Nutrition, l’information ne suffit pas
L’économie fait-elle la loi dans nos assiettes ? Tel était le thème du colloque organisé par l’Institut français de la nutrition (IFN) qui se tenait à Paris le 29 septembre dernier. Pour argumenter, Pierre Combris, chercheur économiste à l’Inra a profité de son allocution pour mentionner quelques évolutions nutritionnelles spécifiques à la France.
Depuis dix à quinze ans, la consommation se stabilise dans tous les groupes d’aliments, la ration calorique n’augmente plus et a même tendance à diminuer, mais les conséquences en termes de nutrition ne se manifestent pas encore pleinement comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis. Aussi, en dépit de l’abondance, les facteurs économiques continuent d’exercer une influence importante qui se retrouve à travers le jeu des prix relatifs, les stratégies de différenciation des produits et les inégalités de consommation. Sur le grand thème des fruits et légumes, Pierre Combris souligne que la consommation moyenne atteint 36 kg/personne/an et précise que “ceux qui gagnent le plus achètent 11 kg de plus que la moyenne et inversement pour les revenus plus faibles. Mais aujourd’hui, c’est sans conteste la question de l’âge du consommateur qui joue plutôt que le revenu”. Alors que faire ? Car “l’information ne suffit pas, assène-t-il. Il est préférable d’utiliser la force des mécanismes économiques pour faire bouger les choses.” Notamment en favorisant la recherche. “Cela permettrait d’améliorer les méthodes de production, le stade de stockage ou encore la recherche de variétés plus adaptées à la demande du marché”, énumère-t-il. Quant au régime méditerranéen et en particulier crétois, ils ont pris quelques plombs dans l’aile. Car en présentant les prévalences d’obésité chez les enfants, tous les pays méditerranéens et la Crète en leader (avec 39 %) présentaient des pourcentages plus élevés que les pays nordiques et d’Europe de l’Ouest.
La consommation n’est pas en phase avec la nutrition
Sur la question des prix relatifs, c’est-à-dire les prix perçus par le consommateur, “la concurrence par les prix reste toujours un mécanisme très actif. Ce sont toujours les produits dont les prix relatifs baissent qui se développent le plus.” Et dans le cas des fruits, “ce sont des produits chers car faisant face à de grandes contraintes (production, stockage, etc.)”. Aussi Pierre Combris souligne que l’évolution de la consommation n’a pas de raison particulière d’être en phase avec les besoins nutritionnels de la population. Pour illustrer ce fait, il a pris l’exemple des corps gras et des fruits et légumes.
“Depuis le début des années cinquante, le prix des fruits et légumes a progressé beaucoup plus vite que l’indice général des prix, à l’inverse le prix des corps gras a augmenté beaucoup moins vite. Or les consommations ont varié en sens inverse. Si les inégalités en matière de consommation de corps gras ont disparu, elles sont restées extrêmement fortes pour la consommation de fruits et légumes”. Aussi, estime-t-il qu’il serait nécessaire d’agir sur l’offre proposée au consommateur, en agissant bien sûr sur les prix, mais également sur l’accessibilité. Un mot très tendance ces derniers temps au sein de la filière.