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Maraîchage : des pistes pour réduire la pénibilité du travail

Réduire la pénibilité en maraîchage est une problématique forte exprimée par les producteurs. La station expérimentale de Bretagne Sud travaille sur ce sujet depuis plusieurs années, notamment par l’utilisation d’un robot pour le désherbage et l’assistance aux différentes opérations culturales.

L'impact de l'utilisation d'un robot sur la pénibilité en production maraîchère est étudié à la station expérimentale de Bretagne Sud.  © SEHBS
L'impact de l'utilisation d'un robot sur la pénibilité en production maraîchère est étudié à la station expérimentale de Bretagne Sud.
© SEHBS

« En maraîchage biologique diversifié, jusqu’à un tiers du temps de travail est consacré au désherbage manuel, ce qui engendre une forte pénibilité. Neuf maraîchers sur dix souffrent en effet de troubles musculo-squelettiques », souligne Maët Le Lan, responsable de la station de Bretagne Sud (SEHBS) dans le Morbihan, lors du dernier salon Tech & Bio. Preuve de l’importance de cette problématique dans les préoccupations des producteurs, la conférence à Tech & Bio sur ce thème a fait salle comble. « Avec la féminisation du métier, on assume plus le fait de parler des conditions de travail difficiles, analyse-t-elle. On n’est plus dans le stéréotype d’un métier d’hommes forts, qui ne se plaignent jamais ». Le thème de la réduction de la pénibilité est travaillé depuis cinq ans à la station de Bretagne Sud (station régionale des Chambres d’agriculture de Bretagne). Un projet d’expérimentation vise à réduire le temps de désherbage manuel et plus globalement la pénibilité des opérations culturales en maraîchage biologique, par deux stratégies différentes : d’une part, par la désintensification de la rotation des cultures. « Même si la notion de rotation est difficile à cerner dans des systèmes aussi diversifiés que le maraîchage biologique, il est nécessaire de réfléchir à de nouvelles successions culturales qui permettraient de gérer le stock semencier des parcelles en été, par des faux semis par exemple, et in fine de réduire les temps de désherbage manuel », explique Maët Le Lan. D’autre part, en utilisant le robot de désherbage Oz, découvert par la responsable de la station en 2014, au Sival. « J’y ai vu un potentiel pour diminuer la pénibilité du travail, grâce à sa polyvalence. Il peut être utilisé pour le désherbage en mode autonome, mais aussi en aide à la personne au cours des différentes opérations culturales ».

Une grille de critères pour évaluer la pénibilité

Le but du projet est de pouvoir analyser ce qui change quand on a un robot sur une exploitation. « Il faut apprendre à travailler avec le robot, témoigne un producteur utilisateur d’Oz. On est obligé de s’adapter à lui, l’inverse n’est pas possible ». Il faut aussi chercher l’intérêt du robot en termes de temps de travail et de pénibilité. Pour pouvoir mesurer l’impact de l’utilisation d’Oz sur la pénibilité, les acteurs du projet ont d’abord eu besoin d’évaluer la pénibilité à partir de critères objectifs. Or, celle-ci est une notion subjective, par nature difficile à évaluer. De plus, il n’existe aucune grille de critères d’évaluation de la pénibilité pour le maraîchage. « Nous avons créé notre propre grille, à partir de la grille d’évaluation de la pénibilité du décret en vigueur à l’époque, et des schémas des angles de « confort » du dispositif Orege de l’INRS(1) », raconte Maët Le Lan. Avec l’aide de la grille de notation, la pénibilité des opérations culturales a été analysée à partir de vidéos des situations de travail, avec et sans aide du robot, sur une culture de tomate : binage, palissage, effeuillage, récolte… Pour chaque activité, la pénibilité est évaluée selon des critères répartis en cinq catégories : « gestes et postures de travail », « charges portées et effort de traction », « chocs et vibrations », « environnement de travail » et « aspect cognitif/charge mentale ». Chacun des critères peut être considéré comme « acceptable », « non recommandé » ou « à éviter ». Par exemple, pour le critère « dos », dans la catégorie « gestes et postures de travail » : une inclinaison de 0 à 20 ° du dos est « acceptable » ; entre 20 et 45 °, elle est « non recommandée » ; une inclinaison supérieure à 45 °, ou une torsion du dos, ou une extension vers l’arrière sont des positions « à éviter ». Pour chaque opération culturale décortiquée, les différents critères sont décomposés selon la proportion du temps de cycle considérée comme « acceptable », « non recommandée » ou « à éviter ». Ainsi, pendant le binage manuel, moins de 5 % du temps de cycle est passé dans une position acceptable pour le dos, environ 85 % dans une position non recommandée, et 10 % dans une position à éviter.

