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Interview
« Passer de l’écoulement de l’offre à la satisfaction du consommateur »

Le congrès des producteurs de Légumes de France se tiendra les 9 et 10 novembre à Lyon. La présidente, Angélique Delahaye, répond à nos questions.

fld hebdo : Presque six mois après la crise E. Coli, où en est la production française de légumes ?
Angélique Delahaye : La crise médiatico-sanitaire est survenue dans un contexte de marchés difficiles depuis l’hiver. E. Coli est venu porter le coup de grâce, la situation ne s’est pas redressée depuis juin 2011, et toutes les productions ont été entraînées dans une crise qui est encore plus grave que celle de 2009. Certains circuits de distribution ont pu mieux résister que d’autres, surtout là où il y avait une relation avec les consommateurs, que ce soit directement avec les producteurs ou par le détaillant lui-même. Cela laisse entrevoir des perspectives d’avenir, si nous savons passer d’une logique d’écoulement de l’offre à des logiques de satisfaction des demandes exprimées par les consommateurs. Le Congrès des producteurs de Légumes de France va y travailler, le métier de producteur ne s’arrête pas à la production, nous devons aussi nous préoccuper de leur commercialisation et de leur valorisation, faire parler les légumes de France !

fld hebdo : La Commission européenne avait débloqué une enveloppe exceptionnelle pour venir en soutien aux producteurs touchés par cette crise. Comment expliquez-vous le fait que la France fasse partie des pays qui ont reçu la plus faible enveloppe ?
A. D. : Cette situation est un scandale. Elle peut s’expliquer en partie par les mécanismes d’intervention qui se fondent sur un prix moyen de retrait européen. Or, l’harmonisation européenne étant très loin d’être aboutie, les coûts de production entre les différents Etats membres de l’UE restent très différents. Ainsi, pour certains pays, mettre au retrait serait plus rentable que vendre sur le marché… ce qui n’est pas le cas en France où nous sommes champion d’Europe des charges et de la réglementation.

fld hebdo : Comment jugez-vous le Plan Le Maire de sortie de crise présenté le 7 septembre ?
A. D. : Comme les producteurs sur le terrain… Ils ont encore en tête la promesse d’indemnisation des pertes à l’euro près ! Et pourquoi l’avoir limitée aux seuls concombres et tomates, alors que toutes les productions de légumes ont été impactées, directement ou indirectement, par la crise ? La Commission européenne, elle, avait intégré la salade dans son dispositif de retrait. Par ailleurs, les mesures d’urgence sont limitées par la règle européenne du “de minimis” qui plafonne les soutiens publics aux entreprises agricoles à 7 500 € pour une période de trois ans ; autant dire rien pour un producteur de concombres qui a perdu plusieurs dizaines de milliers d’euros par hectare. La France aurait d’ailleurs pu demander une exception à cette règle de gestion courante, mais elle ne l’a pas fait. Au-delà des aides d’urgence, il y a des décisions à prendre qui ne coûtent rien et qui permettraient de redonner de la compétitivité et de la rentabilité à nos exploitations. Légumes de France a fait des propositions en ce sens. Les dispositifs de la LMA restent à appliquer, notamment en matière de fausses coopérations commerciales ou de PAV.

fld hebdo : La France est offensive sur le plan européen. Quelle est votre opinion sur les propositions franco-espagnoles ?
A. D. : C’est un élément du plan de Bruno Le Maire. Notre secteur bénéficie de dispositions spécifiques dans l’OCM unique. Il faut certainement conserver ces dispositions d’appui à l’organisation des producteurs sur le marché. Il faudra les compléter par une adaptation du droit de la concurrence pour permettre une meilleure organisation entre OP et producteurs indépendants. Quant à la gestion des crises, les retraits ont été quasiment abandonnés lors des dernières réformes de l’OCM et les dispositifs actuels basés sur un prix de retrait européen nous sont très défavorables. De plus, que peut-on en attendre, lorsque dans le même temps, on multiplie les accords de libre-échange avec le Maroc, l’Ukraine, etc. ?

fld hebdo : Le principe d’une taxe soda pour l’abaissement des charges en agriculture a été voté. Etes-vous satisfaite ?
A. D. : Ce qui est satisfaisant, c’est que notre constat est largement partagé : le coût du travail est trop cher en France. 12 € de l’heure, contre 6€ en Allemagne ou en Espagne, sans parler du Maroc. Au-delà du principe, nous craignons cependant que par les modalités de mise en œuvre, notamment la dégressivité à partir de 1,1 Smic, on soit loin de la promesse d’un euro de prise en charge par heure travaillée pour les salariés permanents de nos exploitations maraîchères.

fld hebdo : La ratification de l’accord UE-Maroc est bloquée par le Parlement européen. Souhaitez-vous le rejet pur et simple de cet accord ? Ou bien êtes-vous prête à un compromis ?
A. D. : Justement, comment peut-on accepter d’ouvrir les portes de l’Europe à des productions qui n’ont pas les mêmes règles que nous ! Comment peut-on accepter un accord pour lequel on nous promet des études d’impact en 2012 alors que les négociations ont été conclues en 2010 par la Commission européenne. Ce n’est pas sérieux ! De plus, les accords précédents n’ont pas permis de maîtriser ni les volumes importés, ni les prix d’entrée. Corrigeons d’abord cela, et après on verra. Mais il faudra de sérieuses garanties pour les producteurs de légumes français ou espagnols. C’est ce que nous avons dit ensemble au Parlement européen en octobre dernier.

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