Taïwan, l’île aux mille fruits
Taïwan produit un large éventail de fruits. Nouvelles variétés et innovations culturales ont permis aux agriculteurs de s’adapter à l’ouverture des frontières et de gagner des marchés exports.
Taïwan produit un large éventail de fruits. Nouvelles variétés et innovations culturales ont permis aux agriculteurs de s’adapter à l’ouverture des frontières et de gagner des marchés exports.
Quoique d’une superficie modeste, Taïwan est soumis à deux types de climats, un subtropical au nord et un tropical au sud. Ce à quoi viennent se superposer, selon les lieux, les effets de l’altitude, le pays s’étageant du niveau de la mer à près de 4 000 m. En résulte une grande diversité de micro-climats qui permet aux agriculteurs taïwanais de cultiver aussi bien des fruits de régions tempérées que de zones tropicales.
Favorisée par ces conditions naturelles, la filière arboricole est l’un des pans de l’agriculture taïwanaise qui a le mieux tiré son épingle du jeu après l’adhésion du pays à l’OMC en 2002. Celle-ci a ouvert le pays aux produits agricoles étrangers et fait baisser les prix. Les paysans se sont alors tournés vers les productions les plus rémunératrices et notamment les fruits. D’autant plus qu’il leur était difficile de compenser la baisse des cours par une augmentation de la taille de leurs exploitations car le prix des terres s’est dans le même temps envolé sous l’effet de l’accroissement de la population et de l’urbanisation. « Dans la région, un hectare de terre se négocie autour de 1,4 million d’euros », révèle Wen-Pin Yeh, chercheur à la station de recherche agricole du district de Taichung. Résultat, la taille moyenne des exploitations n’est que de 1,13 ha. L’intérêt pour les cultures fruitières s’est aussi accru car elles ont vu leurs débouchés se développer. Au plan local, le niveau de vie de la population a fortement progressé durant la dernière décennie et dans son sillage la consommation de fruits frais. A l’export, la Chine, en 2005, a autorisé l’importation de 15 variétés de fruits taïwanais dont 12 sans droits de douane. Le Council of Agriculture (COA) mène en outre régulièrement des actions de promotion, ce qui permet de s'implanter sur des marchés étrangers.
Devant le riz en termes de valeur
Résultat, selon les statistiques officielles, les cultures fruitières occupent 180 000 ha, toujours derrière le riz mais l’ont dépassé en termes de valeur de production comptant pour 37 % du total agricole contre 22 %. Cette superficie inclut 43 000 ha de palmiers à bétel donnant la noix du même nom dont nombre de Taïwanais restent friands bien qu’elle soit cancérigène. Cette culture entraînant en outre une érosion des sols, l’Etat essaye depuis 2014 de la réduire en offrant 7 000 €/ha aux agriculteurs qui l’abandonnent pour se reconvertir vers d’autres productions comme les agrumes. Sans grand succès jusqu’à présent car elle est aisée et rapporte 8 350 €/ha.
Le COA a par contre joué un rôle crucial dans l’amélioration de la productivité et des revenus des producteurs fruitiers en leur fournissant appui technique et nouvelles variétés adaptées à leurs différents terroirs. Seize centres de recherche agricoles opèrent ainsi dans toute l’île. « Nous travaillons sur tous les végétaux mais les cultures fruitières tiennent une place importante car nous sommes dans une région où la production est très diversifiée », explique Wen-Pin Yeh. A l’intérieur des terres, où le relief s’élève, sont cultivés kakis, pommes, poires, pêches, prunes et abricots du Japon alors que dans la plaine côtière sont produits des fruits tropicaux et du raisin. « S’y trouve la majorité des 3 000 ha de vignes du pays et nous conservons 300 variétés avec lesquelles nous faisons des essais d’hybridation ».
Déclin de la banane
La grande région productrice de fruits tropicaux est le sud de l’île, jadis essentiellement tourné vers la banane qui est cultivée par plantation annuelle pour minimiser les dommages causés par les typhons. Mais les surfaces qui atteignaient 50 000 ha dans les années soixante sont tombées à 14 000 ha aujourd’hui à cause de la fusariose et du développement de la production d’autres espèces tropicales telles mangue, ananas, jambose, litchi, longane, pomme cannelle, néflier du Japon, papaye, goyave, jujube, carambole, agrumes (ponkan tonkan, pomemo, orange, citron) ou encore atemoya, croisement de pomme-cannelle et chérimole dont Taiwan est le premier exportateur mondial avec une production voisine de 10 000 t, à 98 % écoulée en Chine.
