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Stéphane Layani, président-directeur général de la Semmaris : « Défendre le modèle vertueux des marchés de gros »

Effet Covid-19, « train des primeurs », développement en région… Stéphane Layani évoque aussi la réflexion en cours concernant un second site rungissois en Île-de-France

layani
© Semmaris

FLD : Pourriez-vous nous résumer ce qu’a été, pour le marché de Rungis, l’année 2020, marquée par la crise liée à la Covid- 19, les confinements, la fermeture des restaurants… ?

Stéphane Layani : Le marché de Rungis, en tant qu’opérateur d’importance vitale (OIV), a rempli sa mission de service public. Il faut, une fois de plus, souligner la résilience dont a fait preuve Rungis pendant cette période et la capacité des opérateurs à s’adapter, innover pour trouver de nouveaux débouchés et trouver des solutions permettant d’assurer la continuité de l’activité : nourrir 18 millions de consommateurs.

Cela a permis, au moment où les confinements ont été levés, de faire face à l’activité dynamique de la fin d’année. Par exemple, décembre a permis de la commercialisation de volumes de légumes équivalents à ceux de 2019 et des volumes de fruits en hausse, portés par les produits des fêtes : litchis, ananas, mangues.

Cependant, nous sommes bien conscients que la situation des entreprises a été différente selon les circuits de distribution, détail ou restauration. C’est pourquoi la Semmaris a levé – en lien avec le gouvernement – une à une les difficultés pour permettre aux grossistes d’écouler leurs stocks. Le marché a également créé un fonds de solidarité abondé à hauteur de 4 M€ pour des aides ciblées aux entreprises qui rencontrent des difficultés. Grâce à cela, à ce jour, aucune liquidation d’entreprises n’a été enregistrée. Le fonds de solidarité va être prolongé de 4 M€ supplémentaire.

La poursuite du programme d’investissement permettra également de sortir de la crise.

FLD : Comment voyez-vous les prochaines années du développement du marché de Rungis ?

S. L. : La mission du président du marché de Rungis est toujours d’anticiper, à la fois pour accompagner les grossistes et assurer la pérennité de l’activité du marché. Il faut pouvoir voir loin.

Quelle sera la situation en 2030 ? La consommation alimentaire sera, sans aucun doute, en progression et la circulation dans la ceinture francilienne de plus en plus difficile, ne serait-ce qu’en raison de l’évolution démographique. La gestion du dernier kilomètre va devenir primordiale d’autant plus que le développement des nouveaux modes de distribution – en premier lieu le commerce digital – va également influer sur ce sujet.

« La forme et le contenu d’une éventuelle annexe ne seront pas une réplique de ce qui existe déjà. Le marché physique restera à Rungis »

FLD : On a eu vent de l’idée de créer une sorte d’annexe au marché en Île-de-France…

S. L. : Nous en sommes aujourd’hui au stade de la réflexion avant décision. Face à ces tendances, ma mission est de trouver les moyens de gérer l’agrandissement du marché de Rungis, dont le taux d’occupation atteint 97,7 % aujourd’hui. Et nous avons toujours beaucoup de demandes d’installation.

Le choix existant est pourtant simple : soit on laisse l’implantation anarchique de plates-formes logistiques sur des terres non artificialisées, soit on crée une nouvelle offre de massification des flux relevant du service public.

À l’heure où je vous parle, le lieu n’est pas encore choisi, l’horizon des possibles est ouvert. Mais, en tout état de cause, le marché physique restera à Rungis. De plus, la forme et le contenu de ce nouveau site ne seront pas une réplique de ce qui existe déjà.

FLD : Le développement du marché passe également par la sécurisation de ses flux d’approvisionnement. L’arrêt du « train des primeurs » avec Perpignan a été un coup. Où en est le dossier ?

S. L. : Rungis a été victime de cet arrêt. La ligne peinait largement – pour dire le moins – à trouver sa rentabilité. Ce qui a entraîné des loyers exorbitants demandés aux deux opérateurs logistiques de la ligne par SNCF Fret. Je rappelle que, de notre côté, nous avions investi plus de 10 M€ dans la rénovation du terminal ferroviaire de Rungis et que, face à la situation, nous avions entamé une requalification partielle du site.

