Exportation
L'export n'est plus l'eldorado de la salade provençale
Des opérateurs ont perdu des parts de marché à l'export, mais certains ont su rebondir grâce au marché hexagonal.

Avec environ 75 000 t exportées de salades entières (moyenne 2010-2013 chiffres CTIFL/Douanes françaises), la contribution de la France aux échanges européens est relativement stable mais faible par rapport au 1,2 million de tonnes échangées dans l'UE. Les courants commerciaux s'établissent surtout de décembre à avril, surtout vers l'Allemagne qui reste le premier marché de destination. Des éléments qui devraient profiter à la Provence. Tout au moins sur le papier, car certains opérateurs sont dans l'expectative à l'issue de la campagne hivernale.
Pour JPS, la perte de marché est très nette depuis quelques années
« Le marché à l'export a été très difficile, souligne Jean-Pierre Souchon, dirigeant de la société JPS à Châteaurenard dans les Bouches-du-Rhône, qui commercialise 1,5 million de têtes de salades, entre 95 et 100 % en fonction des années, destiné hors frontières. Sur ces marchés, la salade a toujours bien été rémunérée sauf en 2015-2016, à des prix production parfois inférieurs à ceux du marché intérieur. Ces prix ridicules – nous n'étions pas plus chers que l'Espagne ou l'Italie – ne nous ont pas permis de regagner des parts de marché. Vers les pays de l'Europe du nord, la perte d'intérêt – donc la perte de parts de marché – est très nette depuis quelques années pour les lollos et les feuilles de chêne blondes et rouges, qui sont le fonds de commerce des expéditeurs provençaux. En parallèle, la pression de l'Espagne s'accroît avec une gamme variétale en adaptation permanente aux demandes des différents marchés. Personnellement, je considère que ce sujet est le talon d'Achille de la production française. La gamme n'est pas assez large et n'a pas su se réactualiser. Cependant nous n'avons rien de nouveau à offrir à nos clients. L'autre handicap est la logistique. Il y a quelques années, la proximité nous permettait de livrer A + B. Aujourd'hui, ce service n'est plus une priorité pour nos acheteurs qui cherchent avant tout la massification des envois pour réduire les coûts. A défaut de proposer des camions complets, le marché de la Grande-Bretagne est parti aux opérateurs espagnols. Une remise en question de la stratégie export est nécessaire au risque de voir encore nos parts de marché diminuer. »
Chez Idyl, l'export absorbe 60 % des volumes commercialisés
Chez Idyl, la situation est un peu différente, même si beaucoup d'arguments sont partagés. La société commercialise 7 millions de têtes produites essentiellement dans la zone de Châteaurenard et l'export absorbe jusqu'à 60 % des volumes. « Nous travaillons majoritairement vers l'Allemagne et la Suisse, indique Philippe Puech, gérant de la société. Ce sont des marchés difficiles mais valorisants car nos acheteurs sont capables, généralement, de payer le prix de leurs exigences et de nouer des courants pérennes. Il est vrai également que, pour l'entreprise, ce sont les produits “autres”, notamment la tomate, qui ouvrent le marché de la salade. Vers la Suisse, par exemple, où un camion part tous les jours, les centrales nous demandent souvent de glisser quelques palettes en dépannage. Ce sont des clients fair-play, qui n'ont pas vraiment d'exigences en termes de gamme variétale. Ceci étant, il est vrai que l'offre n'est pas très vaste – lollos, feuilles de chêne et les mélanges –, sans innovation majeure, contrairement à l'Espagne où les opérateurs sont beaucoup plus réactifs. Mais un développement de la gamme n'entre pas dans nos projets. De la même manière, nous ne cherchons pas à ouvrir de nouveaux marchés. Nous évitons même ceux où l'hyperconcurrence mène à la guerre des prix permanente. Pour Idyl aussi, 2015-2016 a été une année compliquée mais il faut l'écarter pour rester sur une stratégie globale. »
Stef'Distribu a gagné des parts de marché en été sur le marché hexagonal
Spécialiste des jeunes pousses (1 300 t), Stéphane Gori, gérant de la société Stef'Distribu à Noves dans les Bouches-du-Rhône, a revu depuis plusieurs années sa stratégie commerciale. « Nous avons perdu tous nos marchés export en raison de la concurrence des producteurs italiens et espagnols, bien moins chers que nous en hiver. L'exemple type est le marché britannique fermé pour nous dans les années 2000 au profit de nos concurrents directs. D'où la décision de repli sur le marché intérieur. Auparavant, l'export constituait 10 % de notre chiffre d'affaires, mais nous ne les avons pas perdus en changeant de positionnement dans le calendrier et notre stratégie commerciale. Outre l'activité hivernale traditionnelle, en recul cette année, nous avons gagné des parts de marché en été alors que le marché est très demandeur. C'est une période où les maraîchers espagnols et italiens ne peuvent plus produire en raison de la chaleur. Par ailleurs, en Europe du nord, les plantations de jeunes pousses se sont développées et l'Allemagne ou encore la Grande-Bretagne et les marchés favorisent ces productions de proximité. Finalement, abandonner l'export a été un mal pour un bien puisque nous continuons à développer nos volumes. Sur le marché intérieur, leur progression a été forte en 2014-2015 et les jeunes poussent ont mieux résisté à la crise hivernale. Il n'y a pas eu de basculement de la consommation et l'activité s'est maintenue. »