Ile-de-France
Rungis, sur tous les fronts pour bien gérer le “dernier kilomètre”
Zone dédiée, autopartage de véhicules utilitaires légers, réflexion sur des entrepôts intra-muros, le marché de gros francilien multiplie les initiatives autour de la distribution urbaine à Paris.
Depuis 2007, un règlement sur le transport et les livraisons dans Paris intra-muros est en vigueur avec l'objectif affiché de limiter les véhicules les plus encombrants et les plus polluants. Une charte de bonnes pratiques engageant institutionnels et professionnels a été signée en 2006 et actualisée fin 2013. Quoi que l'on puisse en penser sur le fond, la réglementation “Transport de marchandises” répond à une évolution forte de la logistique urbaine dans la capitale. Si dans les années 60, les magasins parisiens étaient approvisionnés une à deux fois par semaine, ils fonctionnent aujourd'hui en flux tendu avec des livraisons pouvant atteindre trois fois par jour. Cela induit une cohorte de nuisances affectant les habitants de la ville et les professionnels (commerçants et transporteurs) : nuisances sonores, pollution, encombrements (entraînant des retards dans les livraisons), etc. Les livraisons de produits frais ne font pas exception à la règle.
Les clients f&l moins performants écologiquement
La Semmaris, gestionnaire du marché de Rungis, fait partie des quatre-vingt partenaires signataires de la deuxième mouture de la charte. Elle a procédé à l'évaluation du parc automobile des acheteurs du marché. Sur la base des 26 000 cartes grises enregistrées par ses services, il apparaît qu'environ 60 % des véhicules sont motorisés selon les normes Euro 4, 5 et 6, c'est-à-dire avec des moteurs répondant le mieux aux obligations de réduction des émissions polluantes (oxyde d'azote, particules), Euro 6 étant la plus haute norme. De plus, 40 % des véhicules sont équipés selon les normes Euro 1, 2 ou 3 : un quart de ceux-ci sous Euro 3. La proportion est moins flatteuse pour le secteur des fruits et légumes. On retrouve seulement 45 % des véhicules dans le groupe “Euro 4 à 6” et dans les 55 % du groupe “Euro 1 à 3”, seulement 30 % des camions sont motorisés en Euro 3.
Autopartage frigorifique
Fort de ce constat, et sachant l'investissement financier que représente pour un client du marché le changement de véhicules, la Semmaris a lancé en septembre dernier son offre de véhicules frigorifiques Kangoo. Ceux-ci sont accessibles sur Utilit'R, la plate-forme d'autopartage créée à cette occasion (www.rungisautopartage.fr). De plus, certains aménagements sont ou vont être mis en œuvre : stations de rechargement électrique compatibles avec celles de la ville de Paris, station GNV (gaz naturel pour véhicules), partenariat avec un fournisseur de CO2 pour alimenter les groupes froid des poids lourds…
Mutualisation des livraisons
La Semmaris agit aussi pour développer la mutualisation des livraisons. C'est ainsi qu'une zone dédiée à la logistique du dernier kilomètre devrait voir prochainement le jour, entre le secteur Fleurs et le boulevard intérieur. En premier lieu, elle sera composée du nouvel entrepôt du logisticien spécialisé Delifresh (1 400 m2 de surface et vingt-quatre quais) qui devrait être livré fin 2016. D'autres bâtiments, aptes au cross-docking (technique consistant à faire transiter sur une plateforme logistique des produits en provenance de différents fournisseurs et à les éclater à destination de différents clients) seront ensuite construits.
En novembre 2014, la Mairie de Paris a lancé “Réinventez Paris”, un appel d'offres à projets urbains innovants dont l'objectif était de repenser vingt-trois sites parisiens. Parmi ceux-ci, se trouvait la zone de la Poterne des Peupliers dans le XIIIe arrondissement. Le marché de Rungis y a participé. Si son projet n'a pas été retenu, il attiré l'attention de la Mairie de Paris. La proposition faite par le marché de Rungis : construire sur la zone de la Poterne des Peupliers, un espace logistique urbain (qui aurait permis de massifier les commandes des clients du marché, mutualisées et transportées depuis Rungis par une flotte de véhicules “propres” à motorisation électrique ou GNV). Les commandes auraient été réparties dans des consignes réfrigérées et accessibles 7jours/7 et 24 heures/24. Les détaillants en auraient pris possession avec un VUL (véhicule utilitaire léger) frigorifique en autopartage. Dans le projet, le site était à même de livrer 320 clients par jour, soit 8 000 t de produits frais par an. La Semmaris prévoyait qu'en reproduisant ce modèle, trois espaces logistiques urbains permettraient de couvrir 100 % des besoins parisiens. La Mairie de Paris a évoqué la possibilité de voir le développement de telles structures intra-muros. A l'heure actuelle, des projets d'espace logistique urbain sont en développement pour la capitale. On peut évoquer l'“hôtel logistique multimodal” de 40 000 m2 , initié par l'aménageur Sogaris dans le quartier de La Chapelle (Nord de Paris). Mais les les besoins logistiques sont tellement nombreux à Paris que les denrées périssables n'apparaîssent pas en première ligne. De petits entrepôts pour les produits alimentaires frais restent donc encore à construire. A suivre...
Avant de livrer en centre-ville, faut-il encore approvisionner le marché. Rungis l'a bien compris et travaille à améliorer sa logistique amont (3 000 camions par jour entre 23h et 5h du matin). La Semmaris développe actuellement deux projets. D'une part, il s'agit de la création de parking et de “bases vie” dotés de toutes les commodités nécessaires pour l'accueil des chauffeurs. Le premier sera installé le long du boulevard intérieur vers le secteur fruits et légumes. L'autre initiative est une bourse de fret privative : basée sur les règles du transport, elle permettra aux entreprises de déposer sur une plate-forme © Rungis Marché International numérique leurs demandes d'enlèvement de marchandises à destination principalement de la province et pour lesquelles les spécialistes de la logistique pourront proposer une offre de transport. Ph. G.