Aller au contenu principal

Marché mondial-Pomme de terre
Tous les opérateurs ont les yeux tournés à l’Est

Premier exportateur mondial, la France se doit de garder une longueur d’avance dans la compétition internationale. En prospectant les marchés émergents, mais sans pour autant abandonner ses marchés historiques.

Depuis trois ans, Slovénie, Bulgarie, Lituanie, Slovaquie, Russie, Pologne, Hongrie et République Tchèque sont devenues d’importants pays demandeurs de pommes de terre. Les chiffres en témoignent : on a exporté 800 t de tubercules en Europe de l’Est en 2008-2009, 4 900 t la campagne suivante et 12 400 t en 2010-2011. Sans compter les tonnages français transitant par les ports hollandais avant d’arriver à l’Est. La tendance se confirmera-t-elle ? A quelles conditions ? Peut-on établir un parallèle avec ce qui s’est passé dans la péninsule ibérique il y a plus de quarante ans ?
L’Europe de l’Est, « un marché de plus de 100 millions d’habitants produisant actuellement 20 millions de tonnes de tubercules », serait-elle devenue le nouvel Eldorado des opérateurs français au moment où les marchés italiens, portugais et espagnols deviennent matures ? Ces mêmes opérateurs français bénéficieront-ils de l’expansion de la grande distribution à l’Est comme ils ont pu bénéficier de la multiplication des grandes surfaces en Espagne ?

République Tchèque : du biogaz au détriment de la culture de pomme de terre
La table ronde organisée par le CNIPT à l’occasion de sa dernière assemblée générale en décembre dernier, n’a pas totalement répondu à ces questions. Ne serait-ce que parce que tout bon opérateur ne tient pas à dévoiler sa stratégie, surtout quand le marché est lourd ! Mais l’expertise de Martine Schwartzmann, chef de projet à Ubifrance, et les analyses de Raymond Diener (Ubifrance Varsovie) ont apporté de précieux éclairages.
« La France est le premier exportateur européen, voire mondial, de pommes de terre », a expliqué Martine Schwartzmann qui a analysé les données recueillies auprès des Douanes de 2005 à 2010 pour porter son regard sur les échanges mondiaux de pommes de terre. Objectif ? Situer les différents pays dans l’offre et la demande mondiales, repérer les évolutions et surtout étudier la place de notre pays « dans une perspective dynamique ».
« C’est une période durant laquelle on a pu noter quelques faits marquants, relève Martine Schwartzmann. La diminution des surfaces cultivées à l’Est et en Europe du Sud, la baisse de la consommation en frais et l’augmentation de celle des produits transformés, la recrudescence des approvisionnements de proximité… Dans les GMS, les standards de commercialisation s’imposent dans tous les pays. » Et de poursuivre : « Ce sont autant de critères qui font évoluer les flux à l’exportation. »
C’est ainsi que les quatre pays de l’Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal et Grèce) ont perdu ensemble 205 000 ha et près de 5 millions de tonnes de tubercules en l’espace de cinq ans. Pire, les surfaces de l’Espagne ont été divisées par trois en l’espace de vingt ans, tandis que 40 % des importations grecques de pommes de terre sont d’origine française. Les phénomènes sont analogues dans les pays de l’Est (ceux entrés en 2004 et ceux entrés en 2007). Les surfaces ont reculé de 13 % en Europe de l’Est (960 000 ha cultivés en 2010) et la production aurait baissé de 16 % pour s’établir à 16 millions de tonnes en 2010… alors qu’un pays comme la République Tchèque a fait le choix du maïs pour sa production de biogaz au détriment des pommes de terre.