Un transfert de la pénibilité d’une partie à une autre

De manière générale, le travail avec le robot diminue la pénibilité. Mais, en remplaçant certains gestes par des nouveaux, il engendre souvent un transfert de la pénibilité d’une partie du corps à une autre. Par exemple, pour la plantation des plants de tomate, Oz a été utilisé en suivi de l’opérateur. Le robot, ainsi qu’un chariot qu’il tractait, transportaient des plateaux contenant les plants. Dans la modalité témoin (sans le robot), un seul plateau avec des plants est posé au sol à côté de l’opérateur et doit être déplacé manuellement au fur et à mesure. L’utilisation du robot a permis de réduire légèrement la pénibilité au niveau du dos : sans le robot, 80 % du temps de cycle se fait dans une position « à éviter » pour le dos, et 20 % dans une position « acceptable » ; avec le robot, 60 % du temps de cycle se fait dans une position « à éviter », 20 % dans une position « non recommandée » et 20 % dans une position « acceptable ». En revanche, l’aide du robot pour la plantation entraîne un peu plus de contraintes pour les épaules : sans le robot, 60 % du temps de cycle se fait dans une position « à éviter », contre 80 % avec lui. Certaines positions « non conventionnelles » ont aussi été testées, comme être debout sur le robot pour la récolte ou la descente des plants. « C’est une posture non sécurisée, que l’on n’est pas censé adopter, convient Maët Le Lan. Mais on a assumé le fait d’évaluer ce genre de positions, qui peuvent être dans les pratiques des exploitations ». Même sans aller jusqu’à investir dans un robot, le confort quotidien peut être amélioré par une analyse approfondie de son propre travail. « Il faut se poser réellement la question de ce qui nous embête au quotidien, et poser ces besoins sur le papier », conseille la professionnelle. C’est la première étape avant de trouver des astuces pour diminuer la pénibilité, en standardisant tous les petits gestes du quotidien par exemple.

(1) Orege, développé par l’INRS, l’institut dédié à la santé et la sécurité au travail, est un outil d’évaluation des facteurs de risque biomécaniques de troubles musculo-squelettiques du membre supérieur.

La pénibilité de trois opérations culturales analysée en culture de tomate

1 L’attache des plants

Modalité témoin : l’opérateur se positionne devant chaque plant un genou à terre, le dos courbé, les bras tendus en avant. Le déplacement entre chaque plant est réalisé soit latéralement en gardant un genou à terre soit en se levant, ce qui lui permet de redresser le dos. L’enroulement de la ficelle se fait manuellement par un geste de rotation ample du poignet avec une contrainte modérée.

 

Modalité robot : l’opérateur est assis sur le siège tracté et prend ainsi une position genoux pliés à 90° ou plus, dos courbé et bras tendus. Cette posture est contraignante pour l’organisme car elle impose entre autres de courber le dos à plus de 45° tout au long de l’opération sans interruption.

 

2 Le palissage

Modalité témoin : l’opérateur se positionne à genoux, cette posture est très contraignante pour les membres inférieurs. Le dos et les membres supérieurs sont également sollicités durant la majeure partie de l’opération. L’opérateur peut néanmoins modifier sa posture à son envie et soulager ainsi son organisme.

 

Modalité robot : l’opérateur est assis sur le siège tracté et prend ainsi une position genoux pliés à 90° ou plus, dos courbé et bras tendus. Cette posture est contraignante pour l’organisme car elle impose entre autres de courber le dos à plus de 45° durant la majorité du temps. De plus, l’opération est également contraignante pour les membres supérieurs (bras tendus en avant).

 

3 L’effeuillage

Modalité témoin : cette opération est pénible pour les différents segments de l’organisme. Le dos est très sollicité, ainsi que les membres supérieurs. Un genou est en permanence posé au sol. Les membres inférieurs sont donc également très sollicités.

 

Modalité robot : la posture procurée par le siège du robot permet d’éviter d’avoir le genou au sol mais impose de les maintenir pliés à plus de 90°, ce qui rend la position un peu plus confortable pour les membres inférieurs. Néanmoins la pénibilité reste identique à celle de l’opération Témoin pour les autres parties du corps, en particulier pour le dos.

Extraits des fiches techniques réalisées par la Station expérimentale de Bretagne Sud.

Pour en savoir plus

Des fiches comparant les modalités témoin et robot, pour chaque opération culturale, ont été réalisées par la Station expérimentale de Bretagne Sud. Ces fiches sont disponibles sur demande auprès de la SEHBS : sehbs@bretagne.chambagri.fr.

Une vidéo sur la réduction de pénibilité et sur l’utilisation du robot Oz sur la station est disponible sur la chaîne Youtube de la Chambre d’agriculture de Bretagne en cliquant ici.

Entre robotique et cobotique

 

 

 

La pénibilité est également l’un des thèmes d’un nouveau projet débuté en 2018 à la station de Bretagne Sud. Celui-ci, intitulé « Vers plus de durabilité en maraîchage bio », vise entre autres à évaluer des matériels innovants pour réduire la pénibilité des opérations de désherbage manuel, de plantation et de récolte. Ainsi, une conduite « témoin » (se rapprochant le plus possible d’une pratique professionnelle) est comparée avec une conduite « robotisée » avec l’utilisation du robot Oz, déjà en essai à la station depuis 2014, et avec une conduite « assistée » avec l’utilisation de l’enjambeur électrique Toutilo, de Touti’Terre. Toutilo est présenté comme un « cobot » par Touti’Terre, c’est-à-dire une machine conçue pour être utilisée en collaboration avec l’Homme. Une étape essentielle de sa création a été la conception de son siège, réalisée en collaboration avec la MSA. En effet, il devait permettre d’avoir une posture la plus ergonomique possible et pouvoir s’adapter à toutes les tailles et corpulences. Il peut basculer d’une posture assise classique à une position allongée avec soutien du buste et de la tête. L’utilisation du Toutilo donne la possibilité de réaliser plusieurs tâches dans une position ergonomique, comme désherber mécaniquement entre les rangs, porter plusieurs plateaux de plants de légumes et planter au fur et à mesure, ou récolter manuellement et stocker les caisses de récolte. Il ne faut en revanche pas négliger le temps d’installation et de réglage des sièges et tenir compte de sa lenteur de déplacement.

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