Italie
Mutti convoite le marché français
Grâce à une sélection minutieuse des variétés de tomates et un process gardé secret, Mutti est devenu le leader italien de la tomate transformée et cherche à renforcer sa présence en France.




Alors que son père était producteur de lait et de porc, le fondateur de Mutti, Marcellino Mutti, a préféré se tourner vers la transformation de tomates en 1899, date de création de son entreprise désormais centenaire. Ce choix semble s’être avéré judicieux. La société italienne Mutti se présente aujourd’hui comme le numéro un sur le marché domestique du concentré et de la pulpe de tomate, même si la concurrence de la Chine ou de la Turquie pourrait, un jour, venir titiller ses marchés. « Outre la Chine, notre inquiétude se porte sur la Turquie. C’est un marché plus proche et leur production est conséquente. La suppression des aides européennes aux producteurs de tomates transformées va d’autant plus exposer ces pays-là », explique Filippo Corsello, directeur export de Mutti.
En 1951, Mutti crée une “mini-révolution” culinaire en conditionnant le concentré de tomate dans un tube, produit plébiscité par les consommateurs qui abandonnent la boîte en fer. En 1969, la société met au point la “polpa”, pulpe de tomates concassées, qui sera mise sur le marché deux ans plus tard. La polpa se positionne alors en alternative aux tomates pelées et au concentré. Ces deux produits participent encore de la notoriété de la marque, qui fête d’ailleurs cette année les 40 ans de la création de sa polpa.
Si au début de son histoire, Mutti produisait 80 boîtes de polpa par minute dans son usine située près de Parme, c’est aujourd’hui 750 boîtes qui sortent du site de production, pendant les premières semaines de la campagne. La saison s’échelonne durant les deux mois d’été, entre la fin juillet et la fin septembre. Pendant cette période, l’usine tourne 24 heures sur 24, puis le rythme ralentit à 16 heures puis 8 heures avant d’aborder la prochaine campagne. Près de 3 000 t de tomates sont travaillées et conditionnées quotidiennement pour être transformées en concentré ou en pulpe. A chaque livraison des producteurs, Mutti vérifie la teneur en sucre, la qualité organoleptique et la couleur des tomates, les vertes étant rejetées.
160 000 t de tomates transformées
En 2009, ce sont ainsi 160 000 t de tomates qui ont été transformées en concentré ou en pulpe, contre 70 000 dans les années 2000. A l’exception de la polpa, qui est produite dès l’arrivée des tomates dans l’usine pour une question de fraîcheur, les autres produits sont fabriqués tout au long de l’année grâce à des stocks conservés dans des poches sous vide à l’intérieur de cuves. Mutti s’approvisionne auprès de 235 exploitations agricoles, situées dans un périmètre de 120 km aux alentours de l’usine pour conserver au maximum la fraîcheur des tomates. Les semences sont choisies au préalable avec l’entreprise, qui laisse néanmoins aux agriculteurs le soin de se fournir auprès de quatre sociétés semencières : ISI, United Genetics, Heinz et Peotec. Et Mutti se félicite de soigner ses agriculteurs. « Nous faisons le contraire de ce que font les autres. Nous payons plus nos agriculteurs. Le meilleur d’entre eux reçoit une prime de 30 000 euros récompensant la qualité de la tomate », explique Filippo Corsello. La qualité de la matière première reste fondamentale dans le processus de fabrication et Mutti revendique une agriculture raisonnée. Les producteurs doivent notamment respecter la rotation quadriennale des terrains, afin de préserver les terres. L’autre aspect qui fait des produits Mutti des produits de qualité reste le process. La polpa, particulièrement, est obtenue à partir de tomates pelées à froid, pour préserver leur couleur rouge, concassées finement puis égouttées. Le processus de production, toujours secret, permet d’éliminer complètement les parties jaunes ou vertes de la tomate, ainsi que la peau résiduelle et les pépins, pour ne garder que le cœur du fruit. 100 kg de matières premières sont nécessaires pour obtenir 19 kg environ de polpa.
Recherche sur le lycopène
Pour améliorer la qualité de ses produits, Mutti poursuit notamment des recherches sur le lycopène, pigment liposoluble rouge aux vertus antioxydantes, afin de pouvoir le conserver sur la peau des tomates lorsqu’elles sont plongées dans l’eau. Un budget de 1,5 million d’euros est engagé chaque année par l’entreprise italienne dans la recherche et le développement. Depuis une dizaine d’années, Mutti enregistre un taux de croissance entre 20 et 25 %. En 2008, son chiffre d’affaires a atteint 120 millions d’euros, dont 23 millions à l’exportation (+ 27 % par rapport à 2007). La marque est présente dans une trentaine de pays, sur tous les continents. Implantée en France depuis cinq ans, Mutti a commencé par aborder la restauration. « Nous sommes très bien implantés en RHD, un peu moins en GMS. Il est plus lent de se faire connaître en restauration mais si la réputation est bonne, c’est plus solide », explique Filippo Corsello. Forte de sa position sur le marché italien, l’ambition de Mutti est désormais de conquérir le marché français avec un positionnement haut de gamme. « Le marché français est difficile, mais il existe de l’espace pour un produit authentique de qualité qui ne soit pas encore présent dans le commerce », ajoute-t-il. L’objectif de l’entreprise italienne est clair : « Se positionner auprès du consommateur et du restaurateur comme marque référente haut de gamme dans un secteur pour l’instant aux mains des marques de distributeurs et des produits premiers prix. » Outre la polpa et la “passata” (purée de tomate), Mutti a abordé le marché français avec un vinaigre de tomate, ayant nécessité trois ans de recherche et développement. L’entreprise a déjà vendu 90 000 bouteilles de ce vinaigre, dont 95 % sur le circuit de la RHD. En 2008, son chiffre d’affaires en France s’est élevé à 8 millions d’euros, en progression de 23 %. Mutti prévoit d’atteindre des ventes de 9,5 millions en 2009, dont 4 millions en GMS.