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Sur la piste des châtaignes du Japon

La production japonaise de châtaigne est très ancrée dans la tradition du pays, malgré des volumes en baisse. La transformation apporte une forte valeur ajoutée au produit.

Au Japon, la châtaigne jouit d’une tradition forte et ancestrale. Sa domestication est attestée depuis 3000 ans et la culture la plus ancienne enregistrée dans le pays date de 1590. Aujourd’hui, le Japon produit 16 500 tonnes de châtaigne sur une superficie de 18 000 ha (chiffres 2016). Cette production est en baisse depuis de nombreuses années (22 000 t en 2007, 32 000 t en 1997). Mais le produit possède une belle image de qualité auprès des Japonais, notamment grâce aux nombreux desserts confectionnés à partir de châtaigne. Des producteurs et acteurs de la filière châtaigne, français, espagnols et portugais, membres du réseau Eurocastanea, sont partis en juin pour une mission exploratoire du secteur de la châtaigne au pays du soleil levant, organisée par Interco Nouvelle-Aquitaine à la demande de l’AREFLH et de l’Union Interprofessionnelle Châtaigne Périgord Limousin. De manière générale, les vergers japonais de châtaigniers sont de petite taille et de densité élevée. De gros calibres sont recherchés et obtenus par de fortes tailles et une fertilisation importante. On retrouve de nombreuses variétés différentes dans un même verger. Les variétés européennes ne sont pas cultivées à cause de leur sensibilité aux maladies fongiques dans les conditions climatiques japonaises. Toutes les variétés japonaises sont des Castanea crenata, châtaignier du Japon. La principale variété locale s’appelle Tsukuba, avec 3 670 ha, devant Tanzawa (1 990 ha) et Ginyose (1 860 ha). Environ 60 % des variétés cultivées au Japon sont issues des programmes de sélection du NIFTS, l’Institut national de recherche agronomique sur les arbres fruitiers et le thé. La création variétale est orientée vers des gros calibres, mais aussi vers la facilité à éplucher car les fruits sont tous pelés au couteau. Les vergers ne sont pas irrigués car ils bénéficient de pluies importantes et régulières. Il existe de grosses différences de rendement entre les bassins de production. Deux d’entre eux ont été visités. La préfecture d’Ibaraki, au Nord-est de Tokyo, est le premier bassin de production japonais avec 3 740 tonnes en 2016, soit près de 23 % de la production nationale. Le rendement est seulement de 1 à 2 t/ha. La rotation des arbres est très courte dans cette région, de l’ordre de vingt ans.

L’optimum de production au bout de quinze ans

Sur l’exploitation familiale Shimaki Nouen, les arbres sont ainsi renouvelés progressivement tous les vingt-cinq ans. Selon les producteurs de la région, les variétés japonaises ne sont plus productives au-delà de trente ans. Le verger s’étend sur 15 ha, répartis entre 10 à 11 variétés. La production est ainsi étalée de début septembre à fin octobre. Les arbres sont régulièrement taillés au cours de l’année pour ne conserver que les jeunes rameaux producteurs de fruits l’année suivante. La taille sévère et régulière est très importante pour maintenir le niveau de production de fruits de gros calibre recherché par le marché. En début de plantation, les arbres sont disposés avec une distance de 4x4 m (environ 400 arbres/ha). Au bout de 7 à 10 ans, avec l’élimination progressive des arbres, les distances de plantation sont de 8x4 m. A l’optimum de production, au bout de quinze ans, les distances sont de 8x8 m (200 arbres/ha). Les surfaces sont aussi semées de colza qui est intégré en apport. La production avoisine 1 à 2 tonnes/ha avec des fruits de gros calibre (30 à 50 fruits/kg). Les arbres commencent à fructifier à partir de la troisième année mais, en raison de la taille sévère de formation, ils ne donnent que peu de fruits pendant cinq ans. La plupart de la production est transformée sur place.

