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DÉBUT DE CAMPAGNE
Lionel Reynaud, le choix de nouvelles routes

En 2004, en reprenant l'exploitation familiale de Eyragues, Lionel Reynaud a conservé la tradition : la culture de raisins de table sous serre.

Nous sommes dans une zone précoce et ces bénéfices ont été mis à profit par les cultures sous serre froide, indique Lionel Reynaud, producteur à Eyragues dans les Bouches-du-Rhône. Dès le début des années 70, des serres ont été installées, remplacées ultérieurement par des tunnels. Mes parents ont été parmi les premiers à se lancer dans le raisin de table sous serre. L'objectif était de jouer la carte de la précocité pour produire un raisin nouveau. Ceci étant, les choses ont changé. Les raisins précoces viennent maintenant du Maroc ou d'Espagne, leur consommation est devenue annuelle avec l'hémisphère Sud et nous ne bénéficions plus de “l'effet primeur”. Les cours s'en sont ressentis. Par exemple dans les années 1970, le Cardinal était payé 20 F/kg (environ 3 €) et le Muscat près de 50 F (plus de 7 €). Aujourd'hui, nous sommes à 5 € maximum et je considère plus la serre comme une sécurité contre les aléas climatiques, notamment la grêle, qu'un moyen de spéculation. »

Lionel Reynaud continue de produire sous un demihectare de serres. « C'est un travail qui exige de la rigueur et surtout beaucoup de temps, ce qui compte énormément dans les coûts de production, pour l'ouverture et la fermeture des tunnels. La température idéale se situe entre 30 et 35 °C et au-delà la vigne souffre. Ces opérations permettent donc la maîtrise du climat, mais c'est un travail itératif qui m'occupe matin et soir. Ceci étant, la conduite technique sous serre est identique au plein champ, sauf que les vignes ne sont pas montées en lyre. Sous tunnel de 8 m, je produis du Cardinal, du Prima et du Muscat de Hambourg. Globalement, ces variétés réagissent plutôt bien. Pour le raisin blanc, nous n'avons pas de problème de coloration, ce qui est différent pour le Muscat qui est la variété la plus difficile à gérer. Par ailleurs, j'ai constaté qu'un excès de charges ne pardonne pas mais à l'inverse, les rendements sont bons. De plus, à l'abri du vent, les grains montrent une pruine magnifique et l'absence de frottement des grappes avec les feuilles nous met à l'abri du russeting. Cette saison, l'avance est phénoménale sur le plein champ, le raisin ayant subi l'influence de la météo. C'est une opportunité pour le raisin sous serre qui, cette année, n'est pas forcément bien rémunéré et qui doit être impérativement vendu avec l'arrivée du plein champ. »

Cardinal, Prima, Muscat de Hambourg côtoient Chasselas, Dattier de Beyrouth...

Pour l'avenir, Lionel Reynaud s'interroge : « J'ai le matériel pour monter un nouveau tunnel. Mais plusieurs de mes vignes ont plus de 100 ans, et certaines sont à bout. D'où ma décision d'arracher, et de faire entrer de l'arbo, en l'occurrence des abricots et des cerises dans mon assolement. » Sur les 10 ha de plein champ, Lionel Reynaud cultive les mêmes variétés que sous serre auxquelles s'ajoutent le Chasselas, le Dattier de Beyrouth (« très bien valorisé sur le Min de Châteaurenard »), le Centennial et l'Alphonse Lavallée. Mais sa botte secrète, c'est sa collection personnelle “de variétés anciennes” que le pépiniériste a eu du mal à retrouver, ou de variétés mal exploitées. « J'ai planté de la Madeleine angevine, de la Perle de Csaba (un blanc précoce très muscaté à l'origine de nombreux croisements), de la Perlette, de la Reine des vignes, du Muscat d'Alexandrie, du Gros vert apprécié mais quand le client voit son nom sur une étiquette, la variété perd de sa séduction ! C'est un raisin qui faisait de gros volumes dans la région mais qui a décliné avec l'arrivée de l'Italia. C'est aussi un raisin à double fin, d'où l'obligation de droits de plantation. Je termine sur le Servant, le plus tardif. Les anciens le conservaient sur pied puis sur sarment, ce que je fais moi-même, et il fait partie des treize desserts provençaux lors du “Gros souper” de Noël. »

La “botte secrète” de Lionel Reynaud : sa collection personnelle de variétés anciennes.

