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Pomme : les trois révolutions des plants

Nouveaux porte-greffes plus vigoureux et résistants, arbres biaxe et variétés plus robustes. Après quelques décennies de relative stabilité, l’offre des pépiniéristes évolue pour s’adapter aux attentes des arboriculteurs.

« Les marges des producteurs de pomme sont aujourd’hui tellement faibles que la productivité et la maîtrise des coûts de production sont devenues essentielles, estime Benoît Escande, gérant des pépinières Escande. La rentabilité passe par une productivité régulière et par des arbres qui nécessitent peu de tailles, peu d’éclaircissages ; qui sont peu ou pas sensibles à la tavelure, aux pucerons et autres bioagresseurs ; et par des fruits qui se conservent bien, soient de bonne qualité gustative et, dans l’idéal, ont un aspect différenciant incontestable. » Une tendance forte est le développement des vergers en mur fruitier, à haute densité, avec réduction des entre-rangs de 4 m à 3,5 m, 3 m, voire 2,5 m, et plus bas, pour permettre de se passer des plates-formes. Dans les principaux pays producteurs de pomme, une autre tendance est la rénovation des vergers. « Un arboriculteur devrait renouveler en moyenne 5 % de son verger chaque année, analyse Thierry Ligonnière, directeur général de Dalival. Et comme beaucoup ont investi dans des filets pare-grêle et l’irrigation, ils préfèrent replanter sur les mêmes surfaces pour ne pas perdre ces structures ou devoir les déplacer. »

Lancement de nouveaux porte-greffes

S’y ajoutent la réduction des solutions phytosanitaires et une demande des consommateurs pour des pommes de bel aspect, mais toujours moins traitées. Et tout cela sans oublier la nécessaire adaptation au changement climatique et notamment aux excès climatiques : canicules à l’origine des coups de soleil sur les fruits et d’un manque de coloration des pommes, ainsi que des risques plus importants de cracking ; hivers doux suivis de gels printaniers qui rendent les risques de gel plus importants…

Les formes biaxes, qui nécessitent plus de vigueur, sont associées aux nouveaux porte-greffes de la gamme Geneva ou au M200

Les pépiniéristes travaillent donc pour proposer des arbres toujours plus productifs, qui résistent aux maladies et ravageurs, et adaptés aux nouvelles conduites de vergers. L’arrivée sur le marché de nouveaux porte-greffes plus vigoureux, productifs et résistants est une révolution. « Créer un porte-greffe est un processus très long, explique Thierry Ligonnière. Après dix à vingt ans de sélection, il faut encore dix à quinze années d’expérimentation dans différentes conditions pédoclimatiques, pour étudier et valider leurs adaptations, leurs résistances et tolérances, vérifier la productivité sur les différentes variétés… Le M9 a longtemps représenté 90 % des plants de pommier. Mais depuis trente ans, de nouveaux porte-greffes sont testés sur différents sites et notamment en Europe. Et de nombreux travaux ont conclu à un intérêt très fort de certains d’entre eux, qui peuvent désormais être commercialisés. »

Bon comportement face à la fatigue des sols

Les plus développés sont des porte-greffes issus du programme de sélection de Cornell Geneva aux États-Unis. On trouve notamment le G11, de vigueur globalement équivalente au M9 EMLA sur terrain vierge, mais plus vigoureux en cas de replantation, tolérant au feu bactérien et au phytophthora, moins sensible au gel et de bon comportement face à la fatigue des sols ; et le G41, plus vigoureux que le G11 en sol neuf, tolérant au puceron lanigère, résistant au feu bactérien et de bon comportement à la fatigue des sols. S’y ajoutent, avec un peu moins de recul, des porte-greffes issus du programme de sélection d’East Malling en Angleterre, notamment le M200, de vigueur supérieure de 15 % à celle du M9 et équivalente à celle du G41, tolérant au feu bactérien et au phytophthora et de bon comportement à la fatigue des sols.

« En France, Italie, Espagne, Belgique, Pays-Bas, où il y a beaucoup de rénovations de vergers et des problèmes de fatigue des sols, ces nouveaux porte-greffes, dont les performances ont été validées, présentent l’avantage d’être plus vigoureux, moins sensibles aux maladies du sol et au final plus productifs, souligne Thierry Ligonnière. Sur terrain neuf comme en replantation, le gain de production par rapport au M9 peut atteindre 20 % sur G11 et 30 % sur M200. » « La tolérance au feu bactérien est un atout face au M9 dont c’est une des faiblesses », estime Philippe Toulemonde, gérant des pépinières Toulemonde. « Ces nouveaux porte-greffes facilitent aussi l’évolution vers des vergers densifiés », souligne Benoît Escande. « Depuis plus de 20 ans, aux États-Unis, des vergers témoignent de la qualité des porte-greffes G11 et G41 », indique Olivier Grard.

Arbres en double axe pour des vergers plus plats

La deuxième révolution est celle des formes d’arbres proposées. « 80 % du verger de pommier est aujourd’hui constitué de variétés bicolores, constate Philippe Toulemonde. La recherche de fruits très colorés implique que ceux-ci soient bien exposés et amène à rechercher des arbres plus plats, qui permettent une meilleure pénétration de la lumière, ainsi que des traitements. Et surtout, ces formes plus plates facilitent la taille, l’éclaircissage manuel ou mécanique, la récolte et l’effeuillage mécanique, ce qui limite le besoin en main-d’œuvre, un point essentiel du fait des problèmes de disponibilité et de coût de la main-d’œuvre. » Si les scions de deux ans (knipboom) représentent encore plus de 80 % du marché en plants de pommier, une tendance forte pour l’obtention de formes plus plates est l’offre de plants multiaxes et notamment biaxes, qui facilitent l’obtention rapide de murs fruitiers et optimisent leur conduite.

