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André Moretti, docteur ès tomates à l’Inra d’Avignon
L’homme au chevet des tomates

Urgentiste des tomates, c’est un peu le travail d’André Moretti. Trente-huit ans consacrés à chercher de nouvelles résistances, à combattre tous les pathogènes de la tomate lui valent la reconnaissance de l’Inra. D’une humilité incroyable, il n’en est pas encore revenu.

Assistant ingénieur à l’unité de Génétique et amélioration des fruits et légumes, André Moretti a contribué à la recherche et à la découverte de nouvelles sources de résistance à plusieurs maladies de la tomate. Son lieu de prédilection : au milieu des pieds de tomates, se plaît-il à dire. Quelques mois avant son départ à la retraite, il a reçu les lauriers de l’Inra, une reconnaissance qui couronne l’ensemble de sa carrière. Près de trente ans au chevet des tomates. « C’était inattendu. Quand on m’a annoncé cela, je n’y ai pas cru pendant un certain temps. Je n’ai jamais travaillé pour avoir des reconnaissances ou des distinctions quelconques. Ce qui m’a toujours intéressé c’est de pouvoir apporter une solution à un problème majeur rencontré dans les cultures. Pour moi c’est la plus belle des récompenses ! En plus de la résistance induite, la voie génétique est une solution fiable et respectueuse à la fois pour les consommateurs et pour l’environnement. »
Mais attention, il ne se considère pas comme chercheur. « J’ai été recruté comme agent d’expérimentation pour l’entretien des pépinières et la production de graines de radis et de carottes. Je trouvais beaucoup d’intérêt aux travaux de recherche, cela me passionnait. J’ai cherché à approfondir mes connaissances, grâce, aussi, à la formation professionnelle interne. J’ai progressé et réussi à être au “plus près de la recherche”. Pour sourire, ici on m’appelle le docteur des tomates ! » En premier lieu ce sont ses collègues de l’unité de recherche qui viennent lui demander conseil, mais aussi des particuliers, des cultivateurs professionnels avoisinant le centre. Mais humblement, il ne se considère pas comme un spécialiste « La tomate, depuis mon enfance, je la côtoie. Je suis fils de paysan, aussi, les problèmes des agriculteurs je les connais très bien. Je pense que c’est pour cela que je suis sensible et attentif aux stratégies de protections à mettre en place. »
Entré en 1972 à l’Inra d’Avignon, il fait ses premières armes sur les résistances de la tomate au côté de son premier maître Henri Laterrot, spécialiste des maladies de la tomate. Durant treize ans, il collecte, isole et multiplie les souches de plusieurs pathogènes afin de les utiliser pour des tests de résistance. Et connaît sur le bout des doigts toute la diversité des espèces de tomates, les hybridations en entretenant une collection phénoménale de quelque 200 variétés de tomates.

L’Amérique du Sud, berceau de la tomate et de ses gènes de résistance
C’est cette passion indiscutable pour l’un des légumes les plus consommés au monde qui le conduira d’ailleurs à la réussite d’un croisement génétique fondamental pour l’ensemble de la filière : la découverte d’un gène de résistance aux nématodes grâce à l’utilisation d’une espèce sauvage d’origine péruvienne (Solanum Peruvianum). Un pas de géant pour toute l’agronomie. « Le programme de résistance aux nématodes a été particulièrement intéressant. La difficulté a été d’introduire dans la tomate un nouveau gène issu d’une espèce sauvage reçue d’un Institut Américain. Après de multiples efforts, seule une plante hybride a été obtenue de ce croisement interspécifique très délicat », raconte-t-il. Un croisement qu’il est le seul à avoir obtenu et qui lui a certainement valu cette reconnaissance de l’Inra. Et de rappeler combien les espèces sauvages sont primordiales. « Tous les gènes de résistance que l’on utilise aujourd’hui viennent des espèces sauvages affines à la tomate. Le berceau est l’Amérique du Sud : le Pérou, l’Equateur, le Chili, les Iles Galapagos... Dans ces pays les tomates poussent spontanément du niveau de la mer aux contreforts des Andes, et différentes espèces se sont adaptées à des conditions extrêmes, comme la résistance à la salinité, à la sécheresse ou aux basses températures. » On en trouve paraît-il jusqu’à 3 500 m d’altitude, ce qui donne toute une palette d’espèces aux résistances différentes.
André MorettiPour autant, André Moretti reste modeste : « Il n’est pas évident de pouvoir déterminer une maladie et son origine. Parfois, un pathogène peut être masqué par un autre, et dans ce cas le diagnostic est très difficile. Lorsque le Service régional de la protection des végétaux était basé dans les locaux de l’Inra, nous travaillions en étroite collaboration et leur structure d’accueil permettait de mieux cerner les problèmes phytosanitaires. Actuellement, mes missions ne correspondent pas à ce type de travail. Cependant je réponds, dans la mesure de mes possibilités, aux différentes demandes d’identifications des maladies parasitaires ou non. » Autant dire que sa devise, c’est “On a toujours quelque chose à apprendre”. Car sa spécialité c’est l’amélioration génétique des tomates uniquement. Passionné par la recherche, il l’est sans aucun doute. A l’origine, André Moretti se considérait un peu loin de la recherche et voyait les essais sans toutefois en connaître toujours l’objectif. C’est ce qui lui a donné envie d’aller plus loin.
Son travail, il ne le considère pas comme personnel. L’amélioration génétique tomate n’est valable qu’en prenant aussi en compte la recherche des pathogènes, car l’un ne va pas sans l’autre. « La recherche, je la vois comme une toile d’araignée. Le progrès est souvent le fruit de collaborations avec des chercheurs d’autres instituts ou avec ceux du secteur privé. Beaucoup de travaux développés dans l’Unité ont abouti à la création de géniteurs améliorés ou de variétés originales. Actuellement, la sortie variétale concerne plus particulièrement la recherche fruitière. »

