Tour d’horizon de la production
Saison noire dans le Sud-Est, plus mitigée ailleurs
Le début de campagne 2015-2016 pour la salade est dramatique dans le Sud-Est. Qu'en est-il dans les autres régions ? Petit tour de France...


Si les producteurs de salades du Sud-Est de la France sont en état d'alerte (cf. fld hebdo du 24 février 2016), d'autres régions de France où la météo a été un peu plus clémente s'en sortent mieux. Parmi les débouchés, la IVe gamme et la vente directe.
Bretagne : développement des surfaces sous contrat
En Bretagne, la production de salades est essentiellement tournée vers l'approvisionnement des usines de IVe gamme. En 2015, les producteurs de la Sica Saint-Pol-de-Léon ont produit 17 600 t de salades sous contrat. Si la campagne a été marquée d'à-coups climatiques qui ont un peu perturbé la production, la saison a finalement été correcte, avec un chiffre d'affaires de 8,5 M€, en légère progression. Depuis quelques années, les volumes sont relativement stables, autour de 16 000-17 000 t. Mais, en 2016, une progression des volumes sous contrat est prévue. L'été 2015 ayant été chaud et sec dans la plupart des bassins européens producteurs de salades, le climat tempéré de la Bretagne a été un atout pour la région qui a pu alimenter les usines avec un produit de qualité et fournir des volumes supplémentaires. En 2016, les volumes contractualisés augmentent donc de 8 %. Les chicorées sont en progression alors que les laitues diminuent légèrement.
Pays de la Loire : les jeunes pousses représentent 8 500 t
En région nantaise, les OP offrent un potentiel de 8 500 t de jeunes pousses. Production encore embryonnaire il y a une vingtaine d'années, elle se développe pour répondre à une demande des industriels de la IVe gamme. En 2009, la région en produisait seulement 3 000 t (cf. fld hebdo du 14 juillet). Au fil des ans, ce type de salades s'est diversifié. Aux classiques épinards, batavias blondes ou rouges, laitues feuilles de chênes rouges ou blondes, lollos, mesclun ou romaines, s'ajoutent la roquette, les poirées ou encore le chou mizuna. Les OP pionnières comme Val Nantais affichent 1 700 t de potentiel pour 2016. Leur conditionnement devrait être d'ici peu regroupé avec la mâche. Nanteurop a emboîté le pas et produit le même tonnage avec 60 % sous contrat sur une période allant de mars à octobre. Les plus gros volumes reviennent à la SAS Les 3 Mou-lins-Vitaprim avec 2 500 t commercialisées toute l'année. Océane, qui a démarré cette diversification en 2006, table sur 2 200 t et en produit toute l'année. Le potentiel de Loire Europe est de 350 t. Cultivées en plein champ l'été et sous abris l'hiver, les jeunes pousses ont subi la crise comme pour la mâche pour les OP qui en produisent toute l'année.
Sud-Est : une campagne 2015-2016 très “noire”
A l'heure où nous imprimions, il était encore trop tôt pour tirer les conclusions chiffrées de la campagne salades 2015-2016 dans le Sud-Est, la récolte n'étant pas terminée, notamment en Provence. Mais elle restera dans les annales, classée au rang des années noires, autant pour le marché intérieur qu'à l'export noyé par une surproduction européenne liée à la météo. D'où le basculement sur le marché intérieur et une offre supérieure à la demande. Mais de nombreux observateurs déplorent que la distribution « n'a pas joué la carte de la salade française ». Une légère amélioration a été constatée début mars. Elle est imputable à la fin de saison en Espagne et la pénurie, notamment en iceberg, qui pèse sur l'export. En parallèle, une météo plus froide a ralenti la pousse, procurant une baisse de l'offre et un retard des ceintures vertes qui laissent un peu de place sur les marchés pour le Sud-Est. Mais ce sursaut ne compensera pas les pertes que laissent peser de nombreuses incertitudes sur les capacités des producteurs à financer les plantations de légumes d'été et sur leurs envies à continuer à travailler la salade en hiver.
Rhône-Alpes : risque d'une baisse des prix sur le Min de Grenoble
La production maraîchère sur l'“Y grenoblois” est restée conséquente et constante durant l'hiver sans enregistrer des pointes de demandes du côté des consommateurs. L'absence prolongée de froid, d'hiver et l'avancée de productions tardives en mâches et salades sur la région de Grenoble ne seront pas bénéfiques pour les maraîchers et les producteurs de mâche grenoblois. Dans un tel contexte, le directeur du Min de Grenoble, Bernard Colonel-Bertrand, n'écarte pas l'éventualité d'une baisse des cours possible pour la salade et la mâche : « Avec la pousse plus rapide des plants, les salades de l'Isère arriveront plus tôt sur les marchés. Il y aura un risque de chevauchement de deux productions simultanées entre la région de Grenoble et la Provence. Cela peut provoquer des volumes plus importants. Et on ne s'attend pas à des pics de demande de la part des consommateurs. »
Bassin toulousain : des pertes au champ limitées
Conscient que le bilan de cet hiver n'est pas bon pour les producteurs de salades des principales zones d'expédition, Marc Laborie, l'un des principaux producteurs de la ceinture verte de Toulouse est très satisfait de sa saison. Certes, la qualité n'était pas vraiment au rendez-vous jusqu'à mi-décembre, avec des produits fragilisés par une croissance trop rapide. Mais ensuite, les premières baisses de température ont permis un retour à la qualité. Pour autant, la douceur générale et la faible pluviométrie de cet hiver ont accéléré les cycles de production (jusqu'à vingt jours de moins sur les cycles les plus longs) et ont permis d'augmenter le niveau des plantations en troisième rotation. Les pertes au champ ont été très limitées. Bilan : un gain en volume d'environ 25 % sur l'ensemble de la campagne. Dans un système commercial principalement axé sur la livraison directe en magasins (GMS essentiellement), ce gain se traduit aussi par une progression du chiffre d'affaires. L'approvisionnement en direct s'accompagne d'un engagement moral de la part du producteur pour assurer les volumes toute l'année. Traditionnellement producteur de plein champ, Marc Laborie a dû investir dans la construction de serres et de tunnels pour assurer une production d'hiver et préserver ses marchés. En contrepartie, les prix sont lissés pour la saison. Ils ont oscillé cette année entre 0,62 et 0,65 €.
Sud-Ouest : vente directe et partenariat
Sur la métropole bordelaise, la Sica Maraîchère Bordelaise, implantée dans ce qui reste de la zone légumière de l'agglomération, à Eysines, est incontournable. La coopérative de producteurs de légumes, fondée en 1963, produit 300 t de salades mais elle en commercialise 1 500 à 1 700 t par le biais de sa structure commerciale, la SAS SMB FL. Pas facile de résister en zone urbaine. Si tout le monde apporte son soutien, la coopérative doit faire face à la fois à un problème foncier et à une crise des vocations avec un non-renouvellement des exploitants. « On trouve des exploitants hors Bordeaux et dans les départements limitrophes. Les Pouvoirs publics installent des bio, mais il n'y a pas que ça », regrette le directeur Jean-Philippe Bilgot. Le développement de la vente directe, via Le panier fraîcheur maraîcher, où figure toujours de la salade, et le partenariat avec le “drive fermier”, dont la Sica est un point de retrait, font partie des solutions de résistance. Aujourd'hui, l'activité de vente directe représente 15 % du chiffre d'affaires de la structure. Après un hiver 2014-2015 “pourri”, l'année 2015 a été “correcte”. Mais cet hiver marqué par des pluies diluviennes n'incite pas à l'optimisme.