Une tendance forte est l’évolution vers des vergers plus plats et plus denses.

Après l’Italien Mazzoni, pionnier en Europe de la production de plants double axe avec sa marque Bibaum®, la majorité des pépiniéristes en propose désormais. Gradilis met en avant sa forme de plant Ypsilon, brevetée depuis novembre 2023. « Le porte-greffe est préformé en double axe en pépinière, précise Olivier Grard. Cette technique permet d’obtenir deux bras très équilibrés et l’installation rapide d’une haie fruitière étroite. La répartition de la vigueur sur les deux axes génère des ramifications plus ouvertes facilitant la conduite. La taille est facilitée et la taille mécanique devient possible. »

Un coût d’implantation plus élevé mais rentable

Plus de 50 % de la production de plants de Gradilis se fait aujourd’hui en Ypsilon, part qui pourrait atteindre 100 % d’ici quelques années. « Le défi est d’industrialiser la méthode de production », note Olivier Grard. Aux pépinières Toulemonde, un tiers des plants de pommier est aujourd’hui en double axe. « Cela implique plus de travail en pépinière, souligne Philippe Toulemonde. Il faut rabattre le scion, faire un double greffage, un double tuteurage. Et surtout, il faut que les deux axes aient la même taille, ce qui peut impliquer plusieurs interventions manuelles pour accélérer un axe et ralentir l’autre. Le coût de revient et le taux d’échec sont très supérieurs et le taux de 1er choix inférieur, d’environ 50 % contre 75 % en axe simple. »

Le plus souvent, ces formes biaxes, qui nécessitent plus de vigueur, sont associées aux nouveaux porte-greffes de la gamme Geneva ou au M200. « Avec un porte-greffe de la gamme Geneva, qui augmente le rendement de 15 %, et Ypsilon, qui l’augmente de 15 %, le gain en rendement est d’au moins 30 %, sans changer la densité de plantation », assure Olivier Grard. Si le coût d’implantation est plus élevé, mais comme le verger va produire au moins quinze ans, l’investissement serait donc très rentable. « Si le système racinaire doit nourrir deux fois plus de pommes, il les nourrit deux fois moins, estime pour sa part Benoît Escande. Et cela avec des plants plus coûteux. »

L’offre de nouveaux porte-greffes se développe

Peu à peu, l’offre des pépiniéristes français évolue vers les nouveaux porte-greffes. La gamme Geneva pourrait actuellement représenter 5 % de l’offre de plants de pommier en Europe et 15 à 20 % en France. Plus récent, le M200 est un peu moins développé : « La crise et le manque de disponibilité en plants freinent un peu leur développement, observe Olivier Grard. Mais quand la crise sera passée, le développement pourrait être très rapide. » « Il faut de plus refaire une gamme de vigueur selon les qualités de sol, les variétés… », souligne Philippe Toulemonde. Aux États-Unis, c’est le G41 qui est le plus diffusé ; et au Brésil, le G213, qui nécessite moins d’heures de froid. En Europe, c’est le G11 qui semble aujourd’hui le plus répandu. Dalival développe le G11, le M200, lancé commercialement fin octobre avec sa filiale IFO et que le pépiniériste préconise en replantation, en verger bio ou pour des variétés peu vigoureuses ; et le M116, très vigoureux, adapté à l’industrie.

Le G11 devrait représenter 60 % des plants Dalival en 2024-2025 et le M200, 10 à 15 %. Les pépinières Escande ont choisi d’utiliser le G11, moins sensible que le M9 au puceron lanigère et sur lequel il y a le plus de recul en pépinière. Gradilis utilise uniquement G11 sur les plants monoaxes et G41 sur Ypsilon. « Et nous testons aussi le G202 et le G969, précise Olivier Grard. Pour un verger bio en troisième génération, les G11 et G41 peuvent être insuffisants en vigueur. » Les pépinières Toulemonde développent notamment le G11, qui représente déjà 40 à 50 % de leur offre, et testent le M200. « Le M200 a un très bon comportement en pépinière, observe Philippe Toulemonde. Il est très homogène, avec un bon taux de reprise en pépinière et en verger. Il est aussi plus vigoureux que le G11 et permet une bonne productivité et un bon calibre. »

Une offre de plants bio très limitée

S’il y a dix ans, des pépiniéristes se sont lancés dans la production de plants fruitiers bio, dans la perspective de la fin des dérogations à l’utilisation de plants bio en 2035, beaucoup aujourd’hui tendent à délaisser ce segment. Alors que les producteurs bio aujourd’hui veulent des plants de qualité, sains et forts, encore plus parce qu’ils sont en bio et que les arbres devront s’adapter à des conditions difficiles, les jeunes plants sont en effet encore plus sensibles aux maladies, aux insectes et à la concurrence des adventices que les plants adultes, ce qui rend leur production difficile. Au lieu d’utiliser des plants bio, les producteurs mettent à profit la période de conversion des terres de trois ans pour pouvoir commercialiser leurs premières récoltes en AB.

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