Transport - Maritime
Quatre jours pour joindre Agadir à Dunkerque
La nouvelle ligne conteneurisée entre Agadir et Dunkerque a débuté en novembre. Exemple d’un partenariat entre un armateur, un logisticien et un fabricant de conteneurs.



Les infrastructures portuaires revêtent une importance primordiale pour un pays comme le Maroc, dont les principaux marchés à l’exportation se situent sur l’autre rive de la Méditerranée. Si le port de Casablanca peut être qualifié d’“euro-méditérranéen” vu les flux traités, celui d’Agadir ne saurait être encore considéré comme un simple port régional, assurant son activité essentiellement par le feedering (acheminement et transbordement des marchandises vers les navires de ligne depuis les ports que les armateurs ne desservent pas en direct). Et cela grâce à la production fruitière et légumière de la plaine du Souss d’abord et d’une grande partie du Sud marocain à destination des marchés européens.
C’est dans ce contexte que s’inscrit le lancement, au début du mois de novembre, d’une nouvelle desserte régulière entre le port marocain et Dunkerque. Le mercredi 11 novembre, dans la nuit, le navire “Tinghir” de la compagnie IMTC a levé l’ancre d’Agadir pour le port du Nord de la France. A son bord, une centaine de conteneurs 40 et 45 pieds Coolboxx chargés des premiers agrumes et légumes de la campagne marocaine 2009-2010. Il est arrivé le lundi 16, très tôt dans la matinée, à Dunkerque, où après le déchargement d’une partie de sa cargaison, il repartait en mer à 13h25 en direction de Rotterdam (Pays-Bas), second port touché par la ligne vers 23 heures. Le lendemain, les conteneurs à destination de la Russie étaient chargés sur un navire de la compagnie Samskip qui assure la navette avec Saint-Pétersbourg, destination finale, le 24 novembre. Seulement quatre jours ont été nécessaires pour couvrir la distance avec le port français et treize au total pour atteindre l’ancienne capitale des Tsars.
La compagnie maritime marocaine IMTC a été créée il y a une vingtaine d’années. A ce titre, il est certainement le premier opérateur maritime privé du pays. Au cours de son histoire, la société, s’est aussi développée sur le métier d’agent en consignation et comme opérateur portuaire. Cela lui permet aujourd’hui d’avoir une solide expertise dans la gestion des conteneurs aussi bien pour elle-même que pour d’autres armateurs.
Dans un domaine aussi sensible, il n’est pas question de se lancer à l’aventure, ce que confirme Abdelaziz Hamid, le directeur commercial de la compagnie IMTC : « A travers les discussions que nous avons pu avoir avec les principaux producteurs de fruits et de légumes marocains, nous avons identifié un véritable besoin pour acheminer les produits de régions comme celle du Souss vers les marchés européens et en premier lieu français. Nous avons donc développé ce concept “door to door” (porte-à-porte) qui va du départ de la station d’emballage vers le réceptionnaire, grâce à une navette à jour et heure fixes aussi bien au départ qu’à l’arrivée. Ainsi nous avons lancé il y a trois ans ce produit entre Agadir et Port-Vendres à raison d’une escale hebdomadaire. La proximité du marché international Saint Charles à Perpignan, et aussi celui de Châteaurenard, permettent aujourd’hui une diffusion rapide des légumes marocains. »
Développer le concept vers les marchés du Nord de l’Europe
La nouvelle ligne entre Agadir et Dunkerque répond d’une autre façon à la demande des clients. « Précédemment, nous touchions les ports d’Anvers et de Rotterdam et la marchandise restait en consignation, ce qui entraînait des délais et des frais logistiques préjudiciables, explique Abdelaziz Hamid. Nous fondant sur le succès de la navette avec Port-Vendres, nous avons eu l’idée de développer le concept pour les marchés du Nord de l’Europe. Nous nous sommes rapprochés de DailyFresh qui dispose, sur la place de Dunkerque, d’un entrepôt de consolidation permettant le stockage sous douane et les contrôles phytosanitaires ainsi que la récupération et le dépotage des conteneurs. De plus, DailyFresh opère les conteneurs 45 pieds Coolboxx qui présentent l’avantage certain de s’adapter au châssis d’un poids lourd. »
Restait à appréhender la validité d’une telle desserte. C’est ainsi qu’entre le 11 mars et le 30 avril derniers, huit voyages tests ont été engagés. Il ne s’agissait pas ici de traiter des volumes importants mais d’évaluer la qualité de la ligne. « Ceci étant, nous avions deux clients sur le premier bateau, dix sur le huitième. Cela nous a convaincus de pérenniser cette liaison entre Agadir et Dunkerque », reconnaît-il.
Néanmoins, un tel concept ne se limite pas au simple transport de marchandise par mer : un travail important est aussi assuré à l’amont, lors de la ramasse des fruits et légumes dans les stations d’emballage des producteurs clients, ainsi qu’à l’aval où la plate-forme dunkerquoise de DailyFresh joue un rôle important dans la distribution finale vers le Nord de la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne entre autres.
Une course contre la montre
Les camions doivent arriver sur les lieux de production. Il faut emporter le conteneur (le charger en palettes), revenir au port, assurer l’embarquement. « Nous calibrons la température du conteneur à sa marchandise et l’assurons jusqu’au quai où nous disposons de prises reefer. Et nous ne débranchons le conteneur que quelques minutes avant le chargement sur le navire », explique Abdelaziz Hamid.
Qui plus est, il faut aussi parfois composer avec les chargeurs qui adaptent leur tonnage à destination de l’Europe à la situation du marché. IMTC dispose d’une flotte de trente-cinq camions, dont 95 % ont moins de cinq ans, et travaille en sous-traitance avec des transporteurs de confiance. L’opérateur marocain a l’avantage de disposer d’un dépôt pour les conteneurs vides en dehors de la zone du port de commerce : le gain de temps, spécialement en procédures, permet de réduire le temps de positionnement des conteneurs.
« La principale inquiétude à mes yeux, ce sont les intempéries pouvant survenir en haute mer, concède Abdelaziz Hamid. Moins l’éventuel accident que le retard pris sur le trajet. Un des points forts de notre offre est d’assurer un Transit Time précis aux clients. Le respect de l’ETA (estimated time of arrival-heure estimée d’arrivée) est le plus important. Le volet opérationnel ne pose pas de problème dans la mesure où la logistique aussi bien de notre côté à Agadir que de celui de DailyFresh à Dunkerque est au point. Tout cela nous permet d’assurer un service spécifique dans un esprit de proximité. »