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L’Europe doit regarder vers le Sud

Le commerce de l’Union européenne avec la région méditerranéenne est dérisoire : 5 % de son commerce extérieur total, hors Turquie.

Le printemps arabe a tout juste un an. Tour à tour la Tunisie, l’Egypte et la Libye ont changé de régime et se sont dotés – ou tentent de se doter – d’un gouvernement démocratique. Et le Maroc, épargné par les manifestations, a organisé des élections relativement libres. Mais on le sait, ces périodes de transition sont souvent longues et délicates à gérer. Notamment sur le plan économique. Pourtant l’heure est venue de retrouver les routes du commerce entre les deux rives de la Méditerranée mais aussi entre les pays de la rive Sud. Car le commerce de l’Union européenne avec la région méditerranéenne est dérisoire. Si l’on enlève la Turquie, le commerce de l’Europe avec les pays de la rive Sud représente 5 % de son commerce extérieur total. « En se concentrant trop sur les aspects politiques des régimes des pays arabes, l’Europe a perdu de vue les besoins économiques des citoyens de ces nations en éveil », constate Denis MacShane qui fut ministre britannique des Affaires européennes dans le gouvernement de Tony Blair (1). L’Européen du Nord appelle l’Europe du Sud à davantage commercer avec les pays du Maghreb. « Les Etats membres du Sud de l’Europe (.) devraient faire jouer leurs atouts propres comme l’agriculture, la production artisanale, le tourisme, la culture », poursuit-il avant d’ajouter : « La France, l’Espagne et l’Italie ont tous les trois une industrie agroalimentaire compétitive au niveau international. Or, celle-ci pourrait tout à fait incorporer l’exportation agroalimentaire de pays comme la Tunisie et le Maroc dans ses chaînes de production. » « C’est dans un mouvement collectif que les pays méditerranéens élargiront le périmètre de leurs marchés commerciaux », confirme Sébastien Abis (2). Car ajoute l’administrateur du Ciheam : « Pour la majorité des pays méditerranéens, leur dépendance structurelle aux importations extérieures devient géopolitiquement préoccupante dans un contexte mondial où les risques de confrontation alimentaires s’aiguisent. »

La Berd étend ses opérations au pourtour méditerranéen
Une fois le constat fait et partagé, reste à savoir comment agir. Car les pays des deux rives de la Méditerranée ne manquent ni d’idées, ni de projets, mais bien d’actes. Heureusement, les choses commencent à bouger sensiblement. Ainsi la Banque européenne d’investissement a-t-elle organisé, début mars à Tunis, une rencontre consacrée aux PME méditerranéennes avec, parmi les axes de travail, le renforcement de la compétitivité internationale des entreprises. Autre exemple : le 5+5 agricole qui s’est tenu en février à Alger. Le groupe “5+5” rassemble les dix pays des deux rives de la Méditerranée occidentale : Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie, Maroc, France, Espagne, Portugal, Italie et Malte. Parmi les pistes de travail proposées par ce groupe, retenons la mise en place d’un système d’échanges d’information pour le suivi des prix, la création d’une cartographie de l’offre et de la demande afin d’aider au renforcement de la complémentarité des échanges ou encore toute une série de mesures en faveur des petits agriculteurs.
Enfin, le 21 mars dernier, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd) ont annoncé la mise en place de nouveaux projets d’assistance technique d’un montant total estimé à 1,67 M€. La somme peut paraître modeste. Mais l’important est que la Berd, créée en 1991 après la chute du rideau de fer pour soutenir les économies des pays de l’Europe de l’Est, étende désormais ses opérations aux pays du pourtour Sud et Est de la Méditerranée en commençant par la Jordanie, l’Egypte, le Maroc et la Tunisie. « Nous avons constaté l’extrême importance des questions de sécurité alimentaire dans la région, qui est un importateur net de denrées alimentaires. Comme nous le savons, il ne peut y avoir de sécurité alimentaire sans agriculture. Toutefois, l’investissement privé dans le secteur agricole exige des politiques et des cadres réglementaires stables et propices », explique Heike Harmgart, économiste principal à la Berd. Comme le conclut Denis MacShane : « Après 1989, l’Europe a regardé vers l’Est pendant plus de vingt ans, rencontrant un certain succès. Maintenant, l’Europe doit regarder vers le Sud. »

(1) Tribune parue dans Le Figaro du 26 mars 2012
(2) Tribune parue dans Les Echos du 28 mars 2012 (lire aussi notre Premier Choix).

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