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Salon de l’Agriculture : la Banane Française est en danger, que demande-t-elle à l’Etat ?

La Banane de Guadeloupe et de Martinique s’estime en grand danger : pression sanitaire, concurrence déloyale, perte de volumes et de producteurs… Volontaire, elle continue ses efforts sur les mesures agroenvironnementales mais appelle à l’aide les Pouvoirs publics sur certains dossiers.

A l’instar des autres filières agricoles, la banane française est, elle aussi, à bout. C’est donc sous le thème “la banane française au front” que l’UGPBAN a exposé en 2024 au Salon de l’Agriculture. Il faut dire que la banane de Guadeloupe et de Martinique est une habituée des slogans forts pour Sia (le polémique “plus bio que bio” entre autres).

Salon de l’Agriculture 2024 : « la banane de Guadeloupe et de Martinique est l’un des grandes filières végétales françaises »

« On est de plus en plus agressés par la cercosporiose noire [maladie fongique du bananier], on perd des volumes, la filière est en danger ! Nos mesures agro-environnementales nous coûtent très cher et aujourd’hui on n’arrive plus  suivre », affirme Nicolas Marraud-des-Grottes, président de l’UGPBAN et producteur de Banamart, lors d’une conférence de presse sur le salon le 26 février. L’UGPBAN alerte le gouvernement depuis un an et demi sur les difficultés qui menacent réellement la filière : problèmes de trésorerie des exploitations, difficultés face aux normes…

 

Que demandent les producteurs de banane de Guadeloupe et de Martinique ?

  • Une aide financière pour les exploitations en difficulté de trésorerie ;
  • Un soutien sur le dossier des NGT ;
  • Un soutien sur le dossier des drones ;
  • Des solutions face à la problématique de distorsion de concurrence ;

« Et déjà, un peu de reconnaissance », souligne Nicolas Marraud-des-Grottes, rappelant tous les efforts mis en place pour produire une banane extrêmement vertueuse pour l’environnement et qui génère des milliers d’emplois.

Les drones permettraient, en application ultra-locale de fongicide, de gagner encore sur l’usage des phytos, -30 % supplémentaires [lire ci-dessous]. Et à long terme, une autorisation de banane NGT tolérante à la cercosporiose noire permettrait à long terme de replanter l’ensemble de la bananeraie antillaise et de retrouver le potentiel de 250 000 tonnes [lire aussi ci-dessous].

« Nous sommes plein d’ambition pour notre banane qui est très demandée par les consommateurs. Il faut nous accompagner pendant ce laps de temps », résume Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN. Il est aussi question d’attirer des jeunes et de rendre attractifs les métiers pour transmettre les exploitations. La filière a perdu en nombre de producteurs, aujourd’hui autour de 500.

« Nous sommes en discussion depuis 18 mois, les choses se sont améliorées, on espère bien que ça va aboutir, attend Nicolas Marraud-des-Grottes. Au niveau européen, c’est compliqué, mais on sent désormais une écoute attentive au niveau national. Pour notre demande d’aide financière aux exploitations, les ministères des Outre-Mer et de l’Agriculture nous soutiennent. Des demandes chiffrées ont été faites. On attend, confiants. »

 

Une production de banane en baisse de 15 000 tonnes, une perte de chiffre d’affaires de 12 M€

2023 a été « très difficile » pour la banane de Guadeloupe et de Martinique, qui a encore perdu en production. La production antillaise tourne autour des 185 000 tonnes, loin des 250 000 tonnes que nous avions l’habitude de voir il y a encore 10-15 ans. « En 2023 on a perdu encore 15 000 tonnes en production. A 800 €/t prix vert, c’est 12 millions d’euros de chiffre d’affaires en moins, regrette Pierre Monteux. Sachant que 70 % de nos coûts sont des coûts fixes. Nos exploitations sont en grand danger. »

Dans un contexte inflationniste, l’UGPBAN a refait calculer ses coûts de production. Selon les résultats de l’étude, ils sont passés de 1 200 € par tonne de banane verte produite en 2018 à 1 600 €/t ! C’est sur la base de cette étude que les demandes d’aide financière ont été faites.

Avec 7 000 hectares en culture (8 130 hectares en comptant les jachères et rotations), les surfaces de bananes aux Antilles sont stables. Ce sont les rendements et la qualité, impactés, qui font baisser la production. Impactés par, en premier lieu, des raisons climatiques, avec des événements météorologiques non majeurs mais qui ont impacté la production bananière (tempête Fiona en Guadeloupe en septembre 2022 qui a eu des impacts à long terme, tempête Bret en juin 2023 en Martinique).

En outre, la pression fongique de plus en plus forte, avec la cercosporiose noire en particulier. Les producteurs soulignent un nombre de molécules autorisées de plus en plus réduits : de 9 solutions curatives en 2019, seulement 3 sont encore autorisées aujourd’hui. Les producteurs antillais font face par l’usage de mesures prophylactiques, l’effeuillage par exemple, mais qui impacte le rendement (l’effeuillage impacte le capital foliaire par exemple).