Le Premier ministre a fait part de son attachement au fret ferroviaire et particulièrement au « train des primeurs ». Un cycle de travail a été entamé avec la région Occitanie et les acteurs du Val-de-Marne et du transport.

Un appel à manifestation d’intérêt a été lancé. La Semmaris a participé à sa rédaction. Il comprend la gestion d’un train traditionnel mais également combiné. L’indispensable, ici, est de trouver un modèle économique viable pour la ligne. L’État a le rôle le plus important. Le futur opérateur devra être prêt à investir afin d’assurer des volumes dans les deux sens. Nous y veillerons.

FLD : Qu’en est-il de la digitalisation sur le marché de Rungis ?

S. L. : Un nouvel appel d’offres a été lancé pour notre marketplace. Sur ce domaine, l’expérience pendant le premier confinement a été utile.

Je rappelle ici l’initiative « Rungislivrechezvous » qui a été lancée entre mars et juin 2020 et qui a permis d’écouler les stocks présents chez les grossistes faisant face à la fermeture de plusieurs de leurs débouchés.

Si cette plate-forme n’était pas appelée à perdurer – l’activité du marché est de vendre aux professionnels –, cette expérience a été un bon test en matière de distribution alimentaire  par le digital. Elle nous a permis d’apprendre et de tirer des enseignements qui nous permettent de travailler à l’amélioration de notre marketplace.

L’univers du digital passe également par le développement des start-up. Notre incubateur Rungis & Co a définitivement rencontré le succès et accueilli de belles pépites, dont certaines sont aujourd’hui installées et en développement sur le marché même. C’est pour que Rungis & Co soit encore plus en phase directe avec l’activité qu’il est appelé à déménager au coeur du marché cette année. Il sera ainsi le lieu d’innovation pour répondre aux nouveaux défis de la transition alimentaire.

« Rungis n’a pas l’objectif d’être hégémonique, ni d’être proactif sur ce sujet. En revanche, si un marché ou une collectivité a besoin d’une expertise relative à l’innovation dans le secteur alimentaire, à la structuration des flux, la logistique, la sécurité alimentaire, le marché de Rungis peut y répondre. »

FLD : La Semmaris investit beaucoup sur les autres marchés de gros : Toulouse, Châteaurenard… Comprenez-vous les questions que cela soulève parfois ?

S. L. : Les vingt-deux marchés de gros français assurent un chiffre d’affaires de 14 Md€, et Rungis représente10 Md€. Nous ne cherchons pas à être un acteur important dans le réseau des marchés de gros, nous le sommes déjà.

Nous ne recherchons absolument pas à être le seul acteur, ni à représenter l’ensemble des marchés de gros. Rungis n’a pas l’objectif d’être hégémonique, ni d’être proactif sur ce sujet. En revanche, si un marché ou une collectivité a besoin d’une expertise relative à l’innovation dans le secteur alimentaire, à la structuration des flux, la logistique, la sécurité alimentaire, le marché de Rungis peut y répondre.

En 2017, la Semmaris a lancé son développement en région – désormais inscrit dans la feuille de route 2035 – en reprenant la gestion du Min de Toulouse. Trois ans plus tard, voyez les résultats : l’inversion de la dynamique du marché qui a pu renouer avec des résultats positifs, une identité 100 % occitane conservée, une implication renforcée dans la production locale, les circuits courts, la logistique du dernier kilomètre. La réussite du modèle rungissois est là.

Aujourd’hui, nous intervenons aussi auprès du futur pôle alimentaire de Châteaurenard, dans son montage puis son exploitation, et du marché de gros de Saint-Etienne. Avec ces activités en région, nous pouvons imaginer, à terme, un véritable maillage de hubs alimentaires et de mutualisation des savoir-faire. Le modèle des marchés de gros est vertueux. Mon rôle est également de le défendre et de donner de la force à son développement.

