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Les arguments du secteur
L'import français défend sa place dans les rayons

Production française insuffisante, qualité des produits, mais surtout pouvoir proposer des gammes complètes pour le consommateur..., le secteur se défend.

C'est dans un contexte difficile – crises agricoles, demande très forte de mise en avant de l'origine France – que l'import peine à faire entendre sa voix. Stigmatisé, décrié par les politiques et les médias, il est pourtant indispensable à l'approvisionnement de fruits et légumes frais en France. Comme le rappelle Cyril Gornes, directeur général adjoint (en charge de l'export, du marketing, de la coordination et du pilotage des stratégies financières) de Saint-Charles International, la production nationale en fruits et légumes frais destinée au marché intérieur ne couvre pas l'ensemble des besoins des consommateurs français.

Une production française insuffisante

D'après l'étude “Diagramme 2012 de la distribution des fruits et légumes frais hors pomme de terre en France - Le panorama de la filière” réalisée par le CTIFL en 2014, la production française pour le marché du frais s'élève à 6,4 millions de tonnes, dont 1,6 million de tonnes est exporté. L'offre sur le marché français du frais de fruits et légumes français est donc d'environ 4,7 Mt (des pertes de 5 % sont considérées aux différents stades de la distribution), tandis que la consommation nationale est, elle, évaluée à 8,7 millions de tonnes (7,9 Mt par les ménages et 0,8 Mt au niveau de la restauration hors domicile). L'importation – qui amène 3,8 millions de tonnes au marché du frais – permet de compléter les volumes (cf. graphique p. 25).

Environ 62 % des entrées proviennent de l'Union européenne et 38 % des pays tiers. « Avec, comme on peut le constater, une part non négligeable de fruits et légumes introduits, voire importés, qui sont réexpédiés/réexportés, précise Cyril Gornes. Ceci est une des caractéristiques fortes de la plate-forme de Saint-Charles International où près de 45 % des volumes commercialisés sont réexpédiés/réexportés. »

Saint-Charles International est aussi un atout pour la production locale

Cette performance à l'export tend d'ailleurs à s'accroître chaque année. Entre 2006 et 2014, les expéditions/exportations réalisées par les adhérents de Saint-Charles Export ont progressé de 91 % en volume (+ 307 610 tonnes) et de + 75 % en valeur (+ 295 millions d'euros de chiffre d'affaires).

Apport de volumes et flux d'échanges dans les deux sens ne sont pas les seuls arguments de Saint-Charles International. La plate-forme se veut être un atout pour la production roussillonnaise. « On peut préciser que plus de la moitié de la production locale est commercialisée par Saint-Charles International, ajoute Cyril Gornes. Nous sommes un atout indéniable pour la production du Roussillon qui bénéficie de ce fait de l'ensemble des infrastructures commerciales et logistiques de la Plate-forme Multimodale Pyrénées Méditerranée ainsi que de la présence sur la plate-forme des principaux transporteurs routiers spécialisés dans le transport du froid et du frais. »

D'ailleurs, chez nombre d'importateurs/introduc-teurs, la tendance est de se lancer, en parallèle de leurs activités, dans la production française.

L'import des pays tiers est tout autant victime de défiance. Philippe Pons, président de la Chambre syndicale des importateurs français de fruits et légumes frais (CSIF), en avait fait état dans nos colonnes (cf. fld hebdo du 17 juin 2015).

Les importateurs défendent la qualité et l'empreinte écologique de leurs produits

« Importateurs et introducteurs, nos destins se rejoignent un peu car le consommateur ne fait pas la distinction, précise Philippe Pons. Il n'y a pas de différence majeure entre les importateurs et les introducteurs en termes d'image auprès du grand public, alors que nos métiers diffèrent de plus en plus. »

N'en déplaise au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, les produits d'import de pays tiers peuvent présenter un niveau qualitatif et de performance environnementale au moins autant élevés qu'un fruit ou un légume français. Les démarches qualité et les conventions d'autocontrôles sont en constante évolution et de plus en plus strictes.

Côté environnemental, comme Jean-Claude Aurel, ancien délégué général de l'ancienne Fédération française des importateurs de fruits et légumes (FFIFL), administrateur de la CSIF et secrétaire général du Comité de liaison de l'agrumiculture méditerranéenne (Clam), l'avait souligné (cf. fld magazine du 20 janvier 2009, rubrique Premier choix) : « Un jour le consommateur découvrira que la pomme qu'il consomme en mai-juin a huit mois de frigo. Dans ces conditions, la pomme d'hémisphère Sud n'est pas forcément pénalisée sur le plan environnemental. »

Refusant de revenir sur ce débat, Philippe Pons ajoute : « Parmi les produits importés, une part infinitésimale (moins de 2 %) arrive par avion. La majorité est acheminée par bateau porte-conteneurs sur des lignes régulières, les fruits s'ajoutant à la cargaison existante. Avec ou sans nos produits, les bateaux circulent de toute façon. Ainsi cette empreinte carbone partagée est limitée (21 grammes de CO2 par tonne-kilomètre contre 50 grammes pour le transport routier). De plus la durée de stockage en frigos de nos produits est ensuite souvent limitée. »

Les produits de contre-saison ou tropicaux ne se superposent pas à l'offre française

Le principal reproche envers les produits introduits, c'est-à-dire la concurrence qu'ils exercent contre les produits français, ne peut s'appliquer aux produits d'import pur. Si l'on devait caractériser les fruits et légumes importés de pays tiers, on pourrait les classer en deux groupes majoritaires : les tropicaux et exotiques, que l'on ne peut produire en France (exception faite de la banane de Guadeloupe et Martinique), et les produits dits de contre-saison, en provenance d'hémisphère Sud (pommes et poires, fruits à noyau…) que l'on retrouve en France en dehors des périodes de production nationale. Globalement, les flux importés par les adhérents sont peu marqués par une saisonnalité, même s'il existe des pics en décembre en période de fêtes pour les exotiques ou des creux lors des saisons européennes pour certains produits.

