Matériau
Pas si verts que ça, les bioplastiques !
Les bioplastiques se font rattraper par la crise alimentaire actuelle. Au problème récurent du prix, s’ajoute aujourd’hui le doute sur leur capacité à être recyclés et sur les matières premières nécessaires à leur fabrication.




Le renchérissement des matières premières a eu de nombreuses répercussions sur les différents stades de la filière agricole et agroalimentaire ces derniers mois. C’est aussi le cas des emballages et plus spécifiquement de ce que l’on appelle les bioplastiques. Ces derniers issus de matières premières (maïs, blé, amidon de pommes de terre…) présentent un double panorama. Une progression attendue par ses promoteurs et un début de doutes pouvant devenir sérieux.
Le dernier congrès des producteurs de bioplastiques, qui s’est tenu à Berlin à l’automne dernier, s’est néanmoins déroulé sous le signe de l’optimisme. Il est vrai qu’à la vue des données présentées, le produit aurait de belles perspectives de développement. A l’horizon 2011, les prévisions de European Bioplastics, l’organisme européen des fabricants, laisse présager une production de 1,5 million de tonnes dont 885 000 t, soit 59 % à base de matière végétale et totalement biodégradable. Cette précision n’est pas innocente. Il est tout à fait possible de faire du polyéthylène non biodégradable à partir d’éthanol issu de plantes.
Les mêmes prévisions avançaient une production de 766 000 t. Rappelons qu’en 2006 la fabrication des bioplastiques atteignait juste les 150 000 t. D’une manière générale, un représentant de DBV (équivalent allemand de la FNSEA) stipulait que la différence entre production vivrière et production dédiée à ces bioplastiques ne devait pas être faite, dans la mesure où les agriculteurs étaient suffisamment capables de mener les deux productions de front. Même si le produit reste intéressant, le problème majeur des bioplastiques demeure son prix. Le Club Bio-plastiques, qui regroupe, en France, les principaux fabricants et fournisseurs (l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) en fait partie), considère que le coût des matériaux biodégradables demeure encore une fois et demie supérieure aux plastiques d’origine pétrochimique. En revanche, il souligne aussi que la cherté des bioplastiques est aussi une question de massification du marché. A l’heure actuelle, les quantités produites demeurent encore faibles au regard du potentiel de développement repéré par le Club. De plus, les travaux de recherche et développement à fournir sont assez conséquents et représentent environ 30 % des coûts fixes. Les travaux portent essentiellement sur l’amélioration de l’aptitude des variétés de céréales utilisables à des fins industrielles. Le Club Bio-plastiques estime que la compétitivité pourrait être atteinte avec une part de marché de 10 %. Lors d’une conférence durant la dernière édition du salon Emballage 2008, Christophe Doukhi de Boissoudy, président du Club Bio-plastiques, confirmait : « Seul le développement de la R&D permettrait de réduire l’écart de prix avec les plastiques traditionnels. Nous, fabricants visons la stabilisation du prix à l’horizon 2015. »
N’est pas compostable qui voudrait
Si le prix des bioplastiques a toujours été d’actualité, quant à l’entrave à leur expansion, d’autres complications s’ajoutent. La prise de position du Conseil national de l’Emballage en juin 2008 a jeté une lumière nouvelle sur le sujet et a surtout fait l’effet d’un avertissement à l’intention de ceux qui voyaient dans les bioplastiques la panacée.Ainsi, les Sages du conseil considèrent que la mise en marché de ces nouveaux matériaux plastiques « nécessite une clarification. Les hypothèses scientifiques, les promesses techniques, les justifications économiques et les impacts environnementaux manquent encore de robustesse ou n’ont pas fait l’objet d’un consensus. » En tout état de cause, il n’est plus possible de revêtir ce type de matériau du “blanc-manteau” de l’écologiquement correct. Les récentes crises alimentaires, qui ont mené dans certains pays aux émeutes de la faim, posent en effet la question des conditions de production agricoles non alimentaires des bioplastiques. Utiliser des cultures vivrières pour leur confection, n’est-ce pas favoriser la surexploitation éventuelle de la nature ? Certainement. Mais c’est aussi souligner l’opposition “cultures vivrières contre cultures industrielles” ou encore “biocarburants contre nourriture”. Le jugement du Conseil national de l’emballage est sans équivoque : « Le renouvelable n’est plus, par définition, assimilable au soutenable. » Ainsi, pour lui, « une attention toute particulière doit être portée à la production de résines plastiques à base de végétaux afin de ne pas détourner des matières premières alimentaires pour une utilisation industrielle non-alimentaire. » Utiliser des déchets de plantes alimentaires (rafles de maïs, bagasses de canne à sucre…) apparaît comme une alternative, peut-être la seule pour les producteurs. En effet, ceux-ci ne veulent pas courir le risque de passer pour des “exploiteurs” dans l’esprit du consommateur-citoyen.
Mais le constat ne s’arrête pas là : une des forces avancée par les fabricants est la possibilité de composter les bioplastiques, car issus de matières naturelles. « Concernant la fin de vie, il faut rappeler que tout ce qui est compostable est biodégradable, mais que tout ce qui est biodégradable n’est pas automatiquement compostable, souligne la note du CNE. La compostabilité d’un polymère plastique biodégradable est une caractéristique parmi d’autres, qui présente moins d’intérêt, d’un point de vue environnemental, dans la gestion de la fin de vie des emballages, que le recyclage matière et l’incinération avec récupération d’énergie. » Ce dernier point pourra paraître étonnant, voire antinomique avec la nécessité de gérer le mieux possible la fin de vie des emballages quelle que soit leur origine. En revanche, le Conseil préconise de ne pas faire la promotion de la compostabilité de tel emballage : il est vrai que les habitudes des consommateurs à trier ne sont pas encore bien solidement implantées et que cela pourrait jeter la confusion.
La profession s’inquiète d’ailleurs des matériaux d’emballages dits bio-fragmentables, fragmentables ou oxo-fragmentables. Mélanges de polymères synthétiques (type polyéthylène) composés d’additifs végétaux ou minéraux, leur fin de vie se traduisant par une biodégradation des additifs et une dégradation physique (visible à l’œil nu) sans désintégration moléculaire des éléments chimiques. On ne peut donc les considérer comme véritablement “biodégradables”. Cependant, “ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain”. Les services de Recherche & Développement de très grandes compagnies comme BASF ou DuPont travaillent activement sur le dossier des bioplastiques pour trouver de nouvelles molécules à partir de matières végétales.
De ce point de vue, si en effet des incertitudes persistent, le dossier n’est pas clos pour autant. Seuls l’augmentation de la production des bioplastiques (qui permettrait de mettre en place des filières de recyclage spécifique) et le lancement de nouveaux matériaux pourront lever ces doutes.