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Sol : Faire sa photo de profil

Faire un profil de sol permet de mieux connaître son sol pour raisonner ses pratiques de fertilisation et d’entretien. Un peu d’observation et quelques tests simples donnent des informations importantes sur l’état et le fonctionnement du sol.

Les arboriculteurs du groupe Dephy pomme de Poitou-Charentes, réunis chez Simon et François Beneteau, ont pu découvrir comment faire un profil de sol.
© V. Bargain

Le sol résulte de l’évolution de la couche superficielle de la roche mère, dégradée et enrichie en apports organiques sous l’influence du climat. Il est constitué de cailloux, graviers, sable, limons et argile, de matière organique plus ou moins transformée, de minéraux dissous, d’animaux et micro-organismes, d’eau, d’air. Sa structure, essentielle à la bonne circulation de l’eau, des nutriments, de l’air, et donc à l’activité biologique, repose sur le complexe argilo-humique : des feuillets d’argile sur lesquels la matière organique stabilisée (l’humus) vient se fixer grâce au fer, le tout étant stabilisé par du calcium. Au printemps, si les conditions d’aération, d'humidité et de température le permettent, les micro-organismes du sol fractionnent l’humus, libérant le calcium qui migre vers les racines, et le transforment en nutriments (la minéralisation) qui vont alimenter les plantes ou peuvent être lessivés. A l’automne, la plante cesse de s’alimenter. Les bactéries et champignons transforment la cellulose des feuilles en humus, qui va se fixer sur l’argile et le calcium va resaturer le complexe argilo-humique. La roche mère, le climat, la répartition sable/limons/argile, le taux et le type de matière organique, la présence de calcaire, la circulation de l’eau sont donc déterminants pour la fertilité du sol, le bon développement racinaire et au final pour une bonne productivité du verger. « Une analyse de sol ne suffit pas pour évaluer la fertilité du sol, a souligné Jean-Pierre Scherer, pédologue, lors d’une journée fertilisation du groupe Dephy pomme de Poitou-Charentes. Les minéraux peuvent être présents dans le sol mais ne pas être disponibles pour les plantes. Evaluer l’état structural du sol permet de comprendre son fonctionnement et d’adapter ses pratiques de fertilisation, irrigation, entretien… pour que les apports que l’on fait soient réellement efficaces. Et pour évaluer cet état structural, un profil de sol est la solution la plus adaptée et la plus facile à mettre en œuvre. »

Analyser le contexte de la parcelle

Faire un profil de sol implique de creuser une fosse de 50-60 cm de profondeur sur 1,50 m de long et 75 cm de large. Un trou moins profond, creusé à la bêche, permet déjà beaucoup d’observations. L’analyse du profil débute par l’examen du contexte. Un producteur qui souhaite mieux connaître son sol en faisant des profils de sol doit d’abord se poser des questions sur la roche mère : est-elle calcaire, ce qui implique une réserve de calcium mais éventuellement aussi un excès de calcaire actif qui peut bloquer certains éléments, quelle est sa dureté, quelle est sa composition ? Il doit s’interroger sur le climat : est-il lessivant (oui si supérieur à 800 mm), ce qui impliquera alors de fractionner les apports fertilisants ? Est-il minéralisant et donc permet-il le recyclage rapide de la matière organique ? Il doit aussi examiner la topographie de la parcelle. « Si elle est plate, l’eau descend à plat, plus ou moins rapidement, souligne Jean-Pierre Scherer. S’il y a de la pente, la parcelle sera plus drainante, ce qui peut impliquer de couvrir le sol, de le travailler d’une certaine manière. Il est aussi intéressant alors de faire un profil de sol en haut et en bas de la parcelle et de comparer les observations ou mesures réalisées. » Evaluer le ruissellement de l’eau, la vitesse de ressuyage est également important pour estimer le lessivage des éléments. Enfin, l’observation de la flore adventice donne de précieuses informations. La présence de chardons, rumex, vesce est ainsi un témoin du blocage du phosphore, par exemple par un excès de fer. La présence de mousse et d’algues révèle des excès d’eau en surface.

Observer et interpréter

Il faut ensuite examiner le profil. L’enracinement apparaît et permet de déterminer la profondeur de sol et de voir s’il y a éventuellement une semelle. Toutes les observations et tests doivent ensuite se faire sur la terre proche de la surface et en profondeur, pour comparer, évaluer l’influence des pratiques… La couleur de la terre est un indicateur important. Elle est notamment liée à la forme sous laquelle le fer est présent : rousse (fer oxydé, présence d’oxygène), jaune (fer hydraté, circulation lente de l’eau), grise (fer réduit, présence d’une nappe d’eau permanente et manque d’oxygène). Une couleur blanche est associée au calcaire. La présence d’humus tend à obscurcir la couleur. L’homogénéité de la couleur montre que l’eau s’évacue de façon homogène dans le sol, alors que la présence de marbrures révèle au contraire qu’elle s’évacue de façon hétérogène ou s’évacue mal (hydromorphie). Des taches de rouille ou des taches gris verdâtre sont également des marques d’excès d’eau dans le sol. On peut ensuite évaluer la structure. Pour cela, prendre une motte de terre. Une structure anguleuse en trois dimensions est un bon élément. Presser ensuite la motte entre les doigts. Si rien ne se passe, la structure est stable mais manque de souplesse. Si la motte se fractionne, la structure est stable mais souple. Si elle explose, la structure est fragile. La compacité du sol, qui détermine la pénétration des racines, la portance, les risques d’excès d’eau et de sécheresse, peut s’évaluer en enfonçant un tournevis ou un couteau dans la terre. Enfin, quelques tests permettent d’évaluer la texture du sol, notamment son taux d’argile, le taux de calcaire actif, l’état de la matière organique. « Un profil de sol donne beaucoup d’informations, conclut Jean-Pierre Scherer. Il permet de mieux connaître l’état de son sol, de voir comment il évolue, comment il fonctionne. Et en interprétant ces données, il permet d’adapter les quantités et le rythme des apports fertilisants, les formes d’engrais à privilégier, les pratiques d’irrigation et d’entretien… »

