Recherche producteurs presque désespérément
Bio, local, transformation, nouvelles productions... De nombreux secteurs recherchent des producteurs. Les structures, organisations de producteurs, expéditeurs, transformateurs et collectivités ont des démarches volontaristes en proposant des débouchés mais aussi des possibilités d’accompagnement technique et financier.
Bio, local, transformation, nouvelles productions... De nombreux secteurs recherchent des producteurs. Les structures, organisations de producteurs, expéditeurs, transformateurs et collectivités ont des démarches volontaristes en proposant des débouchés mais aussi des possibilités d’accompagnement technique et financier.
Alors que le nombre de producteurs de fruits et légumes diminue d'année en année, ceux qui restent en activité sont sollicités et même parfois courtisés. Généralement propriétaire de ses terres, de son outil de production (serre, matériel, station de conditionnement) et surtout détenteur d’un savoir-faire, l’agriculteur est une personne précieuse.
Ouvert à de nouveaux producteurs
En aval, de nombreux acteurs de la filière en quête de produits et de volumes sont parfois en manque. La demande porte en premier lieu sur les produits issus de l'agriculture biologique. En 2016, le rayon bio des fruits et légumes a enregistré une croissance de 33 %, mais l'offre a du mal à suivre car le consommateur veut du « bio local ». Dans le Sud-Ouest, InterBio Nouvelle Aquitaine s’est doté d’un outil de structuration filière amont-aval pour aider les opérateurs de la bio, en produits frais et transformés, à trouver des producteurs. « Cet outil a été mis en place par le conseil régional. Il permet de monter un programme pluriannuel pour développer le nombre de producteurs et les surfaces », explique Magali Colombet, en charge de la filière fruits et légumes. Toutes les structures en ont bénéficié de manière différente, notamment pour améliorer l’encadrement de leurs adhérents. « Ces démarches peuvent-être financées à hauteur de 40 % sur une période de trois ans pour un montant maximum annuel de 28 000 euros », précise la coordonnatrice. Biogaronne va plus loin dans sa quête en apportant du « clé en main », comme le précise son directeur Jean Luc Charbonneau (voir encadré).
En Normandie, Agrial veut répondre à l'augmentation de la demande en légumes biologiques de sa filiale Créaline, spécialiste des soupes et purées fraîches. Le groupe coopératif se dit ouvert à l'arrivée de nouveaux producteurs notamment de carotte, salade et poireau, avec la possibilité de petits volumes d'autres légumes pour faciliter les rotations. « Mais cela doit se faire dans le cadre d'un développement bien contrôlé, insiste Thierry Bisson, responsable production chez Agrial. Les projets doivent répondre à une demande et être cohérents en termes de contexte pédoclimatique, volumes, cahiers des charges et logistique. Et nous devons les monter ensemble, regarder les possibilités de financements, d'aides à l'investissement... »
Des volumes pour assurer une croissance
Dans les Pyrénées-Orientales, le projet Bio leg Roussillon animé par Gilles Marcotte, directeur du Civambio 66, regroupe trois PME bio : Alterbio, Prosain et Teraneo. Celles-ci ont évalué des besoins cumulés à 100 ha de maraîchage à court terme. « Ces entreprises ont décidé d’impulser une dynamique foncière, recruter de nouvelles installations en AB et les favoriser grâce à un portage financier », précise le responsable du projet. La demande est également forte dans le secteur de la transformation de produits 100 % français. Ainsi, le pôle Terralia a, à plusieurs reprises, organisé des rencontres entre producteurs et transformateurs de la région Paca avec comme objectif d'identifier les points clés de la réussite d'un partenariat entre producteurs et transformateurs valorisant l'origine locale. C'est le cas de Charles et Alice dans la Drôme, qui a du mal à trouver les volumes nécessaires pour assurer une croissance de 15 % sur ses produits 100 % origine France garantie. Autre exemple, Pomanjou International, qui commercialise 50 000 tonnes par an de pommes et poires. « Nous sommes en permanence à la recherche de producteurs pour le secteur très porteur de la transformation. Celui-ci est en constante évolution et les cahiers des charges deviennent très précis en termes de variétés, de calibres et de couleurs pour un approvisionnement douze mois sur douze », indique Jean-Claude Bizart, Pomanjou International. Le seul frein est le coût logistique sur un produit à faible valeur ajoutée.
Résultat économique intéressant pour le producteur
Enfin, les nouvelles cultures ou variétés sont le troisième type de demandes et d'opportunités de développement pour les producteurs. La noisette est l'exemple le plus démonstratif. Et le développement du marché des autres fruits secs, châtaigne, noix et amande, amène aussi de nombreuses structures à recruter des nouveaux producteurs. Idem pour le kiwi. Depuis 2015, Sofruileg, filiale de la Scaap Kiwifruits, structure de production de kiwi regroupant 350 producteurs, est en quête de nouveaux producteurs notamment pour les variétés de kiwi jaune. « Notre recherche est liée au développement de notre marché, pour lequel nous avons détecté des opportunités pour des produits qualitatifs sous certifications. Nous cherchons à mettre en adéquation notre offre et cette demande qui permet un résultat économique intéressant pour le producteur », précise François Lafitte, président de la coopérative. Tous les profils sont possibles ! « Dans les Landes, il s'agit d'agriculteurs en quête de nouveaux revenus, notamment avec l'arrêt des aides européennes sur le tabac, alors que dans les Pyrénées-Orientales, des arboriculteurs cherchent des alternatives au problème de la sharka sur fruits à noyau », cite en exemple Fabien Bec, responsable R&D Sofruileg (voir encadré). Et même les collectivités font partie de la liste des mandants. Celles des pays de Vannes et d'Auray recherchent des fournisseurs de fruits et légumes pour alimenter en produits locaux les cantines des écoles des maisons de retraite des hôpitaux... dans le cadre de Projets alimentaires territoriaux (PAT).
