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Indonésie : Karo, le cœur maraîcher et fruitier de Sumatra

Les agriculteurs indonésiens se concentrent sur les productions légumières et fruitières, au nord de l’île de Sumatra, dans le district de Karo. Faible mécanisation et manque de technicité limitent encore les rendements mais la production se développe et se diversifie pour répondre à la demande.

Le marché de Berastagi expose toute la diversité de la production locale. © T. Joly
Le marché de Berastagi expose toute la diversité de la production locale.
© T. Joly

Indonésie ne rime pas uniquement avec cultures tropicales. Au nord de l’île de Sumatra, autour de Berastagi, le district de Karo produit un éventail de fruits et légumes bien plus large. Il est ainsi renommé pour ses oranges, ses carottes et est un gros producteur de pommes de terre, de choux et de piments. On y trouve aussi mangoustans, fruits de la passion, fruits du dragon, avocats, tomates, oignons, échalotes, brocolis, choux-fleurs, courges, aubergines, radis chinois…

Les fraises très demandées rapportent plus

Dominée par les volcans Sibayak et Sinabung auxquels elle doit ses terres fertiles, la région occupe un plateau oscillant entre 1 200 m et 1 400 m d’altitude. Une élévation qui lui permet de jouir d’un climat tempéré et de nuits fraîches en toutes saisons. Bien que ces températures modérées attirent les touristes à Berastagi depuis l’époque coloniale néerlandaise, l’agriculture y est de loin la principale activité économique employant 74 % de la population constituée de musulmans et de chrétiens. S’il existe quelques exploitations importantes aux mains d’investisseurs et d’entreprises, la plupart sont familiales avec une surface comprise entre 0,5 ha et 4 ha, des terres louées ou en propriété. La moyenne se situe à 1 ha, exactement la taille de celle de Suyas et Clara Saragih qui cultivent en bio orangers, tamarillos et fraisiers plantés sur paillage plastique entre les arbres fruitiers. « Auparavant nous faisions des légumes mais les fraises sont aujourd’hui très demandées et rapportent plus », affirment-ils. La conséquence de la hausse du niveau de vie des Indonésiens qui consomment de plus en plus de fruits et légumes et recherchent de nouvelles variétés.

Les marques des éruptions du volcan Sinabung

Les agriculteurs du Karo ont aujourd’hui pratiquement abandonné le riz, moins rémunérateur. En dehors des fruits et légumes, ils ne cultivent plus que des caféiers, une tradition dans la région. Toutes les terres étant occupées, ils mettent maintenant en culture des terres à plus haute altitude, sur les premiers contreforts des volcans. Pour cela, ils recourent au paillage plastique, aux tunnels et à un degré moindre à de petites serres. Autant de techniques qu'ils pratiquent aussi pour élargir l’éventail de variétés produites et avoir une production plus importante et plus régulière tout au long de l’année. Même sans cela, ils peuvent effectuer deux à trois récoltes par an selon les variétés qu’ils cultivent car les températures varient très peu d’un mois à l’autre et il pleut toujours en quantité suffisante. « Mais depuis quelques années nous notons plus d’irrégularités qu’avant », note Suyas. Récemment, le secteur agricole a en outre souffert du réveil du volcan Sinabung dont les éruptions de 2014 et 2018 ont causé de gros dégâts à certaines cultures. Les dépôts de cendre ont ainsi fortement endommagé les légumes feuilles mais n’ont par contre eu que peu d’effets sur les tubercules comme pommes de terre et carottes.

Dans les petites exploitations, tous les travaux ou presque se font manuellement, sans aucune protection particulière pour la pulvérisation des pesticides et des insecticides. Taille réduite des parcelles et faibles revenus n’autorisent que rarement la mécanisation qui se limite pour certains à l’usage de motoculteurs achetés ou loués. Quant aux tracteurs, ils ne se rencontrent que sur les exploitations plus importantes appartenant à des entreprises. L’accès à des semences de qualité est un autre problème, même si leur acquisition et le semis pèsent pour 30 à 40 % des coûts d’exploitation.

