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Semences-L’avis de l’expert
« Rappelez votre place aux élus »

A l’occasion de l’AG de l’Union des semenciers (UFS), Henri Nallet, ministre de l’Agriculture de mai 88 à octobre 90, a présenté ses réflexions autour de l’avenir de la profession de semenciers dans la situation que traverse l’agriculture en France alors que l’Europe s’apprête à réformer la Politique agricole commune.

Nous vivons la fin d’un cycle, celui qui va des années 50 à 2000, avec une modernisation extrêmement rapide de l’agriculture, a commencé Henri Nallet lors de l’assemblée générale de l’UFS. Elle s’est faite par la mécanisation, l’utilisation de la science et les progrès biotechnologiques. Avec des résultats remarquables. C’est aussi la libéralisation des marchés et la chute de nos protections douanières, le changement d’un système de soutien agricole et le recul de la politique publique dans ce secteur. C’est le démantèlement de la Pac des années 60. Il n’y a plus besoin d’une gestion administrée de l’agriculture. Mais ce démantèlement a connu sa limite et ses contradictions en 2007-2008. Les mauvaises récoltes, l’absence de stock, la spéculation sur les matières premières ont entraîné une crise aux mouvements sociaux violents. Nous avons alors découvert que la libéralisation de l’agriculture ne marchait pas. Les marchés agricoles n’étaient pas autorégulateurs. Nous nous sommes retrouvés confronté à une situation qui n’avait pas été prévue. Et nous avons assisté au retour de la question agricole que l’on croyait avoir résolue. » Au sommet de Davos, par exemple, les questions centrales ont bien sûr été économiques mais aussi agricoles tout comme au G20.

« Il n’est pas question de décroissance dans le secteur agricole. Ce n’est pas raisonnable »
« Nous entrons dans une nouvelle période où l’agriculture européenne est soumise à plusieurs contraintes dont la plus importante : participer à l’approvisionnement alimentaire de l’humanité qui s’élèvera bientôt à 9 milliards d’habitants. » Une humanité qu’il faudra approvisionner de manière correcte, aux exigences sans cesse accrues, « la sécurité alimentaire deviendra une question politique majeure ». Or, comme « les terres agricoles ne sont pas extensibles, de fortes tensions sont à envisager quant à leur gestion, avec des achats de terres en Asie Centrale et en Afrique par exemple. Devant cette contrainte, il n’est donc pas question de décroissance dans le secteur agricole. Cette perspective n’est pas raisonnable ni sérieuse tant pour la France que pour l’Europe dans son ensemble. »
A cela, Henri Nallet détaille plusieurs difficultés majeures comme la modification de la demande sociétale, « les consommateurs vont réclamer des produits agricoles de plus grande qualité, respectant l’environnement, la biodiversité avec un désir de très grande diversité. Nos systèmes agricoles devront donc être plus accueillants à la diversité. » Et face à cela, « nous resterons dans un monde ouvert, face à la concurrence d’autres agricultures qui ont des titres à faire valoir, où l’Etat organisateur de notre modernisation sera de fait moins protecteur. » Henri Nallet a par ailleurs rappelé que le secteur agricole et agroalimentaire était et restait essentiel. « Encore trop peu pris en compte par les responsables politiques, c’est une source de richesses, de recettes et d’emplois sans équivalent. On ne peut pas abandonner ce secteur à des fantaisies intellectuelles. Il doit être soutenu pour ne pas régresser. »
Enfin, il a abordé le thème de l’agriculture écologiquement intensive (AEI) estimant qu’elle était le symbole du retour à la science agronomique. « Jusqu’ici, nous n’étions que des économistes. C’est un virage essentiel qui touche à toutes les échelles de la production. Pendant longtemps, on vous a vendu l’agriculture comme un modèle vertical. Ce modèle a été imposé aux agriculteurs via une politique publique et des subventions. Ce n’est plus ce que nous devons faire. Les modèles doivent davantage être accrochés à l’écosystème donc être plus proches des agronomes. (.) Ce qui nous attend, c’est un changement dans la façon dont nous avons appris à organiser notre agriculture. Le modèle de gestion centralisé doit être différent et sans doute s’inspirer de l’efficacité française en le décentralisant pour retrouver au niveau régional cette connivence entre les différents acteurs du monde agricole pour être plus près de la réalité de terrain. »
Quant à l’actualité européenne, Henri Nallet pointe du doigt : « Dans cette réforme de la Pac, on recommence à parler de production et non plus d’un endroit à convertir à la grande loi du marché. » Et de souligner combien l’agriculture revient dans les débats publics. « Vous, fournisseurs de l’agriculture, prenez en compte qu’il n’y aura pas de centralisation, le changement se fera de manière diffuse. Votre travail vient d’être illustré par Bill Gates, venu marteler au G20 que dans le secteur engrais et semences, il faut investir dans la recherche. Affichez cela dans toutes vos assemblées, car il est plus écouté dans le monde que José Bové. » Et puis il a abordé le sujet très controversé des OGM, « les temps changent nous avons besoin des spécificités de la recherche. Le discours archaïque sur les OGM n’est pas courageux et pas à la hauteur face à un enjeu politique de cette ampleur. » Aussi pour l’avenir, Henri Nallet est optimiste. « Dans notre pays, nous n’avons pas le choix, nous n’avons plus d’industrie, nous l’avons liquidée. Cette prise de conscience doit contribuer à faire valoir que notre agriculture est une richesse essentielle et que nous n’avons pas intérêt à laisser partir certaines équipes de recherche. Aussi vous avez un important travail à réaliser auprès de vos élus. Rappelez-leur votre place. »

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