Jusqu’à 300 produits à base de châtaigne

Les participants au voyage d’étude se sont également rendus à la préfecture de Gifu, quatrième bassin de production de châtaigne au Japon avec 4,5 % de la production totale. Traversée par la route reliant Tokyo à Kyoto, la région de Gifu est une zone de production historique de châtaigne. Le kurikinton est un dessert local à base de crème de châtaigne cuite avec du sucre, célèbre dans tout le Japon. Les rendements sont ici deux à trois fois plus importants qu’à Ibaraki, avec 3-4 t/ha. Les arbres y sont de plus petite taille et sont renouvelés moins souvent, entre 40 et 60 ans. La région a donné son nom à la méthode de taille spécifique pratiquée localement : la méthode Gifu, qui consiste à éliminer les branches qui ont produit pendant l’été. Trois tailles se succèdent dans l’année : une en hiver qui dure généralement 20 à 30 minutes par arbre et deux en été (10 minutes par arbre). Tous les producteurs de Gifu pratiquent cette taille sévère pour avoir des fruits gros et uniformes. Les pluies abondantes dans la région (1 400 ml par an) sont réparties sur toute l’année. La récolte a lieu de mi-août à mi-octobre, environ deux semaines après celle d’Ibaraki. La quasi-totalité des volumes produits à Gifu servent à la fabrication du kurikinton. De manière générale, la transformation est un débouché très important des châtaignes japonaises. A Ibaraki, 50 % de la production est destinée à la transformation. La gamme de produits à base de châtaigne est très large, jusqu’à 300 produits. Les desserts occupent une place importante dans cette gamme, principalement le kurikinton et le Mont-Blanc. Ces produits à base de châtaigne, au goût léger et sucré, ont une image de qualité et de luxe. Un grand soin est apporté au packaging. « En Europe, les produits sont transformés en marrons glacés, marrons confits, en conserves mais nous ne poussons pas la transformation jusqu’à la pâtisserie. En Europe, on vend un produit alimentaire, au Japon on vend une image », résume José Laranjo, coordinateur d’Eurocastanea.

Adapté du compte-rendu de la mission exploratoire d’Eurocastanea

Des attaques sur le bois

Il n’y a pas de gros problèmes sanitaires dans les châtaigneraies japonaises. Mais il y a des gros problèmes d’attaques sur le bois par le capricorne asiatique Anophlora chinensis (Longhorn beetle). Cet insecte de la famille des Cerambycidae creuse des galeries dans le tronc et les branches, ce qui affaiblit les arbres. Sur l’exploitation Shimaki Nouen dans la préfecture d’Ibaraki, les participants à la mission d’étude ont observé une attaque importante des arbres par le coléoptère. Une sorte de cataplasme protecteur était étalé sur les coupes et sur les zones fortement attaquées. En revanche, le cynips est désormais bien contrôlé au Japon, grâce à l’introduction de Torymus en 1979. Le cycle d’attaque du cynips est connu, les pics ont lieu tous les cinq ans.

En chiffres

Production

16 500 t (8e mondial)

18 000 ha

Importations

6 500 t (Chine 3 750 t, Corée du Sud 2 720 t)

Exportations

688 t

Transformer la châtaigne

Odaki Syouten, dans la préfecture d’Ibaraki, est une entreprise familiale de transformation de châtaignes. La société achète les fruits auprès de producteurs locaux sous contrat, à des prix allant de 300 à 1 200 yens par kilo (2,5 à 11 euros). Elle transforme environ 200 tonnes par an. Les variétés utilisées, Rihe, Polotone et Tanzaba, se distinguent par leur pouvoir de conservation élevé, notamment Rihe. En plus d’une crème glacée réalisée en partenariat avec une autre entreprise, la société fabrique divers produits : crèmes, gelées, pâte à tartiner. Le processus de transformation est artisanal. Jusqu’à 250 travailleuses épluchent manuellement de 7 à 10 kg de châtaignes par jour, payées environ 100 yens par kg (0,85 euro). Pour la cuisson en coque, une machine de découpe semi-automatique est utilisée (25 kg/heure), puis de petites machines de cuisson vapeur à gaz cuisent les châtaignes en environ 10 minutes à 5 kg chacune. Les produits les plus élaborés sont créés dans une cuisine équipée de pétrins et de petits fours. Les matières premières sont conservées dans un réfrigérateur à humidité contrôlée d’environ 150 m3. L’entreprise présente une forte intensité de main-d’œuvre et utilise des outils marketing comme une mascotte sur son point de vente. La vente en ligne représente une part importante de l’activité.

Rédaction Réussir

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