« Les MIN ont connu une très longue période d’attrition qui a commencé à s’effacer à l’orée des années 90. Durant cette période, les agriculteurs se sont tournés vers la grande distribution. Au point, d’être un demi-siècle plus tard dans un état de suzeraineté envers celle-ci. »

FLD : Si le modèle des marchés de gros est si vertueux, pourquoi semblent-ils si peu présents dans les plans alimentaires territoriaux ?

S. L. : La création des marchés de gros a été presque parallèle à celle de la grande distribution. Les MIN ont connu une très longue période d’attrition qui a commencé à s’effacer à l’orée des années 90. Durant cette période, les agriculteurs se sont tournés vers la grande distribution. Au point d’être un demi-siècle plus tard dans un état de suzeraineté envers celle-ci.

De plus, la part de marché de la grande distribution dans l’activité d’un marché de gros est minime. À Paris, la loi Royer a permis de maintenir un tissu important de détaillants traditionnels et, dans les régions, la situation est certes différente, mais cette part de marché ne dépasse pas les 20 %. Le droit et la politique ont naturellement traduit cette réalité, la loi issue des Egalim, organisée autour de la relation producteur/grande distributeur, en est un exemple.

Mais, aujourd’hui, les attentes du consommateur changent la donne. Nous l’avons relevé sur le marché de Rungis avec l’envie des Français de se faire plaisir pendant les fêtes, mais également avec leur appétence pour des produits plus sains et de qualité, tout comme par ailleurs leur attachement au repas gastronomique traditionnel et au commerce de proximité. Les producteurs font leur retour sur les marchés de gros. Le plan alimentaire territorial de la métropole de Nantes inclut le MIN dès le début de sa rédaction. Rungis est consulté dans celui de l’Île-de-France. La situation change et les marchés de gros sont le fer de lance de cette renaissance.

Un nouveau plan stratégique RSE 2021-2024 pour Rungis 

Depuis 2013, la Semmaris mène une politique active en termes de RSE (Responsabilité Sociétale de l’Entreprise) qui a permis le déploiement d’actions avec succès au cours de ces dernières années. En collaboration avec les entreprises du marché, cette politique a renforcé la  position de Rungis sur les sujets du développement durable. En 2020, le gestionnaire du marché a créé une Direction RSE et Innovation pour structurer et renforcer les différentes initiatives. Un diagnostic complet des actions a été réalisé pour définir une nouvelle stratégie RSE et un plan d’actions ambitieux pour les trois prochaines années (2021-2024)

Ce nouveau plan stratégique défini autour de trois axes forts et 80 actions opérationnelles concrètes.

Le pilier « Être moteur de la transition vers une alimentation durable » prévoit ainsi :  

  • Définir une charte d’engagement pour les futurs opérateurs, basée sur des exigences RSE

  • Développer un « label Rungis » visant à accompagner les opérateurs vers la RSE

  • Implanter sur le Marché des opérateurs proposant une offre adaptée aux « nouvelles tendances de consommation » (bio, local, vrac, protéines végétales, qualité santé…)

  • Favoriser l’implantation de producteurs locaux

  • Renforcer Rungis&Co, la pépinière d’entreprises du Marché de Rungis afin d’étendre le rôle du Marché au sein des filières et du territoire national

  • Mettre en avant les entreprises engagées dans une démarche RSE en organisant des Trophées de la durabilité

Le plan triennal prévoit aussi d’étudier le potentiel de valorisation des biodéchets (méthanisation sur site, bioGNV, compostage…) et la production d’énergie photovoltaïque sur site à des fins d’autoconsommation.

Elaborer un plan de mobilité et développer des solutions de mobilité durable pour les usagers, structurer les flux de dons alimentaires sur le Marché afin d’en faire bénéficier davantage de personnes en situation de précarité et favoriser l’implantation de nouvelles entreprises de l’économie sociale et solidaire sur le Marché font aussi partie des 80 actions prévues.

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