Il se focalise aujourd’hui sur les mécanismes de résistance fondamentaux
A partir des années 2000, André Moretti s’est spécialisé davantage sur les mécanismes de résistance plus fondamentaux, sur une variété modèle, l’Arabidopsis thaliana, et rejoint son deuxième maître de recherche Carole Caranta.
En effet, il y a dix ans, l’Inra avait encore comme fonction de découvrir de nouvelles variétés résistantes qui étaient ensuite mises à la disposition des sélectionneurs. Aujourd’hui, les travaux ont évolué, « l’engagement du secteur privé dans la recherche est de plus en plus important. Leurs laboratoires ont été renforcés dans le domaine de la phytopathologie ou de la biologie moléculaire, ce qui les rend très performants. Parallèlement les travaux conduits à l’Inra ont davantage évolué vers la recherche à long terme ou fondamentale, en utilisant des plantes modèles comme Arabidopsis thaliana. Ces orientations ont permis de comprendre certains mécanismes de résistance ou caractériser de nouveaux allèles de résistance. Le cumul de ces deux thématiques, absolument nécessaire, devrait permettre des progrès au niveau des résistances durables et de la qualité gustative », explique André Moretti. Il a travaillé notamment en étroite collaboration avec Mathilde Cosse sur le goût de la tomate. Les évolutions ont été nombreuses ces dernières années après la découverte du gène longue conservation appelé “Ring”.

Nouvelles variétés, il donne son avis d’expert auprès du CTPS*
D’autres résistances existent aussi directement sur le terrain, André Moretti en profite pour citer une zone située à proximité de Châteaurenard dont les sols présentent une forte résistance à la fusariose. Pour compléter sa carrière, depuis douze à quinze ans, André Moretti multiplie ses fonctions au service de la filière tomate. « Toutes les variétés nouvelles, inscrites au Catalogue Officiel, subissent les contrôles de DHS (distinction, homogénéité, stabilité). Mon rôle d’expert auprès du CTPS consiste à vérifier et à valider l’exactitude des descriptions prescrites par les obtenteurs [en particulier les résistances annoncées, NDLR]) », explique-t-il. Et certains opérateurs de la filière tomate font appel à ses connaissances sur l’un des légumes les plus consommés au monde, notamment dans la mise en place de nouvelles productions à l’étranger.
Et la découverte de nouvelles résistances pour la tomate a également permis de faire évoluer d’autres productions maraîchères. « Du fait de son importance économique au niveau mondial, c’est chez la tomate qu’il y a eu le plus de travaux de recherche. Cela a apporté un progrès chez d’autres espèces. Par exemple, des porte-greffes tomate sont utilisés pour greffer des aubergines contre des maladies telluriques. » Enfin tout simplement, André Moretti rappelle : « Je n’ai jamais ressenti le besoin de travailler sur une autre espèce, j’aime passionnément ce que je fais. Ce que j’ai le plus apprécié durant ma carrière, c’est la confiance que m’ont accordée mes responsables successifs, en particulier Henri Laterrot et Carole Caranta, envers lesquels je suis très reconnaissant. » Une question subsiste, qu’en est-il de la transmission de ce trésor de savoirs ?

* Comité technique permanent pour la sélection.

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