Evaluer les tassements de sol

 

Un profil de sol permet aussi d’évaluer l’impact sur le tassement du sol des passages d’engins, nombreux en arboriculture. Lors du salon Tech & Bio 2017, un atelier comparait le tassement du sol consécutif au passage d’un tracteur équipé de pneus standards ou de pneus basse pression. Grâce au profil de sol, les visiteurs ont pu se rendre compte que les pneus basse pression limitent le tassement du sol lors du passage d’engin.

Trois tests simples

Le test pâton

Ce test permet d’évaluer la texture du sol et notamment le taux d’argile, important pour la structure du sol et sa capacité de fixation des éléments. Si l’on arrive à former un boudin de terre, le taux d’argile est d’au moins 10 %. Si l’on arrive à former un croissant, il est supérieur à 15 %. Et si l’on arrive à refermer facilement le croissant, le taux d’argile dépasse 20 %. Des limons dominants entraînent par contre une moindre porosité et donc une moins bonne activité biologique et des sols battants.

Le test acide chlorhydrique

Avoir une réserve de calcium est important, mais si le calcaire est présent sous forme de calcaire actif, il peut bloquer des éléments. La teneur en calcaire actif peut s’évaluer en versant de l’acide chlorhydrique sur de la terre. Si rien ne se passe, il n’y a pas de calcaire actif. Si on entend un pétillement mais qu’on ne voit rien, le taux de calcaire actif est inférieur à 2 % et il n’y a pas de risque de blocage des éléments. Si des petites bulles se forment, le taux est de 2 à 5 % et il y a des possibilités de blocage. Si les bulles sont grosses, le taux dépasse 5 % et les risques de blocage sont élevés.

Le test eau oxygénée

Le taux de matière organique d’un sol est en moyenne de 15 % du taux d’argile. En versant de l’eau oxygénée sur la terre, on peut évaluer l’activité de la matière organique (humification ou minéralisation). Si la terre mousse beaucoup, la matière organique est présente surtout sous forme fugitive. Si elle mousse peu, la matière organique est plus stable et retient donc davantage l’eau.

 

Avis de producteur : Simon Beneteau, arboriculteur à Bonnes (Vienne).

« Se réapproprier son sol »

« Un profil de sol est facilement réalisable pour un arboriculteur. Il suffit de creuser une fosse à la mini-pelle ou même à la pioche et de faire quelques observations et quelques tests simples. Cela permet de se situer, de faire le point sur la matière organique, de voir s’il faut ou non apporter du calcium. Et cela permet de se réapproprier son sol. Jusqu’à présent, je pensais que les sols de l’exploitation étaient de mauvaise qualité. Comme il y a beaucoup de limons, les sols sont facilement battants l’été. L’interprétation des profils m’a rassuré.

Les tests ont révélé qu’il y a à peine 10 % d’argile et peu de calcium. Mais ils ont montré que le sol a aussi des atouts : il y a moins de 2 % de calcaire actif, la matière organique se recycle vite, la circulation de l’eau est lente et régulière, le sol garde la fraîcheur. Il faut seulement que j’adapte mes pratiques : ne pas trop le travailler en surface pour ne pas favoriser la minéralisation et la perte de matière organique, éventuellement le décompacter, ne pas trop l’exposer au climat car il est sensible au lessivage et à l’acidification, recalcifier en privilégiant les carbonates à action progressive, apporter par petites quantités des précurseurs d’humus comme du compost ou du fumier pailleux… Faire un profil de sol permet de se réapproprier son sol et donne envie d’y retravailler. Quand on se retrouve dans la fosse, on se rend mieux compte de ce qui se passe. J’ai déjà revu mon plan de fertilisation. Jusqu’à présent, je faisais un gros apport d’un engrais composé fin mars. Mais comme le sol est très filtrant, une partie était lessivée. J’ai donc décidé de fractionner les apports et d’utiliser des engrais simples. Je pense que j’essaierai désormais de faire des profils de sol au moins tous les deux ans et avant toute nouvelle plantation. Pour ne pas oublier, il faut pratiquer. Et l’idéal serait de le faire à deux. »

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