 

Le poids des bonnes pratiques

Les producteurs antillais ne reviendront pas sur ces bonnes pratiques qui font désormais la fierté de la banane française. « Le chlordécone est un traumatisme pour les producteurs. C’est pour cela que nous avons lancé les Plans Banane Durable dès 2008, c’était indispensable », rappelle Alexis Gouyé, producteur et président de Banamart. Les efforts des producteurs ont payé : aujourd’hui, c’est une baisse de -83 % des phytos par rapport à 2008 dont les producteurs de banane Guadeloupe et de Martinique peuvent se vanter.

Lire aussi : Comment la banane de Guadeloupe et de Martinique se produit toujours plus durable (série de reportages)

Mais ces mesures agro-environnementales coûtent cher. Par exemple, la gestion de l’enherbement : aujourd’hui, les bananeraies antillaises sont quasi à 1100 % enherbées. La gestion est mécanique, avec une débrouilleuse. Il faut donc investir dans le matériel et surtout payer la main d’œuvre. Ce travail est difficile, les terrains sont souvent accidentés. Il faut en outre passer la débrousailleuse toutes les 3-4 semaines. L’UGPBAN estime ainsi le coût d’une gestion mécanique de l’enherbement à plus de 4 000 €/ha, là où un gestion chimique coûte 1 000 €/ha. « A comparer également avec un prix des terres de 6 000 €/ha (prix Safer Antilles) », souligne Alexis Gouyé.

 

Les drones pour baisser d’encore 30 % les phytos

Sur la question des drones, l’UGPBAN demande à pouvoir les utiliser pour traiter localement la cercosporiose noire. « Techniquement c’est au point, c’est une méthode sûre, d’autant plus pour l’ouvrier agricole qui traite, en plus il y a une traçabilité en temps réel avec une transmission aux administrations. Le drone vole la nuit car il est autopiloté, il a une précision à 10 cm et son efficacité est augmentée, même avec des vents jusqu’à 20 km/h », vante Alexis Gouyé.

L’UGPBAN estime que l’usage des drones permettrait une réduction supplémentaire de -30 % des produits phytosanitaires. L’usage des drones c’est aussi le transport des régimes de bananes (jusqu’à 30 kg !), la surveillance agronomique des bananeraies, les épandages d’engrais… Une réelle opportunité pour toute l’agriculture.

« Sur le dossier des drones, l’Etat est réceptif mais tourne autour du pot car il n’y a pas de cadre législatif. On espère un amendement du gouvernement dans la prochaine Loi d’Orientation Agricole, le gouvernement s’est engagé dans ce sens-là », se satisfait Pierre Monteux.

 

Sur la question des NGT : replanter l’intégralité de la sole bananière pour un retour des volumes

Le dossier des NGT avance au niveau européen. A date, la banane est positionnée dans l’annexe 1 (considérés comme équivalents aux végétaux conventionnels).

L’UGPBAN espère une réglementation à horizon « deux ans, deux ans et demi » et donc une mise à disposition des plants d’ici 2027-2027. Objectif : « replanter l’intégralité de la sole bananière en 4 ans, pour un retour à nos volumes de 250 000 tonnes à horizon 2030 ! »

 

Sur la question de la concurrence : remettre des droits de douane ?

La concurrence de la banane dollar (latino-américaine) est de plus en plus forte, à mesure que les droits de douane ont baissé progressivement selon les accords. On est désormais à 75 €/t, contre 176 €/t à l’origine. « C’est un cadeau douanier de 500 millions d’euros de la part de l’Union européenne, estime l’UGPBAN. Un cadeau à une banane qui a déjà des coûts de main-d’œuvre hyper compétitifs et un usage facilité de produits phytosanitaires, face à « une banane qui est européenne et hyper vertueuse ». 

« Nous ne sommes pas contre la concurrence mais il faut qu’elle soit loyale, il faut qu’elle respecte les mêmes contraintes qui nous sont imposées par la France et par l’UE », estime Alexis Gouyé

Quelles solutions sont envisageables ? Les clauses miroirs. Mais elles dépendent de négociations avec des pays tiers. L’instauration de droits de douanes. « Ce n’est pas un gros mot, c’est un acte politique fort. Je suis intimement persuadé que l’instauration de droits de douane à 176 €/t voire 200€/t serait une protection pour nous, que le prix de vente de la banane augmenterait légèrement mais que la consommation resterait stable », argumente Pierre Monteux.

 

Quel bilan 2023 pour la banane de Guadeloupe et de Martinique ? 

La production a perdu 15 000 tonnes. « Mais côté commerce, c’est toujours une succes story pour la banane française, affirme Pierre Monteux, directeur général de l’UGPBAN. Ce n’est pas le commerce qui nous freine, ce sont nos volumes. La Banane Française [la banane enrubannée bleu-blanc-rouge], 5 % du marché national, est très demandée par les distributeurs qui la travaillent. Si on proposait plus de volumes, ils seraient vendus sans problème. On a bon espoir de voir les volumes progresser : les premières semaines de 2024 montrent une hausse de +10 % en volume. »

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