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Interview de Jean-François Jacob
« Nous voulons des solutions et que l'on arrête de nous hypothéquer notre avenir »

Alors que la colère gronde chez les producteurs de légumes bretons, Jean-François Jacob, président de la Sica Saint-Pol, nous a accordé une interview et fait le point sur la filière.

FLD HEBDO : Vous avez rendez-vous avec le ministre de l'Agriculture, qu'en attendez-vous ?

JEAN-FRANÇOIS JACOB : Cette réunion était prévue bien avant les actions de ce week-end et de toute façon je ne sais pas ce qu'il en ressortira. Cela fait suffisamment longtemps qu'il y a bêtise administrative sur bêtise administrative. Cette crise ne date pas d'aujourd'hui, les années de crise s'enchaînent, la météo qui est défavorable, mais en toile de fond c'est une crise plus profonde qui dépasse même les légumiers.

Fld : Que dites-vous à ceux qui condamnent ces actions musclées ?

J.-F. J. : Que connaissent-ils des violences faites aux producteurs au quotidien, qu'elles viennent du commerce ou de l'administration ?

Bien sûr personne ne souhaite que ces actions aient lieu. Les producteurs ne sont pas des manifestants en puissance. On a assez crié que, structurellement parlant, on allait vers une asphyxie de la filière avec une baisse du chiffre d'affaires payé au producteur de 25 % sur un an. Ce n'est plus tenable. Je le redis, il y a une véritable fracture entre l'économie réelle de production et nos élus à Paris. Aussi, nous attendons que l'on nous aide à pouvoir investir à moyen et long termes. Si l'on prend le cas du coût de main-d'œuvre, c'est 60 % du coût de production en légume de plein champ, c'est donc stratégique pour les producteurs. Il faut donc lever les blocages administratifs et baisser le plan de charges de nos exploitations. Nous avions dit que nous n'hésiterions pas à bousculer les institutions.

FLD : comment expliquez-vous cette situation de crise aujourd'hui ?

J.-F. J. : La succession des conditions climatiques défavorables, le contexte de la consommation qui n'a pas aidé, les contraintes administratives, sociales, les distorsions de concurrence, l'augmentation de la fiscalité et, bien sûr, l'impact de l'embargo russe, tout cela a déstabilisé le marché des fruits et légumes de manière indirecte. On estime ainsi que les prix sur les marchés ont chuté de 30 % aujourd'hui.

FLD : Comment évaluez-vous le montant de l'effet de l'embargo russe sur la filière bretonne ?

J.-F. J. : C'est très difficile d'évaluer l'impact de l'embargo russe sur la filière fruits et légumes. Cela peut aller plus loin que la seule fermeture des frontières, il y a aussi la dévalorisation du produit sur les marchés. A la Sica Saint-Pol, on avait dit qu'il ne fallait rien attendre des aides nationales pour suppléer à cet embargo. Et bien nous devons le reconnaître, nous nous sommes trompés. Nous avons reçu un chèque de 353,70  € pour nos 1 500 producteurs ! Au départ on voulait le redistribuer et puis tout compte fait, cela nous coûtera plus cher en timbre pour envoyer 0,20 € à chacun.

FLD : Alors qu'allez-vous faire de cette aide dérisoire ?

J.-F. J. : Nous allons garder le chèque et envoyer à Emmanuel Macron un billet d'avion pour qu'il puisse venir nous rencontrer chez nous. Malheureusement, vu le coût de la logistique pour venir en Bretagne, nous ne pourrons lui payer qu'un aller simple. Ce qui nous afflige, c'est de savoir qu'une dizaine de personnes ont travaillé pour arriver à calculer ces 353,70 €... Aujourd'hui, nous le disons : tout le monde va devoir prendre ses responsabilités. Cette crise est violente pour les producteurs bretons mais aussi pour toute la filière fruits et légumes. On peut accepter les crises conjoncturelles mais si, structurellement, les producteurs n'arrivent plus à vivre, ce n'est plus possible.

FLD : Qu'en est-il des stations de conditionnement de la Sica Saint-Pol ?

J.-F. J. : Les procédures sont en cours. Nous avions décidé ces nouvelles stations de conditionnement en 2005. Au plus tôt, il nous aura fallu dix ans pour y arriver. Vous imaginez les écarts de compétitivité avec nos concurrents étrangers ? En Europe du Nord, il faut dix-huit mois. C'est la même chose pour la mise en place de la cogénération... Je le redis, on avait un temps d'avance, mais on va finir par avoir un temps de retard... Ce pays n'est pas gouverné, il est administré, c'est le pire des scénarios. L'objectif, c'est que l'on trouve des solutions et, surtout, que l'on ait des perspectives d'avenir. Il faut maintenir le tissu économique que l'on représente. Si on perd cela, alors on ira de débordements en débordements sociaux. Après, nous sommes prêts à écouter. Si nous nous trompons, qu'on nous le dise et qu'on nous démontre que ce n'est pas ce qui est en train de se produire. Que chacun prenne ses responsabilités pour que l'on trouve des solutions à court terme pour sortir les producteurs de ce marasme, mais surtout un chemin pour l'avenir.

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