Dans le Top 10 des exportateurs, quatre sont européens
Selon Martine Schwartzmann, les importations mondiales représentent un marché de 8,9 millions de tonnes. Dans le top 10 des pays importateurs représentant 70 % des importations en volume (65 % en valeur), on retrouve huit pays européens et, parmi eux, la Belgique, les Pays-Bas, l’Espagne l’Italie, l’Allemagne et la France mais aussi les Etats-Unis (avec ses échanges avec le Canada) et la Russie.
La part des échanges de l’ex-Communauté des Etats indépendants (CEI) est passée de 5,2 % à 9 % en l’espace de cinq ans. C’est la conséquence de pays nouvellement demandeurs comme le Kazakhstan (10 000 t en 2005 et 121 000 t cinq ans plus tard…), l’Azerbaïdjan ou bien encore la Moldavie, alors que des pays d’Asie sont aussi globalement en progression (Malaisie, Thaïlande...).
Quant à l’Union Européenne, elle représente 68 % des exportations mondiales. « Dans le top 10 des pays exportateurs, les quatre premiers sont européens », souligne Martine Schwartzmann. Il s’agit de la France (22 % des volumes), de l’Allemagne (16 %), des Pays-Bas et de la Belgique. Puis viennent le Canada, les Etats-Unis, l’Egypte, l’Iran, Israël et la Chine.
Avec 22 % des exportations en volume et 19 % en valeur, la France tient donc le premier rang devant l’Allemagne et les Pays-Bas. Mais pour combien de temps encore ? Le temps ne serait-il pas venu de consolider les positions et de ne pas partir en ordre dispersé ? Bref, avoir une stratégie cohérente sur le moyen terme.
« Nous avons des atouts à l’export, lance Régis Wecxsteen du groupe éponyme. Notre palette variétale, notre qualité culinaire, ainsi que notre position géographique au carrefour de l’Europe nous procurent de nombreux avantages. Et même si des opérateurs français regrettent parfois les lenteurs de l’administration française dans la délivrance de certificats phytosanitaires, nous avons des cartes à jouer. »

Prendre son bâton de pèlerin pour répondre à une demande exigeante
Pas question cependant d’abandonner le marché de la péninsule ibérique qui demeure toujours notre second client derrière le marché intérieur. « Nous arrivons à un moment clé avec l’Espagne », explique Jean-Luc Gosselin, directeur du CNIPT en faisant état des difficultés du groupe franco-espagnol créé entre opérateurs de chaque pays (Club ibérique des professionnels de la pomme de terre (CCIP)) dont les travaux ont été perturbés par la crise espagnole.
« Notre clientèle espagnole est stabilisée, épurée même ; les assureurs-crédits la connaissent ; il y a chez eux une forme d’élégance et de transparence que nous apprécions, souligne, de son côté Luc Lemaire. Ce sont des Latins comme nous ! » Le négociant de Linselles, promoteur à l’époque du marché à terme, reste néanmoins circonspect sur les développements à l’Est. Selon lui, « la Russie ne sera jamais un gros client hormis en cas de problèmes climatiques », même s’il reconnaît qu’« il faut néanmoins y prendre des places comme nous l’avons fait en Espagne ».
Avec l’Est, tout est encore à construire. Et même si l’Europe de l’Est représentait 8 % des exportations en volume en 2010 (0,5 % en 2005), d’autres marchés sont aussi à prospecter comme les pays scandinaves (Danemark, Suède, Norvège et Finlande). Ces quatre pays ont importé 200 000 t de pommes de terre en 2010 (+ 44 % depuis 2005).
« On doit prendre son bâton de pèlerin, d’autant que certains de ces pays ont besoin de combler un vide qualitatif et quantitatif », explique Raymond Diener. « Les besoins de la Pologne sont actuellement estimés à 600 000 t par an. Mais pour les satisfaire, il ne suffit pas de faire du dégagement. On doit proposer une marchandise propre, précalibrée en vrac ou en conditionné. Ce sont des exigences imposées par la grande distribution, relayées aussi par la demande des 25-50 ans exigeant des tubercules de très bonne facture », insiste le représentant d’Ubifrance.

