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Euro-Méditerranée - Fruit Logistica - Prospective
Plaidoyer pour un pacte agroalimentaire euro-méditerranéen

Vital pour les êtres humains et susceptible d’être à l’origine de multiples crises qu’elles soient sécuritaires, sanitaires ou humanitaires, l’agroalimentaire dans l’espace euro-méditerranéen fait partie des principales priorités politiques.

« Aucun autre domaine que l’agroalimentaire ne comporte les mêmes urgences et des implications aussi fortes », relèvent Christian Dubreuil et Jean-Louis Rastoin (1). Les deux experts proposent la mise en place d’un pacte agroalimentaire et rural entre les deux rives de la Méditerranée. Ce Pacte serait ainsi une “réponse à une situation d’urgence” caractérisée par l’épuisement du modèle agroalimentaire méditerranéen ainsi que par les dégâts potentiels que risquent de lui infliger la libéralisation des échanges agricoles. « Il consiste en une meilleure localisation des productions, une régulation des échanges et la promotion d’un système agroalimentaire respectueux de l’environnement, des territoires et de la culture méditerranéenne. » En somme, ce Pacte permettrait, à terme, la « création d’un vaste marché agricole commun » dans l’espace euro-méditerranéen.
En apparence, le modèle agroalimentaire méditerranéen dispose des trois qualités essentielles pour renforcer la compétitivité de la région en matière de production agricole et d’insertion dans les échanges mondiaux appelés à évoluer vers plus de libéralisation : il est “nutritionnellement bénéfique”, il est “convivial” car aux antipodes des modèles industriels notamment américains et, enfin, il est “renommé” et dispose d’une excellente réputation auprès des consommateurs à travers le monde.
Pour autant, ce modèle est confronté à deux dangers, l’un concernant la production et l’autre le modèle de consommation. Dans le premier cas, c’est la concurrence internationale qui est à prendre en compte. « Le marché méditerranéen est dans une situation paradoxale. Il est potentiellement colossal notamment du fait des qualités intrinsèques du modèle méditerranéen, mais l’offre n’est pas structurée pour y répondre. Elle se déstructure plutôt, les habitudes de production et de consommation alimentaires se perdant, même en Méditerranée. » La situation est d’autant plus inquiétante que de grands pays agricoles (Etats-Unis, Australie, Chili, Argentine…) ont identifié le fort potentiel de croissance des marchés des f&l – domaine d’excellence de la Méditerranée – et ont déjà lancé de vastes programmes de développement dans ce secteur, le cas de l’huile d’olive illustrant à merveille la montée en puissance des régions non- méditerranéennes. Dans le second cas, c’est « l’uniformisation des régimes alimentaires inspirés des habitudes occidentales » qui pose problème. Les rives Sud et Est de la Méditerranée sont elles aussi confrontées à la “malbouffe”.

Une modernisation dictée par la libéralisation des échanges agricoles
Menacé, le système agroalimentaire méditerranéen doit aussi se moderniser pour d’autres raisons. Le cycle de Doha est certes enlisé, mais les pressions et négociations, à la fois multilatérales et bilatérales, poussent vers une libéralisation des échanges agricoles. Une perspective inquiétante car cette libéralisation risque d’avoir des effets dévastateurs sur le secteur agroalimentaire méditerranéen.
Le secteur agricole du Sud de la Méditerranée est par ailleurs confronté à deux urgences qui imposent sa modernisation. En premier lieu, son déclin ou sa stagnation auraient des conséquences dramatiques sur la main-d’œuvre agricole qui demeure très importante. Contrairement à une idée reçue, la modernisation des filières agroalimentaires permet de maintenir et de développer l’emploi. La déstabilisation agricole aurait des implications territoriales mais également urbaines, d’où la nécessité de privilégier le développement rural. « Une politique de développement rural doit être mise en place rapidement pour contrebalancer une approche euro-méditerranéenne de l’agriculture jusqu’à présent trop focalisée sur la libéralisation des échanges », propose notamment l’étude.

Le Pacte agroalimentaire : une réponse à l’urgence
L’idée de ce Pacte est destinée à « inscrire l’agriculture et l’ensemble du système agroalimentaire des pays du Sud dans la modernité. » Il constituerait ainsi un outil majeur de régulation régionale euro-méditerranéenne. N’ayant rien à voir avec une zone de libre-échange, il serait comparable aux alliances aériennes qui mutualisent coûts et ressources. Il serait « un contrat virtuel, avec des droits et des devoirs, acceptés par les agriculteurs et leurs organisations professionnelles ». Un contrat qui créerait « de l’irréversibilité », c’est-à-dire, une « obligation de modernisation ». Il permettrait « de valoriser le modèle méditerranéen » en offrant « un cadre institutionnel et normatif aux agriculteurs » et constituant de ce fait « un instrument de reconquête des marchés intérieurs et extérieurs pour les produits méditerranéens. »
Une caractéristique majeure du Pacte serait qu’il « impose les règles de l’acquis communautaire » en matière de sécurité sanitaire des aliments et de protection de l’environnement. « Le Pacte propose une rationalité économique régionale basée sur la complémentarité des productions et de leurs calendriers », précise le document qui insiste sur la nécessité d’une « meilleure répartition de la chaîne de la valeur entre les deux rives de la Méditerranée. »

Trois chantiers de modernisation et trois instruments pour le Pacte
Le groupe de travail d’Ipemed a identifié trois chantiers pour la modernisation de l’espace agroalimentaire euro-méditerranéen. D’abord, la « définition de l’avantage comparatif de la Méditerranée » avec la détermination du positionnement stratégique de la région. Ensuite, la « répartition régionale du travail » avec « la réallocation des productions en fonction des complémentarités naturelles » et une répartition plus équilibrée « de la chaîne de la valeur, de la production des matières premières et de tout le système agroalimentaire. » Enfin, la nécessité de « soutenir l’organisation des milieux professionnels au Sud (filières,…) afin de faire des agricultures du Sud des activités réellement productives. »
La mise en place du Pacte passe par l’emploi de trois instruments distincts. Il y a d’abord les instruments commerciaux avec « l’extension de la préférence communautaire à l’ensemble de la Méditerranée afin de constituer des organisations euro-méditerranéennes communes de marché. » Il y a ensuite les instruments financiers qui s’inscriraient sur une perspective d’au moins vingt ans avec le besoin « d’un volet régional de la politique européenne de voisinage » et une « “méditerranéisation” de la Politique agricole commune » avec la mise en place d’un « Fonds agricole euro-méditerranéen ». Enfin, en termes d’instrument politique, le Pacte ne pourra être mis en place que par le biais d’un recours appuyé à la politique européenne de voisinage.

(1) Coordinateurs du groupe de travail mis en place par Ipemed pour réfléchir à des solutions en vue d’intégrer l’agriculture dans le projet de rapprochement des deux rives de la Méditerranée.

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