Marché mondial - Fruit Logistica - Etiquetage environnemental
Risque de retard au démarrage pour les f&l français
L’étiquetage environnemental sera rendu obligatoire le 1er janvier 2011 mais en ce qui concerne les fruits et légumes, de toute évidence le secteur ne sera pas prêt. Un affichage à “minima” est envisagé. En attendant mieux...
L’étiquetage environnemental poursuit deux objectifs : fournir aux consommateurs une information claire sur l’impact environnemental des produits consommés au quotidien et leur permettre de comparer à produit égal sur un rayon. Ce sera donc un nouveau critère de décision d’achat à côté du prix ou de la qualité. A condition d’apporter une information “objective, sincère et complète” comme le souhaite le Grenelle de l’environnement. Or pour y parvenir, la condition sine qua non sera de parler de la même chose. C’est-à-dire qu’il faudra convenir d’un même mode de calcul quel que soit le réseau de distribution et d’une harmonisation du mode de restitution de l’information aux clients.
L’affichage environnemental devra donc être assis sur une analyse très pointue. Il s’agit d’estimer la quantité d’énergie nécessaire pour amener un kilo de produits jusque chez le consommateur et d’identifier les principaux facteurs de consommation dans le parcours du produit. Il s’agit aussi de sensibiliser les industriels et les distributeurs à développer des systèmes plus respectueux de l’environnement, dans le cadre du développement durable et de la limitation des gaz à effets de serres.
Un manque de méthodes
En ce qui concerne les fruits et légumes, l’analyse passera donc par toutes les étapes du niveau agricole, le cas échéant de la transformation, le transport depuis le champ jusque chez le consommateur, l’emballage en partant de l’extraction des matières premières jusqu’au recyclage. Un processus complexe appelé analyse du cycle de vie ou ACV. La méthodologie a été définie par l’Ademe dans le cadre d’une plate-forme nationale divisée en groupes de travail (groupe 1 pour les denrées alimentaires, composée de l’Ania et de l’Ademe) dans l’objectif d’aboutir à une base de données génériques. Mais un premier obstacle est déjà apparu : il n’existe pas en France suffisamment de compétences et de méthodes pour analyser les données sur les produits végétaux recueillies par différents organismes (le CTIFL par exemple). Elles seront donc transmises à l’Agroscope de Reckenholz Tänikon (ART) situé près de Zurich. Cette station qui dépend de l’Office fédéral de l’agriculture (Ofag) prépare les bases scientifiques et techniques nécessaires à une agriculture durable et compétitive. En ce qui concerne les produits tropicaux importés, c’est le Cirad qui conduira l’étude. En revanche pour les produits importés tempérés, aucune structure ou organisme n’en a été chargé.
Mais le principe de l’ACV n’est pas né du Grenelle de l’environnement. Les premiers bilans énergétiques ont été réalisés dans les années 70 au moment du clash pétrolier. Une accélération a été perçue dès les années 90 avant que l’ACV fasse l’objet d’une reconnaissance internationale en 2006 sous la forme de la norme Iso 14044. Cependant a indiqué Claudine Basset-Mens du Cirad pendant la conférence légumes organisée par le CTIFL à l’occasion du Sitevi, « Limiter l’affichage à un simple impact environnemental comme le Food miles n’est pas suffisant. Mais la France a posé des objectifs très ambitieux et nous rencontrons des difficultés à avoir des méthodes concertées. Le monde agricole peine à analyser tous les impacts par manque de méthodologie. D’autant que l’ambition est de couvrir tous les indicateurs de cycle de vie. »
Pas que l’empreinte carbone
A l’autre bout de la chaîne, la question est de savoir quelles mentions figureront sur les étiquettes. Car il n’y aura pas un mais plusieurs éléments de comparaison. « Contrairement à d’autres pays, la France a fait le choix d’afficher trois indicateurs correspondants à trois enjeux, souligne Dominique Grassely, CTIFL St Rémy. L’impact carbone figurera certainement dans cette liste mais les autres critères ne sont pas choisis. Il pourrait s’agir de l’eutrophisation de l’eau, de la toxicité liée à l’utilisation des produits phytosanitaires, l’usage de l’eau ou encore l’effet sur la biodiversité. »
L’objectif de l’affichage environnemental est donc de définir des valeurs identiques quel que soit le lieu de vente, quelle que soit la saison, quel que soit le système de production. Tout prendre en compte se révèle un véritable challenge… Par ailleurs, de quelle manière l’indicateur sera-t-il établi ? « Valeur relative, comme dans le cas des indicateurs énergétiques, ou valeur absolue, le choix n’est pas arrêté, ajoute Dominique Grassely. Mais comme il est évident que nous ne serons pas prêts, je pense que le risque est de se limiter à une moyenne française. »
Sachant qu’il y a en moyenne 60 à 80 produits différents dans un rayon fruits et légumes, il est facile d’imaginer l’ampleur de la tâche. Pour tenter d’y remédier et surtout d’avancer, le CTIFL regroupe les éléments pour quatre produits majeurs : la pomme, la pêche, la tomate et les carottes. Pour sa part, l’Ademe a déjà publié des ACV. Il s’agit de la tomate (provenance Pays-Bas, Espagne, Angleterre, France, Etats-Unis), la carotte (Suède, Suisse), la pomme de terre (Suède), la fraise (Royaume-Uni), la pomme (Nouvelle-Zélande, Suisse, Royaume-Uni, Allemagne, Danemark, Suède) le kiwi (Nouvelle-Zélande) et l’orange (Espagne). « Les premières ACV sont plutôt favorables aux fruits et légumes français commercialisés sur le marché national à l’exception des produits de serres chauffées, souligne Dominique Grasselly. Globalement, les produits frais sont mieux placés que les produits préparés, transformés ou surgelés. » L’affichage Casino démontre par exemple que l’empreinte carbone d’une tomate grappe est inférieure à celle d’une salade de carottes, d’un filet de sardine, des lardons de saumon, la palme au palmarès du CO2 revenant aux pâtés. Casino et Leclerc ont été les deux premières enseignes à mettre en place l’étiquetage environnemental. Pour Leclerc, il s’agit de trois magasins situés dans le département du Nord-Pas de Calais. L’affichage du CO2 générique porte sur 20 000 produits et le bilan carbone figure sur le ticket de caisse. Casino affiche le CO2 sur 250 produits sous sa marque distributeur mais l’affichage ne concerne pas les produits frais. « Casino a été précurseur en la matière, souligne Eric Pacquet, directeur de l’environnement au groupe Casino. Nous avons commencé à travailler l’affichage environnemental dans les années 90, ce qui nous a permis d’apporter notre expérience dans les travaux menés actuellement. Aujourd’hui, l’affichage environnemental devient très lisible par le consommateur. Il est vrai qu’au début, nos clients n’ont pas très bien compris mais ont jugé qu’il était bien de le faire. »
Pas très bien compris, puisque l’affichage énergétique est bien lu par seulement 20 % des consommateurs. Ce qui incite Eric Paquet à prôner un affichage aux valeurs relatives. « Les outils plus précis seront chers à mettre en place. Je pense qu’il est plus judicieux pour démarrer de travailler avec des moyennes pondérées, afin que le consommateur puisse situer les produits les uns par rapport aux autres. Après les experts pourront préciser les mesures. » Reste à savoir si les consommateurs seront convaincus par ses mesures.