Arboriculture
Luc Barbier : « Il faut un socle social commun en Europe, un SMIC européen »
Elu à la présidence de la FNPF en juin dernier après le départ de Bruno Dupont pour Interfel, Luc Barbier fait le point pour fld sur les dossiers de la rentrée. Entretien.
Le premier sujet qui arrive sur la table est celui de l’emploi. La récente augmentation du SMIC pèse lourdement sur les arboriculteurs. « Une augmentation de 2 % du SMIC représente une hausse de 1 % des charges », explique Luc Barbier. Et elle vient à un moment où les allégements de charge décidés par la majorité précédente sont remis en cause. La baisse des charges sur l’emploi permanent (financée par la taxe dite “soda”) « c’est mort et enterré » et la TVA sociale a été supprimée. Seule la baisse des charges sur l’emploi saisonnier (dispositif TODE) semble être préservée.
Luc Barbier a rencontré récemment Stéphane Le Foll : le ministre de l’agriculture « ne remet pas en cause le TODE, qui sera normalement reconduit en 2013 » (lire également l’encadré ci-dessous). Pour le président de la FNPF, il y a chez le ministre « la conscience que nos productions de fruits et légumes sont soumises à une concurrence assez forte, et que cette concurrence est liée à ce problème social. » Cette concurrence existe d’abord entre les Etats membres de l’Union européenne : « L’Allemagne et d’autres pays utilisent l’arme sociale comme arme économique. Plus aucun salarié européen ne devrait percevoir moins de 6 euros nets de l’heure. Si un pays est capable de rentrer dans des critères de convergences pour appartenir à la zone euro, il doit pouvoir aussi se voir imposer la convergence sociale. »
Luc Barbier plaide donc pour « un socle social commun, un SMIC européen. » Mais même si l’on arrive à cette convergence sociale européenne, « il continuera à exister un problème de charges sociales en France. » Et de remettre en cause « l’assiette du financement de la protection sociale. » « Nous défendons toujours la TVA sociale. » Mais, reconnaît-il, « il est difficile de mettre d’accord les partenaires sociaux pour faire évoluer le système. » Autre handicap pour les producteurs français, la législation phytosanitaire au sein de l’Union européenne. Et de citer, entre autres, la cerise. La Turquie utilise des molécules interdites en Europe. Résultat : « On perd des volumes en cerises au sein de l’Union, et les importations turques continuent d’augmenter. La production turque ne cesse de croître, pendant que la nôtre ne cesse de diminuer. »
Le distributeur doit être commerçant et non un banquier
Luc Barbier se félicite que la FNSEA participe à la conférence environnementale, qui va se tenir en fin de semaine à Paris, afin de contrebalancer le poids des écologistes : « L’écologiste est un passéiste qui prend une photo et qui veut que cela reste en l’état, comme au moment de la photo. » Luc Barbier préconise qu’avant de prendre une mesure environnementale, on étudie « l’impact de cette décision sur le plan économique et social. » « Nous avons perdu 20 % du verger français en dix ans. Si on continue ainsi, ça va être vite réglé », poursuit le leader des arboriculteurs. Pour Luc Barbier, il n’y a qu’une voie à prendre : « Redonner sa juste valeur au produit. » Et de prendre l’exemple de la fraise. « La fraise espagnole est achetée entre 0,80 et 1 euro le kilo, pour être revendue entre 1,80 et 2 euros en magasin. L’action commerciale coûte donc 1 euro. La fraise française est achetée 7-8 euros le kilo et revendue 14-15 euros. Qu’est-ce qui justifie cet écart de prix ? Le producteur doit gagner de l’argent. Il faut définir la valeur du produit à la production puis à la consommation. »
Quand on tient les prix, cela fonctionne
D’où une mise en cause de la grande distribution : « Il faut arrêter de raisonner en financier. Le distributeur doit être un vrai commerçant et non pas un banquier. La distribution doit se rendre compte qu’elle va avoir besoin des producteurs. Pour l’instant, elle ne respecte pas le producteur, en tout cas pas assez. » Et d’évoquer le communiqué de presse du groupe Auchan sur la baisse des prix des fruits et légumes (lire page 3) : « Quel scandale ». « Quand il n’y aura plus de production en France, on fera comment ? » « Cet été, les distributeurs ont eu du mal à s’approvisionner en pêches et nectarines françaises », constate-t-il. « Si la distribution continue à nous considérer comme ses vassaux, il n’y aura plus de production en France. » La solution passe notamment par davantage d’organisation pour les producteurs : « Quand on tient les prix, avec une organisation économique efficace et un cadre réglementaire approprié, cela fonctionne ».