Lionel Reynaud est un peu contrarié par la destinée de certaines variétés. « J'ai aussi planté un quart d'hectare d'Exalta. Je regrette que cette variété n'ait pas trouvé sa place dans le calendrier de production. La désaffection est surtout venue du fait qu'elle était donnée pour apyrène alors que sous nos latitudes, elle présente de petits pépins. Ceci étant, son arôme muscaté, meilleur que le Muscat, compense son handicap et à Châteaurenard, mes clients en raffolent. Peut-être aussi que le travail de communication pour accompagner son lancement n'a pas été suffisant. Son autre défaut est qu'il s'égrène à maturité optimale. Il faut alors le cueillir et le mettre au froid, raison pour laquelle je suis en train de m'équiper d'une chambre réfrigérée. C'est aussi le cas de Centennial. La filière peine à le vendre alors que le consommateur le réclame. Les filières longues focalisent sur les taches de son épiderme, alors qu'il ne présente aucun risque de pourrissement. C'est un raisin qui mérite d'être tiré par le haut pour atteindre les niveaux de prix du Muscat. Pour terminer, j'ai planté en 2013, une parcelle d'Italia Ruby que je proposerai en vente directe. »

De son passé d'ingénieur, occupé à travailler la cerise sur le Domaine expérimental La Tapy et le raisin de table au Lycée agricole Louis Giraud de Carpentras Serres, Lionel Reynaud a conservé son « engouement pour les marchés de niche » qui correspondent à ses choix variétaux. Sur le plan commercial, il privilégie le choix des circuits courts. « Je n'appartiens à aucune structure organisée. Question de choix. Je travaille beaucoup sur le Min de Châteaurenard avec des petits grossistes, semi-grossistes ou des détaillants, un peu avec des gros expéditeurs, qui privilégient la qualité du produit et la réactivité. En effet, je travaille à 4 km du Min et il m'est facile de répondre à la demande, commande ou réassort. Mon père a travaillé pendant quarante ans sur le Min de Châteaurenard, j'ai pris la relève et ça fonctionne bien. »

De quatre à six variétés sont proposées à la vente directe

L'autre débouché de Lionel Reynaud, c'est la halle “Terres de Provence” installée à Plan de Campagne (cf. fld hebdo du 23 mai 2013). « Je participe trois fois par semaine à cette opération de vente directe depuis 2010. J'y propose quasiment l'ensemble de ma gamme de raisins de table à l'exception de l'Exalta destiné à d'autres circuits. Mon leitmotiv est d'apporter aux citadins un produit beau, bon et sain. En général, les raisins sont coupés le matin, au pire la veille. En principe, le plus gros des ventes se fait après la saison de la pêche. A ce moment-là, je parviens à écouler jusqu'à 600 kg de raisins par jour de vente. Pour convaincre les clients, je propose des barquettes de dégustation, dans lesquelles j'égrène les variétés. Entre la préparation des colis de 2 kg ou des barquettes et le transport, c'est un gros après-midi de travail. Mais c'est là que je me rends compte de la réaction des clients. Comme par exemple leur enthousiasme pour Perle de Csaba. Je propose régulièrement entre quatre et six variétés, dont une pour un prix d'appel, généralement Prima ou Alphonse Lavallée. C'est une excellente expérience. Globalement j'estime que la vente directe à Plan de Campagne me permet d'écouler 10 % de volumes qui constituent 20 % de mon chiffre d'affaires. »

Lionel Reynaud y a d'ailleurs noué des relations amicales. Il n'est pas avare de conseils quand un client sort une feuille de vigne de sa poche pour lui demander son avis d'expert. Et généreux. Il accepte que la communauté arménienne vienne sur l'exploitation cueillir des feuilles de vignes pour les farcir, en attendant le 15 août date à laquelle celle-ci est autorisée, par les autorités religieuses, à (enfin) déguster le raisin.

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