Des structures en quête de producteurs
Scaap Kiwifruits
La Scaap Kiwifruits participe à des réunions de producteurs et des événements professionnels, et communique dans la presse spécialisée agricole. Les premiers contacts permettent de s'assurer de la faisabilité agronomique du projet (conditions pédoclimatiques, disponibilité en eau). Passé cette étape, qui est suivie par des informations économiques (investissement, amortissement, rentabilité et rencontre avec d'autres producteurs), la Scaap Kiwifruits concrétise environ la moitié de ses contacts. Ainsi, cinq à dix producteurs par an investissent.
Biogaronne
« Nous recherchons des producteurs pour répondre à une demande croissante et pérenne de fruits et légumes frais bio », assure Jean-Luc Charbonneau, directeur de Biogaronne. Dès le projet d'installation ou de conversion, la structure peut apporter un soutien technique dans l'élaboration de prévisionnels, un appui technique, une mise en relation avec d'autres producteurs, un accompagnement auprès des financeurs, voire un soutien financier sous forme d'avance de mise en culture ou d'investissement (serre, verger). « Nous avons participé à des plantations de raisin de table en 2014 pour une première récolte en 2017 », témoigne le responsable, investi dans un travail de partenariat de longue haleine.
Charles et Alice
Pour assurer une croissance de 15 % de ses compotes à base de pomme et poire bio 100 % origine France garantie, Charles et Alice recherche de nouveaux apporteurs, notamment auprès des arboriculteurs convertis ou en conversion en AB et qui changent parfois de circuit de commercialisation. « Ces producteurs trouvent facilement des débouchés pour leur production en frais, mais moins pour les produits industrie qui peuvent être en quantité plus importantes », explique Mélanie Bordet, acheteuse matières premières du groupe. « Nous parlons en direct avec les producteurs. Notre unité d'achat va du camion de vingt tonnes jusqu'à plusieurs centaines de tonnes », précise-t-elle.
En recherche d'approvisionnement local
Les transformateurs de la région Paca qui s'approvisionnent principalement à l'import, avec des produits issus de préparations élaborées, sont en recherche d'approvisionnement local. Selon une étude réalisée par Terralia en 2013, les besoins de légumes du sud utilisés pour la fabrication de ratatouille et d'autres spécialités régionales (tomate - hors coulis, courgette, aubergine, poivron) ont été chiffrés à 3 500 t/an. Car la valorisation commerciale de l'origine locale des produits de 2ème transformation peut être estimée entre + 5 % et + 25 %. « Toutefois, l'adaptation des outils de 1ère transformation et les conditions de valorisation des produits sont des enjeux majeurs à lever pour créer des filières locales dynamiques », souligne Claire Mermet, responsable réseau et croissance de Terralia.
La noisette en plein développement
Lancé dans un programme de développement de 500 ha de plantation de noisetier par an, Unicoque recherche des producteurs pour planter 4 400 ha sur les quinze prochaines années.
Les îlots de plantation de noisetiers à deux ou trois producteurs permettent d’atteindre 40 à 50 ha rapidement et rentabilisent le matériel spécifique de récolte. © Unicoque
En 2012, Unicoque a démarré un programme appelé 10-20-30, avec pour but d'atteindre une production de 30 000 tonnes de noisette à l’horizon 2030. La coopérative, basée à Cancon (Lot-et-Garonne) et qui commercialise 98 % de la production de noisette en France sous la marque Koki, a basé son programme en fonction de la demande du marché. Celui-ci se partage entre la noisette d’industrie et la noisette coque. « Sur ces deux marchés la coopérative développe son savoir-faire en vue de différencier son offre et sécuriser la commercialisation sur le long terme », explique Bruno Saphy, responsable du pôle développement. Aussi, le programme 10-20-30 connaît un succès certain avec un rythme de plantation de 500 ha par an. « Si l’essentiel des plantations ont lieu dans le Sud-Ouest, à hauteur de 80 %, des îlots de plantations à deux ou trois producteurs sont en cours d’étude en Val de Loire et dans le Centre de la France », mentionne-t-il.
Donner une dimension qui rentabilise le matériel
Avec les plantations prévues pour l’hiver 2017/18, le verger de Koki atteindra 5 600 ha, il restera donc 4 400 ha à planter sur les quinze prochaines années. Dans cette démarche, les investissements sont considérables, tant au plan commercial qu’industriel, et cette politique repose sur un engagement des producteurs dans la durée. « Les producteurs d’Unicoque misent sur la force du groupe pour solidifier et pérenniser l’avenir de la production de noisettes de France et sa rentabilité. Ce challenge repose sur un contrat d’adhésion à la coopérative pour une durée de vingt ans, en cohérence avec la durée d’amortissement des investissements au verger et au plan industriel », mentionne Bruno Saphy. De fait, la dimension minimale des projets est de 10 ha, si possible dans le cadre de groupes de plantation à deux ou trois producteurs, permettant d’atteindre 40 à 50 ha rapidement pour donner une dimension qui rentabilise le matériel spécifique de récolte. « Aujourd’hui, la moyenne des surfaces plantées par producteur est de 20 ha et la plupart des producteurs continuent d'agrandir leur verger », précise Bruno Saphy. L’irrigation est systématique pour assurer une production régulière et de bonne qualité avec des besoins estimés à 2000 m3/ha. C’est pourquoi Unicoque dispose d'un Bureau d’études lacs. La coopérative propose également un service qui offre aux exploitants la solution pour nettoyer les récoltes et sécher les noisettes, en vue de stabiliser le produit et permettre le stockage de longue durée.