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Où sont les marques?

Les signatures en fruits et légumes font florès mais, souvent, les clients ne les voient pas. Un constat qui pointe la nécessité de mettre plus de moyens marketing et de communication.

Difficile de dénicher sur un marché de plein air des fruits et légumes avec une marque bien ancrée. Sur le marché, les emballages sont moindres et souvent les produits sont placés en dépoté pour attirer l'œil du chaland quant à la qualité ou la fraîcheur des produits. Pourtant, des marques et labels, il en existe à foison dans la filière si l'on regarde de plus près. Il existe les démarches et partenariats en local chez Leclerc (Alliances Locales), Auchan (Saveurs du coin)... Mais il est vrai qu'à proprement parler les marques sont peu visibles pour le néophyte. « Pour développer une marque dans les fruits et légumes afin qu'elle soit connue auprès des consommateurs, il faut que certains critères soient respectés, indique Louis Orenga, directeur d'Interfel et auteur d'un livre sur les marques collectives. Celui qui crée une marque doit s'assurer de la qualité finale du produit commercialisé. Or, en produits frais, cette qualité finale peut échapper au premier metteur en marché. De plus, il est nécessaire de disposer d'un support pour la marque qui aille jusqu'au consommateur, ce qui explique que l'on voit se développer des produits en UVC (Unité de vente consommateur) ainsi que des marques en particulier sur les produits de IVe gamme. » Ce n'est pas un hasard. Dans ce cas, l'emballage sert de vecteur d'informations pour le consommateur final. Chez les intermédiaires, chacun a sa méthode. Certains ne mettent en place une marque qu'au cœur de la saison du produit qu'ils commercialisent tandis que d'autres ont tout bonnement implanté des marques différentes selon si le produit est en qualité premium ou en cœur de gamme. On distingue dans la stratégie commerciale trois types de marques : la marque “Produit”, la marque “Gamme” et la marque “Ombrelle” ou “Caution”. Mais ce qu'il manque le plus à la filière, ce sont les investissements marketing. « La gestion d'une marque consommateur doit aussi tenir compte d'autres critères comme le coût de communication de la marque qui peut représenter en moyenne 3 à 6 % du chiffre d'affaires, explique Louis Orenga. Ce qui est sûr, c'est que les produits frais dégagent souvent des marges nettes pour les producteurs qui sont bien inférieures à ces taux. Il est donc plus difficile de développer une marque dans le secteur des produits frais que dans les industries agroalimentaires. Et je ne suis pas certain que le consommateur de f&l attende un développement de marque comme elles sont présentes dans les IAA. » Pour autant, le consommateur a besoin de repères précis dans le rayon f&l et la relation doit être forte entre la marque et la qualité du produit.

Marque B to B, B to C, collective... en regardant de plus près elles sont légion

« Implanter une nouvelle marque dans les fruits et légumes n'est pas simple, indique Xavier Martin, directeur de Fruidor Terroirs. Il faut une vraie politique de marques liée à la segmentation produits. C'est-à-dire une marque pour le premium, une autre pour le cœur de marché et pas de marque pour les fruits et légumes 1er prix. Il faut aussi que la marque véhicule une image qualitative. Pour les légumes, c'est davantage sur la notion de fraîcheur que nous tablons, hormis pour la tomate pour laquelle la gustativité est d'importance. » Actuellement, Fruidor Terroirs possède cinq à six marques en fruits et légumes. « Nous sommes en train d'harmoniser notre politique de marque au niveau national », annonce Xavier Martin. Cette harmonisation devrait avoir lieu dans les six prochains mois. « Nous allons tout remettre à plat en prenant comme critères le caractère gustatif, l'itinéraire cultural, la qualité visuelle, la fraîcheur de nos produits... » Il faudra bien sûr communiquer auprès de leurs clients, ces marques ayant pour mission de communiquer dans la filière en B to B. « Nous ferons un large plan de communication », ajoute-t-il.