Des instituts de recherche performants
Autant de productions fruitières pour lesquelles les agriculteurs taïwanais ont largement bénéficié des travaux menés dans les stations de recherches agricoles et à l’Université nationale de science et technology de Pingtung. Ont été créées de nouvelles variétés de goyaves, de papayes, de jujubes, de litchis et de mangues dont, entre autres, le premier hybride de litchi en 2008 et un hybride de jambose plus gros à chair plus rouge pouvant se cultiver toute l’année. La mise au point de techniques culturales ont aussi amélioré les rendements ou permis de produire à contre saison. Citons l’éclairage nocturne pour accroître le taux de floraison du fruit du dragon, l’allongement des périodes de production du longan et du jambose par application de déclencheurs de floraison. Des travaux se poursuivent et s’étendent à de nouvelles variétés, les chercheurs s’intéressent par exemple en ce moment à l’abiu, un fruit originaire d’Amazonie.
Mais, une menace pèse sur la filière comme sur toute l’agriculture taïwanaise. L’âge très élevé des exploitants, une grande majorité affichant plus de 60 ans dont beaucoup sans successeurs familiaux. Une situation d’autant plus préoccupante pour l’avenir que le prix faramineux des terres complique l’installation de jeunes non issus du milieu agricole. Pour remédier à ce problème, l’Etat a lancé avec un certain succès un programme intitulé « Small Landlords, Big Tennants Farmers » qui encourage les petits propriétaires et les agriculteurs à la retraite à louer leurs terrains à de jeunes exploitants avec priorité à ceux pratiquant l’agriculture biologique.
Thierry Joly
Balance déficitaire
Si la production taïwanaise de fruits tropicaux est excédentaire, celle des fruits tempérés est en revanche largement déficitaire. Ayant atteint 190 000 t en 2015, les exportations sont en hausse et portent avant tout sur la mangue pour près de 20 % de la valeur, les agrumes, le raisin et l’atemoya, autour de 10 % chaque, la banane, l’ananas, le litchi. Absorbant 1/3 des volumes, la Chine est le premier marché devant le Japon, 16 %. Viennent ensuite Hong-Kong, les Etats-Unis, la Corée du Sud et Singapour pour 8 à 9 % chacun. Les importations, elles, se sont élevées à 561 000 t en 2015 et concernent essentiellement pommes, 25 %, raisins, cerises, kiwi et pêches avec comme principaux fournisseurs les Etats-Unis, pour environ 1/3 du montant en valeur, la Nouvelle-Zélande, environ 1/4, le Chili, le Japon et la Chine.
A savoir
Chiffres
Superficie 2015 : 180 330 ha
Production 2015 : 2,57 Mt
Surface : noix de betel : 43 200 ha, agrumes, 25 500 ha, mangues : 15 200 ha, bananes : 14 100 ha, longanes : 11 300 ha, litchis : 10 300 ha, ananas : 9 500 ha, goyaves : 7 100 ha, kakis : 5 450 ha, poires : 5 400 ha
Production : ananas : 494 000 t, agrumes : 469 500 t, bananes : 274 000 t, mangues : 166 200 t, goyaves : 150 700 t, poires : 127 000 t, papayes : 115 000 t, noix de betel : 113 100 t, litchis : 87 500 t, longanes : 85 200 t
Des raisins en vente directe
A une trentaine de kilomètres au sud de Taichung, Dacun est le principal centre de production de raisin de l’île. Francis Lai y exploite un ha de vigne en pergola sous tunnel ouvert une partie de l’année. « C’est un gros investissement mais c’est une protection efficace lors des typhons car cela ralentit les vents », explique-t-il. Plantée tous les 15 ans à 2 500 pieds/ha, elle est encépagée en Kyoho, la variété de raisin de table la plus appréciée des consommateurs. Il réalise deux récoltes par an, en juillet et décembre, traitant une douzaine de fois pour chaque cycle. Eclairant les vignes au moment de la floraison pour favoriser la pollinisation, ce qui accroît les rendements de 20 %, il récolte à chaque fois 20 000 kg. « Je pourrais obtenir plus, mais ce serait au détriment de la qualité », souligne-t-il. « Or je suis vigilant sur ce point car je vends toute ma production en direct ». Si certains clients passent chez lui, le plus gros du volume est commandé par téléphone ou internet et il expédie la majeure partie des commandes par la poste. « Taïwan est un petit pays, Taipei n’est qu’à 170 km, et les colis sont livrés en 24 heures maximum ». Il peut ainsi vendre son raisin autour de 5,70 € le kg, bien plus que s’il livrait à des supermarchés ou des grossistes. Un revenu qu’il complète avec trois chambres d’hôtes aménagées dans sa demeure.