« On aura noté l'évolution d'une terminologie : les exotiques sont désormais désignés sous le terme tropicaux, analyse Philippe Pons. Cela a fait sortir ces produits de leur niche pour les intégrer à des gammes générales. L'ananas ou l'avocat en sont de parfaits exemples. Nous souhaitons que ces produits de contrées tropicales ou d'hémisphère Sud aient leur place quand la qualité (organoleptique) est au rendez-vous. »

Le consommateur plébiscite l'avocat, les enseignes l'origine France

La demande est forte pour les tropicaux et les consommateurs sont désormais habitués à voir ces produits dans les rayons et dans leur panier, même pour un consommateur attaché à l'origine France. « Sur certains produits, comme l'avocat et l'ananas, le consommateur ne se pose même plus la question de savoir si le produit a été importé ou non », acquiesce Philippe Pons. Le consommateur serait-il un être bipolaire ?

Alors que le produit d'import a vocation à compléter l'offre pour le consommateur, il est politiquement correct de s'afficher origine France. Et selon le président de la CSIF, les enseignes ne dérogent pas à la règle. « Les importateurs ressentent la pression de l'origine France auprès de leurs clients. Il faut beaucoup d'explications et de pédagogie de notre part pour expliquer le rôle de complément de gamme de nos produits. Nous proposons toujours des produits pertinents. Notre enjeu est de valoriser nos produits, qui viennent de loin : il s'agit d'ajuster au mieux l'offre à la demande, et non d'écouler de larges volumes aux plus bas coûts possibles. »

Pour autant, défendre les produits d'import ne conduit pas à faire une attaque en règle contre la production nationale. « Nous souhaitons accompagner ce mouvement de mise en avant du produit français mais aussi rappeler, sans dénigrer, que notre produit d'import complète l'offre pour répondre aux souhaits exprimés ou non des consommateurs. » Une vision déjà partagée à l'époque par Jean-Claude Aurel : « Si le producteur français vit mal, l'importateur vivra mal. Nous avons besoin d'une relation équilibrée. »

Le point sur… la tomate

Le légume frais le plus consommé, la tomate, n'est pas produit en quantité suffisante en France (578 153 t produites pour une consommation de 881 364 t). Il faut donc introduire ou importer 551 734 t de tomates. Saint-Charles International représente 63 % de ce volume (348 000 t, dont 88 000 t introduites et 260 000 t importées) et réexpédie/réexporte environ 192 000 t. Normal que la plate-forme Saint-Charles veuille défendre sa position. Cyril Gornes, directeur général adjoint de Saint-Charles International, revient sur la question du bilan carbone : « Les importations de tomates se font en très grande majorité en dehors des périodes de production française, d'octobre à avril-mai. Et la production française sur cette période se fait impérativement sous “serres chauffées”. Utiliser le terme “produit de saison” est donc parfois abusif, puisque les tomates importées du Maroc sont elles aussi de saison dans leur pays et leur production (plein champ) fait apparaître un bilan carbone bien plus favorable* qu'une tomate qui serait produite sur cette même période en France sous serre. »

* Selon une étude de l'Institut agronomique méditerranéen de Montpellier (IAMM) dans le cadre du projet Flonudep.

A ne pas oublier...

La France importe, mais elle exporte aussi : 25 % de sa production de fruits et légumes frais. La majorité des échanges français se réalise au sein de l'UE (Espagne, Royaume-Uni, Allemagne et Belgique en premier lieu).

Le point sur… l'avocat : des origines lointaines pour cet incontournable du rayon

L'avocat est désormais un incontournable du rayon fruits et légumes alors qu'il était quasiment inconnu sur nos étals il y a cinquante ans. Le marché français est de plus en plus dynamique et ce produit n'est plus classé dans le rayon exotiques. Parmi les consommateurs européens, les Français sont particulièrement friands d'avocats : ils en consomment plus d'un kilo par personne et par an ! Grâce à la succession des origines, l'avocat peut être commercialisé tout au long de l'année et la consommation est plutôt régulière au cours de l'année. L'Espagne est le seul producteur d'Europe qui fournit le marché français. Parmi les autres grandes origines, citons Israël, le Pérou, le Chili, l'Afrique du Sud, le Kenya, le Mexique. En 2014, la France a importé près de 120 000 t (source : Fruitrop de juillet-août 2015), dont 62 733 t d'import pur et 56 394 t provenant de l'Union européenne. Elle en “réexporte” 20 000 t sur les autres pays européens.

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