalliance va porter plainte devant l’UE

Suite à l’audience du 4 avril, le Conseil d’Etat a rejeté, par ordonnance du 12 avril 2024, la requête de Plastalliance aux…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 354€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site filière Fruits & Légumes
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière fruits & légumes
Consultez les revues Réussir Fruits & Légumes et FLD au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière fruits & légumes