Il existe aussi des relations fortes entre producteurs et grande distribution. C'est le cas de l'opération Saveurs du coin chez Auchan. C'est près de soixante-dix producteurs dans le département du Rhône qui se sont associés avec Auchan pour créer un espace dédié dans le rayon fruits et légumes et estampillé “Saveurs du coin”. Et c'est aux producteurs de faire vivre cet espace commercial. Ainsi, les producteurs ont désigné une personne pour être présente chaque jour dans le magasin. Gilbert Chavas, producteur et membre de l'association, explique : « On doit marketer au mieux les produits et donner un certain nombre de codes pour présenter nos productions aux clients. Cela passe par du conseil à la vente ou encore par la traçabilité claire et précise mise en place par l'association de producteurs. Dans cette région, la vente directe est très ancrée et très marquée et c'est donc à nous de faire le nécessaire pour que les ventes progressent. » A elle seule la démarche “Saveurs du coin” représente un volume de vente de 700 t de f&l par an, ce qui a permis selon Gilbert Chavas le maintien de producteurs dans leur exploitation afin qu'ils participent à l'aménagement du territoire. Ce genre de démarche est peu courant et a donné des idées aux producteurs qui ont ouvert un magasin de producteurs estampillé “Saveurs du coin”, ainsi, tout le monde s'y retrouve. Le distributeur peut ainsi véhiculer une image de proximité bien établie. Et les producteurs, qui au final, sont les mieux placés pour parler de leur production.

Chez Monloup, à Rungis, il existe la marque “La Saveur d'Abord”. « A l'origine, cette marque était destinée au consommateur final, se souvient Dominique Monloup, directeur de l'entreprise éponyme. C'était une coconstruction de filière avec une volonté de service et de qualité en partenariat avec des détaillants choisis. » Aujourd'hui, La Saveur d'Abord est avant tout une différenciation par rapport aux autres entreprises présentes à Rungis. « Une marque c'est une promesse, ce ne sont pas des vains mots, martèle Dominique Monloup. Elle doit dire quelque chose. Il doit y avoir du contenu. Cela correspond à une politique d'entreprise et c'est ce qui entraîne toute la société. On n'est plus simplement un distributeur, on est sélectionneur, on y met même notre nom, notre marque. C'est un engagement fort et là les grossistes sont prescripteurs de produits auprès des détaillants. » La Saveur d'Abord est aujourd'hui une marque “grossiste MDD” en pomme-poire et sur certains autres produits de manière ponctuelle. « Nous sommes en train de réfléchir à la manière dont on pourrait relancer cette marque, indique Dominique Monloup. Il peut y avoir des choses intéressantes à faire avec le web, les réseaux sociaux, etc. Cette marque ne correspond pas aux produits de début de saison, elle s'ancre plutôt en cœur de marché, il ne s'agit pas de l'apposer sur toute la production comme le font les producteurs avec leurs marques. Nous n'avons pas ce souci, car c'est notre métier de sélectionner au mieux les fruits et légumes. Le métier de grossiste, c'est apporter le meilleur produit quelle que soit son origine au meilleur prix pour une clientèle la plus large possible. »

Un atout pour les entreprises LA MARQUE COLLECTIVE

Louis Orenga vient de signer “La communication collective, l'atout des sociétés”. « Une marque collective implique d'investir pour la faire connaître au consommateur. Dans 80 % des cas, les principales raisons des échecs des marques collectives reposent soit sur un problème de positionnement (elles doivent jouer un rôle complémentaire aux initiatives des entreprises et ne pas s'y substituer) soit sur le fait qu'elles ne sont pas assises sur un nombre suffisant de produits apportant un véritable plus pour le consommateur. » Il fustige aussi le manque de promotion autour des produits sous signe officiel de qualité ou d'origine. « Ce qui explique le fait que le consommateur a du mal à comprendre la diversité de ces signes. Ici c'est le rapport entre l'investissement et le nombre de marques qui pose problème. »

“La communication collective, l'atout des sociétés”, par Louis Orenga, Editions Gisserot, 320 pages.

