Sud-Est
“ Toujours”, une marque cousue main
Installée sur le marché St Charles, l’entreprise Louis Rosario s’est fait une spécialité – et une notoriété – dans le commerce des agrumes. La troisième génération qui est aux commandes préserve les traditions familiales sans hésiter à innover.
La saga de la famille Rosario a débuté dans les années 20 alors que Louis était producteur d’agrumes près de Valencia. La création d’une première station d’expédition en Belgique devait être suivie de l’ouverture de succursales à Alger (où une branche de la famille résidait) et à Casablanca. Les troubles des années 30 à 45 devaient en parallèle contraindre la famille à s’installer d’abord à Marseille, en raison des liaisons maritimes favorables au commerce d’agrumes puis à Perpignan en 1962, afin d’exploiter la proximité avec Valencia. Enfin c’est en 1971 que l’entreprise Louis Rosario dirigée alors par ses fils s’installe sur le marché international St Charles. Aujourd’hui, Xavier Rosario et Marie Case, cousins et petits enfants de Louis Rosario, préservent les fondamentaux de l’entreprise familiale.
Préserver les fondamentaux, c’est avant tout continuer de travailler sur la même stratégie familiale. « Désormais, nous ne sommes plus producteurs mais avons fait le choix de continuer avec de petits producteurs et seulement des petits producteurs, explique Xavier Rosario. Continuer à produire aurait été trop complexe. Produire des agrumes nécessite d’être en permanence vigilant sur le plan technique afin de suivre au plus près l’évolution variétale et répondre aux attentes des consommateurs. Nous jouons ce rôle de veille technique et économique auprès des producteurs avec lesquels nous travaillons. Cela nous permet d’être plus réactifs. »
Les nouvelles variétés ne sont pas plantées, mais un travail de repérage permet de sélectionner les vergers existants. « Nous avons des champs laboratoires des variétés que nous avons sélectionnées. Les arbres étant déjà en production nous permettent de lancer immédiatement des tests commerciaux pour recueillir l’avis des consommateurs. Ce système nous confère une grande réactivité sans engager d’investissements en amont et en limitant les risques d’échec. » En Espagne, Louis Rosario travaille avec 80 producteurs entourés par le service technique de l’entreprise qui vérifie l’application du cahier des charges de production. La récolte, parfois réalisée par une équipe interne de cueilleurs, est apportée à la station de Valencia où travaille une centaine de personnes employées au conditionnement. « Les fruits entrent en station et subissent 8 jours de “purge” avant conditionnement. Ce délai nous permet d’éliminer les fruits imparfaits qui iraient pourrir chez le consommateur. » Les agrumes sont ensuite acheminés vers la plate-forme de stockage et d’éclatement de Perpignan (à 95 % sur le marché intérieur via les grossistes et la grande distribution) grâce au service logistique intégré (« afin de maîtriser toute la chaîne ») et à ses camions marqués du slogan “Toujours, les agrumes des petits producteurs espagnols”.
La marque “Toujours” représente un total de 10 000 t d’agrumes
Car précurseur, Louis Rosario a inventé une marque et un logo qui ont traversé le temps. « Une marque a été développée pour sensibiliser le consommateur et nous avons pris le parti de travailler avec la marque d’origine de l’entreprise. » “Toujours” est restée la marque phare. Elle couvre une gamme d’oranges, de citrons, pomelos, petits agrumes pour un volume total d’environ 10 000 t. Mais des transformations s’opèrent. « Les petits agrumes sont désormais le segment le plus important, explique Marie Case. L’orange perd progressivement des parts de marché qui sont compensées par la clémentine. »
Plusieurs raisons concourent à cette situation. Le jus d’orange frais est concurrencé par les jus prêts à l’emploi, constants en goût, dont le linéaire explose. La clémentine est plus facile à éplucher et son calibre est plus adapté à la consommation. « Ceci étant, il y a une bonne chose à cette situation. Les industriels ont commencé à travailler sur les variétés et elles entrent chez le consommateur », souligne Xavier Rosario. Car la segmentation au niveau du vocable des acheteurs est limitée. Les oranges sont de table ou de jus. « En revanche, en ce qui concerne les clémentines, les acheteurs sont tout à fait à même de demander une variété précise. Mais nous pensons que l’intérêt principal est de revenir au goût et à la périodicité des fruits. Ne pas se hâter pour la commercialisation afin d’éviter des fruits immatures et décevants », précise Marie Case.
Lancement d’une clémentine sans traitement après récolte
Si la troisième génération conserve les traditions, elle n’hésite pas à innover. Elle a lancé sur le marché la première clémentine sans traitement après récolte commercialisée à la marque “Pour Toi” « pour répondre aux attentes du consommateur » qui complète la gamme citrons et oranges. En 2002, l’orange “Toujours” a été le premier agrume à recevoir la distinction “Saveur de l’année”. Et puis il suffit de cliquer sur le site orangestoujours.com pour vérifier de sa capacité à se positionner dans l’air du temps.
Quant à cette saison, Xavier Rosario prévient : « La récolte d’agrumes espagnole est déficitaire en raison de l’alternance et de mauvaises conditions climatiques qui ont affecté les vergers. Pour notre part, nous allons rationaliser notre offre afin de ne délaisser aucun client. Nous pourrions effectivement augmenter notre potentiel pour dire oui à toutes les demandes. Mais nous préférons rester sur des produits de niche plutôt que de nous développer considérablement, au risque que la situation ne devienne ingérable. C’est aussi une raison pour laquelle nous ne travaillons pas d’autres origines. Nous avons essayé et vite compris que notre savoir-faire reposait sur les agrumes espagnols. » Pas la peine non plus d’aller frapper à leur porte pour des promotions. « Nous n’en faisons jamais, spécifie Marie Case. D’abord parce que nous n’avons pas assez de volumes et ensuite parce que nous manquons de lisibilité pour des engagements à deux mois. » Un argument qui étaye la philosophie de Marie Case et Xavier Rosario : « Sensibiliser nos clients et leurs clients à un travail artisanal qui privilégie la qualité, la continuité de l’offre et la traçabilité. »