N’ayant pour la plupart effectués que les 12 années de scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, les agriculteurs n’ont pas de formation spécifique et ont appris le métier auprès de leurs parents. D’où un manque de technicité qui affecte les rendements. Opérant pour la majorité peu de rotations, n’identifiant pas toujours correctement les maladies, ou trop tardivement, ils appliquent parfois de mauvais produits et pour se prémunir à coup sûr en épandent trop. Il n’est pas rare d’en voir mélanger jusqu’à sept pesticides, fongicides et insecticides dans une même pulvérisation. De même, utilisent-ils souvent trop de fertilisants sans se soucier des sols. Des pratiques que le gouvernement et des négociants tentent de corriger en prodiguant des formations car elles nuisent aux exportations. Singapour et la Malaisie ont ainsi à plusieurs reprises réduit ou interrompu leurs achats pour cause de résidus chimiques trop élevés.

Le plus gros débouché des agriculteurs du Karo est donc l’Indonésie. D’une part avec Jakarta et ses environs où est notamment expédiée la majorité des oranges, production emblématique de Berastagi. De l’autre avec Medan, la grande métropole du nord de Sumatra où sont apparus durant la dernière décennie des supermarchés en quête de fruits et légumes frais et de qualité, avec parmi eux un Carrefour. Des clients qui s’approvisionnent surtout via des négociants, des grossistes ou des coopératives. « Nous écoulons environ la moitié de nos fruits via celle à laquelle nous adhérons », expliquent Suyas et Clara Saragih. Le reste est vendu en direct dans les environs, en partie par cueillette à la ferme. Individualistes, les agriculteurs du Karo ne confient jamais toute leur récolte aux coopératives et ils y adhèrent avant tout parce que le gouvernement distribue les aides par leur intermédiaire. Ils rechignent aussi à conclure avec les grossistes et les négociants des contrats portant sur plus d’une récolte car ils ont, par le passé, été échaudés par des opérateurs indélicats.

Cueillette à la ferme

Le week-end, de nombreux habitants de Medan viennent à Berastagi pour échapper à la chaleur de la plaine côtière. Une escapade qui aujourd’hui s’accompagne souvent d’un passage dans une ferme pour y cueillir des fruits. Une activité à la mode, en particulier chez les jeunes. « C’est amusant et ça nous permet de profiter de la campagne tout en mangeant des fruits à un prix raisonnable », explique ce groupe ayant fait les 70 km en scooter. Comme de nombreux agriculteurs, Suyas et Clara Saragih passent donc désormais le week-end sur leur parcelle où ils ont aménagé un abri sommaire. « Sauf en cas de pluie, les clients étant alors rares, car nous pouvons ainsi vendre les oranges et les tamarillos à 1,30 €/kg et les fraises à 2,25 € les 100 g. Bien plus qu’aux grossistes ou à la coopérative ».

 

Succès à l’export

Proche de Singapour et encore plus de Kuala Lumpur, la capitale de la Malaisie, le district de Karo est idéalement placé pour répondre à l’appétit en fruits et légumes frais de qualité de ces deux métropoles. D’autant que les coûts de production y sont plus faibles que dans ces pays et que le prix reste le premier critère d’achat. A condition toutefois de leur garantir un approvisionnement régulier et de qualité. Pour y parvenir, l’entreprise Horti Jaya a choisi de maîtriser la chaîne de production de A à Z. Disposant de 60 ha autour de Berastagi, elle y cultive pommes de terre, choux et autres légumes feuilles en plein champ ainsi que tomates, tomates cerises, salades, herbes et piments dans 10 ha de serres hydroponiques. Elle y a aussi implanté une pépinière de plants, une unité de tri, d’emballage et de transformation ainsi qu’un petit laboratoire d’analyse. Elle achète et commercialise par ailleurs la production de 500 petits agriculteurs sous contrats que ses équipes visitent une fois par semaine et à qui elle fournit les semences qui n’ont pas à être remboursées en cas d’accident climatique. Résultat, elle vend aujourd’hui 70 % de sa production à Singapour où les légumes sont expédiés par bateau et par avion. Elle exporte aussi en Malaisie, à Taïwan et même au Japon où elle vend des épinards.

 

En chiffres

Productions de fruits en 2018 Nord Sumatra/Indonésie

Orange et mandarine : 409 683 t/2,4 Mt

Avocat : 15 863 t/410 094 t

Star fruit : 4 410 t/101 533 t

Mangoustan : 7 693 t/228 155 t

Surfaces et productions indonésiennes de légumes en 2017

Echalote : 158 172 ha, 1,47 Mt

Piment : 142 547 ha, 1,2 Mt

Pomme de terre : 75 611 ha, 1,16 Mt

Chou : 98 838 ha, 1,44 Mt

Tomate : 55 623 ha, 962 845 t

Source : Badan Pusat Statistik-Statistics Indonesia

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