Le prix bas considéré comme suspect

Interrogé sur l'évolution des achats de fruits et légumes lors de la dernière assemblée générale de Felcoop, Philippe Moati, directeur de l'ObSoCo, martelait : « Dans les rayons et quel que soit le produit, le prix bas est considéré comme suspect par les consommateurs. Or, il y a de la place pour les produits de qualité. Si le prix est bas, la qualité est supposée douteuse. Et s'il n'y a pas de certitude, cela entraîne un doute chez le consommateur. Il faut donc trouver une manière d'objectiver la qualité du produit. C'est une nouveauté et une fenêtre d'opportunité à saisir, car les distributeurs eux aussi veulent sortir de cette spirale prix. Plus que jamais, il faut donc entrer fortement sur ce marché différencié avec un discours de responsabilité fort et une réinvention des circuits de distribution. »

En clair, la filière fruits et légumes ne doit pas rater le coche du changement alors que les distributeurs sont en train de se transformer en profondeur. Ceux-ci auront besoin de collaborer avec les producteurs et les intermédiaires pour repenser leur offre en produits frais. Et alors que l'on fête déjà les dix ans de la création du drive chez les distributeurs, Philippe Moati lance : « il va falloir aussi inventer un concept dédié aux produits frais et cela devra se faire en étroite collaboration avec les producteurs et les coopératives de fruits et légumes. »

Des signes officiels de qualité utilisés comme des marques dans le rayon

Plus encore, Louis Orenga explique : « Les marques collectives et les signes officiels de qualité ont un cahier des charges s'appliquant à un ensemble de produits contrôlés et validés par les instances publiques et mis en marché par un certain nombre d'entreprises. Ces marques collectives sont de deux types, il y a la démarche officielle et la marque collective en tant que démarche de professionnels, comme “Le Crunch” pour les pommes à l'export. La marque collective avec des produits différents s'approche davantage d'une marque caution que l'on pourrait simplement qualifier de signature collective. Elle est souvent initiée par des interprofessions ou des instances régionales. Ici, le consommateur peut s'assurer que la marque se situe dans un créneau bien particulier en termes de qualité et de prix. En cela la marque d'entreprise n'a pas la même vocation. »

A titre d'exemple, on pourrait aussi parler du changement radical de nom de société chez Pot au Pin. En effet, il y a deux ans, l'entreprise a décidé de revoir toute sa charte commerciale et graphique. Planète Végétale était née. « Aujourd'hui, le look des produits et la qualité orientent le choix du consommateur face au rayon fruits et légumes », expliquait le directeur marketing de Planète Végétale lors du lancement. Et d'ajouter avec bon sens, « quand un produit est sous-représenté en linéaire, ce n'est jamais bon pour lui ». Une chose est certaine pour ancrer fortement une marque dans le rayon, il faut mettre tout en œuvre pour le voir sélectionné par les acheteurs de la grande distribution. Car sans rayon pas de marque. Chez Leclerc, dans le rayon fruits et légumes (cf. photo ci-contre), on privilégie le lien avec les producteurs avoisinants. Dans le Sud Finistère, à Pont l'Abbé, l'enseigne porte haut les couleurs de la Bretagne et annonce même ses liens avec plusieurs groupes aux marques bien connues telles que Prince de Bretagne et Savéol. Et les intermédiaires s'y mettent aussi à l'image du réseau Creno avec Jardin d'ici, et dans le groupe Le Saint avec le slogan “Jouons local”, message que le groupe aime mettre en avant dans son choix d'être le “local de l'étape”. Ainsi plus que des marques, dans la filière fruits et légumes ce sont souvent des démarches qualitatives, voire des engagements forts en faveur de l'environnement comme c'est le cas de “Demain la terre” qui associe des entreprises partout en France ayant pris le parti de jouer la carte du développement durable, à cela il faut aussi ajouter les démarches de plusieurs marques collectives type Priméale pour Prim'co ou encore Prince de Bretagne, qui depuis déjà quelques années éditent leurs rapports d'activité développement durable comme caution de bonne gestion de l'énergie, de traitement des déchets, etc., et ce en tenant compte de la part humaine et économique du développement durable.

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