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"Nous sommes dans une période extraordinairement favorable au végétal"

Trois questions à Claude Fischler, sociologue et directeur de recherche émérite au CNRS.

 

Nos contemporains se défient de tout produit chimique, comme les produits phytosanitaires. Cette peur est-elle un phénomène nouveau ?

 

Non, cette peur du « chimique » est probablement apparue avec la naissance de l’agroalimentaire à la fin du 19e siècle et en tout cas au moins depuis les années 1930. C’est une préoccupation latente qui revient au gré des crises et qui se traduit par des légendes urbaines ou des rumeurs. Un exemple est le tract de Villejuif contre les additifs soi-disant cancérigènes, polycopié et reproduit depuis les années 1970, et que l’on trouve toujours, pratiquement inchangé, sur internet. Cette peur ne concerne pas seulement le monde agricole. Aujourd’hui dans un contexte de défiance généralisée, elle prend des proportions importantes dans les médias. Elle participe d’une vision infrapolitique qui dénonce une manipulation de l’agriculture, mais aussi de la médecine, par des industries multinationales. Elle se nourrit bien sûr de scandales réels (sang contaminé, Mediator). Mais dans ses formes les plus radicales, c’est une théorie du complot.

 

Vous dites que cette vision négative du chimique s’oppose à la supériorité du « naturel ». Comment est défini le naturel ?

 

Toujours de façon négative, par l’absence d’intervention humaine : le « sans, sans ni, ni ». Et la psychologie expérimentale montre que, dans nos têtes, ce qui « dénaturalise », plus que la substance, c’est le processus. Dans une étude, on demande d’évaluer la naturalité de l’eau d’une source en pourcentage. Si l’on propose d’ajouter à une eau jugée « naturelle à 97 % » une quantité infinitésimale d’un produit incolore, inodore et sans goût, la naturalité estimée baisse massivement. Et si l’on retirait maintenant cette substance ? La note de naturalité, loin de remonter, baisse encore. Ce n’est donc pas la substance, pas la quantité, mais le processus lui-même qui est perçu comme « dénaturant ».

 

Cette idéalisation du naturel peut-elle être un atout pour les fruits et légumes ?

 

Nous sommes dans une période extraordinairement favorable au végétal : une sorte de transition protéique en faveur des légumes. Les restaurateurs témoignent d’une demande de plus en plus forte de plats à base de légumes variés, nouveaux et anciens. Mais en même temps, la méfiance est généralisée contre la « contamination par le chimique ». Dans le monde idéal des consommateurs, le bio va donc de soi. Oubliant au passage les crises sanitaires comme celle faussement attribuée au concombre espagnol (le coupable était un lot de pousses d’alfalfa bio contaminé par Escherichia coli). Le bio est synonyme de naturalité. Mais là aussi la méfiance persiste : le bio est-il vraiment bio ? Si le produit est cultivé à côté d’un champ non bio ou dans un autre pays ? Cette méfiance semble intrinsèque à notre condition d’omnivores prudents ; elle est encore accentuée par les opacités de l’alimentation contemporaine…

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