La Russie, un marché spécifique
Pour Martine Schwartzmann, le marché russe représente bel et bien une spécificité. C’est un marché qui progresse, même si on met la dernière campagne entre parenthèses. « C’est un marché de 28 à 30 millions de tonnes par an constitué à 84 % de petits lopins individuels où l’on note une tendance à la baisse des surfaces (- 25 %) en l’espace de cinq ans », confirme-t-elle.
Les Russes ont importé 635 000 t de tubercules en 2010 (+ 72 % par rapport à 2005), destinées à alimenter les grands centres urbains et à satisfaire des consommateurs « de plus en plus exigeants ». Avec des problèmes logistiques spécifiques, le développement de nos exportations y rencontre quelques freins, tant en termes de coûts d’approche, de menaces phytosanitaires ou de fermetures de frontières intempestives. Un dernier point qui devrait être réglé quand la Russie aura rejoint l’OMC (cf. pp. 38-40).
Le témoignage de Marc Peyres, directeur commercial de Blue Whale – une coopérative du Sud-Ouest commercialisant 180 000 t de pommes par an, dont 80 % à l’export (la moitié hors des frontières européennes) –, fut à cet égard très instructif. Pour lui, « produire en zone Euro et exporter hors de la zone Euro s’avère parfois compliqué ». Néanmoins, une telle contrainte n’empêche pas cette coopérative, qui surfe sur le haut de gamme, l’innovation et le service client, d’envoyer chaque année 2 500 conteneurs en Asie du Sud-Est. C’est la devise de cette société qui exporte dans près de soixante-cinq pays à travers le monde : « Multiplier les produits et les pays destinataires ».
Et le responsable du groupe coopératif de lever un coin du voile sur sa stratégie : « La reconquête de nouveaux marchés par de nouvelles variétés ». Le moyen ? « Tisser sa toile en s’appuyant sur ses premiers clients pour en développer de nouveaux », conclut-il.

Les plus lus

Emballages plastique pour les fruits et légumes : le Conseil d’Etat annule le décret d’application de la loi Agec

Le décret d’application du 20 juin 2023 sur les emballages plastique des fruits et légumes a été annulé le 8 novembre par le…

Etal fait de cagettes d'un vendeur à la sauvette de fruits et légumes à la sortie d'une bouche de métro à Paris.
Vente à la sauvette de fruits et légumes à Paris : de la prison ferme pour les fournisseurs

De la prison ferme pour des organisateurs de ventes de fruits et légumes à la sauvette : une sanction historique pour ce…

Un rayon de fruits d'été dans un supermarché. Une cliente choisit des pêches.
Emballages plastique dans l’UE : à quoi peut s’attendre le secteur des fruits et légumes ? L’AREFLH fait le point sur le PPWR

Lors du premier Forum Annuel de l’AREFLH, les discussions ont notamment portées sur le PPWR, le règlement européen sur…

<em class="placeholder">« Nous avons fait le pari de planter 2,5 hectares de baies de goji alors que personne ne pouvait vraiment nous guider », explique Nancy Crivellaro, arboricultrice à ...</em>
« Nous avons fait le pari de planter 2,5 hectares de baie de goji »
Nancy et Thomas Crivellaro, viticulteurs dans le Gard, cultivent depuis six ans de la baie de goji en agriculture biologique. […
capture d'écran de la page d'accueil du site DataSIQO
Siqo : qu’est-ce que DataSIQO, plateforme de datavisualisation des produits sous signe de qualité et de l’origine ?

Le site a été lancé par l’INAO et le réseau des chambres d’Agriculture. Il se veut être un outil d’aide à la décision pour les…

Coordination rurale - Agen - Légumes de France
Légumes de France : à Agen, une fin de congrès sous tension

Le 67e congrès de Légumes de France s’est achevé avec un face à face syndical entre les congressistes de Légumes de…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 90€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site filière Fruits & Légumes
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière fruits & légumes
Consultez les revues Réussir Fruits & Légumes et FLD au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière fruits & légumes