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Agroforesterie : l’essor des vergers-maraîchers

Pour des producteurs cherchant à diversifier leurs cultures tout en assurant un bon fonctionnement de leur agroécosystème, les vergers-maraîchers montrent plusieurs atouts.

Sur une même butte, je peux faire six associations de plantes » BENOÎT RIVIÈRE, producteur dans le Lot

Allier production de fruits et production de légumes ! C’est une démarche qui séduit de plus en plus d’hommes et de femmes par ses complémentarités multiples : agronomique, commerciale, temporelle… La redécouverte des vergers-maraîchers est assez récente et ces systèmes restent peu fréquents. Les associations entre arbres et cultures maraîchères étaient pourtant répandues en France jusqu’au milieu du XXème siècle, la culture de légumes entre des arbres fruitiers était même typique du pourtour méditerranéen. Les vergers-maraîchers associent cultures maraîchères et arbres fruitiers, souvent en combinaison avec des arbres et arbustes champêtres. « Il ne faut pas hésiter à densifier les plantations, conseille Benoît Rivière, qui a créé une "oasis agricole" sur son exploitation du Lot. Sur une même butte, je peux faire six associations de plantes ». Les systèmes de vergers-maraîchers présentent de fortes disparités, ce qui rend difficile l’élaboration de références standards. Mais ils sont dans la grande majorité des cas mis en place par des producteurs bio, désireux de diversifier leurs productions et d’optimiser leur espace et leurs ressources. Les bénéfices de l’association légumes-arbres est aussi agronomique. La présence d’espèces variées de végétaux favorise la régulation des bio-agresseurs par les auxiliaires ainsi que la fertilité du sol. Les arbres et arbustes ont un effet tampon en limitant les effets négatifs du vent sur les cultures maraîchères, en rafraîchissant l’atmosphère et en apportant de l’ombre. « Avec les arbres et la plantation d’une vigne en treille, je cherche à refermer mon verger pour créer un micro-climat et ainsi limiter le vent et les écarts de température », raconte Laurent Welsh, installé depuis 2000 en Haute-Garonne, et qui a mis en place des parcelles agroforestières en 2013. Il emploie systématiquement des engrais verts et ne travaille pas le sol. Des pratiques souvent rencontrées dans les vergers-maraîchers.

130 sites recensés dans toute la France

Le projet Casdar Smart, débuté en 2013 et qui s’achève cette année, s’intéresse aux systèmes associant arbres fruitiers et cultures légumières afin de créer des références techniques et économiques. Financé par le ministère de l’Agriculture, il a impliqué plus d’une quinzaine de structures de recherche, d’associations ou de chambres d’agriculture, menées par l’Association française d’agroforesterie (Afaf) et le Groupe de recherche en Agriculture biologique (Grab), porteur du projet. Dès 2013, plus de 130 sites agroforestiers, plantés ou en projet, ont été recensés dans toute la France. Des enquêtes ont suivi pour caractériser chacune des fermes. Puis une quarantaine de sites a été retenue pour acquérir des données agronomiques, techniques et économiques. Les premiers résultats ont été diffusés lors de la journée de restitution Sud-ouest du projet Smart, organisée en juin dernier par l’Afaf et les Bios du Gers, devant plus de 120 personnes. Sur 24 producteurs interrogés ayant un verger-maraîcher sur leur ferme, 15 se déclarent satisfaits de leurs pratiques en agroforesterie, et la majorité recommande à d’autres agriculteurs de se lancer. En revanche, seuls 19 % sont satisfait de leurs revenus. « Mais cela peut être lié au fait que les fermes étudiées sont pour la plupart très récentes », analyse Kévin Morel, chercheur indépendant affilié à l’Inra, qui a participé au projet pendant deux ans. (cf. p 66)

La plupart des installations datent d’après 2010. Du fait de ce caractère récent, beaucoup de producteurs sont encore incertains sur les impacts concrets de l’agroforesterie sur la production agricole. « Les bénéfices sont pour le moment durs à mesurer, confirme Rafaël Moreno, producteur suivi par les Bios du Gers, le groupement des agriculteurs biologiques et biodynamiques du département. Nous sommes au tout début de la production de fruits ».

Mais la plupart des producteurs remarque une augmentation de la biodiversité, confirmée par l’utilisation de protocoles de l’Observatoire agricole de la biodiversité (OAB), adaptés et utilisés sur chacun des sites (voir encadré).

Une complémentarité des pics de travail

Les producteurs en verger maraîcher sont particulièrement demandeurs d’une poursuite du travail de conseil et d’accompagnement réalisé au cours du projet Casdar Smart. « Ils souhaitent des conseils sur la conception des systèmes et la création de références, par des indicateurs qui lient maraîchage et arboriculture, détaille Guillaume Duha, animateur aux Bios du Gers. Le premier besoin concerne l’agronomie pure, et notamment la fertilité des sols ». Concernant la charge du travail, plus de la moitié des exploitants interrogés pensent que la culture conjointe de fruits et légumes permet d’avoir des complémentarités sur les pics de travail, avec par exemple la taille hivernale des arbres au moment d’une période plus calme pour le maraîchage. Cependant, pour une majorité de producteurs, les pics de travail arrivent parfois à la même période. Principalement l’été et au début de l’automne, lorsque la récolte est la plus intense. L’emploi de saisonniers pour la récolte peut alors permettre de conjuguer les différentes activités. Le volume de travail annuel d’un exploitant dans ces fermes est estimé à 2 476 heures en moyenne, « un chiffre classique en maraîchage », souligne Kévin Morel. L’importance du maraîchage dans l’exploitation définit la charge de travail globale, l’activité arboricole n’ayant pas d’impact significatif sur cette charge. La part des fermes avec des arbres jeunes, pas encore en production ou au début de celle-ci, explique en partie cette donnée. Pour les producteurs, le verger-maraîcher constitue, par la diversité de ses productions, une garantie de résilience face aux incertitudes commerciales et climatiques. Une manière, selon le chercheur, de viser la sécurité, plus que la performance.

Les vers de terre à la loupe

Au cours du projet Smart, la biodiversité a été évaluée, notamment par l’estimation de la présence de vers de terre. Le test bêche consiste à extraire des blocs de sol et à les trier pour récupérer les vers, les compter et les identifier. « En moyenne, 400 vers de terre par mètre carré sont relevés sur le rang d’arbres, et 250 dans l’inter-rang, mentionne Aubin Lafon, de l’Agence française d’agroforesterie. Sur le rang, la biomasse est moins importante sans doute en raison du travail du sol. Il y a une grande disparité entre les différents vergers-maraîchers, avec une très faible présence de vers de terre dans les Landes, où la terre y est peu propice, jusqu’à un record de plus de 2 000 vers de terre par mètre carré dans une ferme du Lot ». Selon l’Observatoire participatif des vers de terre, l’abondance de vers de terre est considérée comme élevée entre 300 et 600 individus/m2 et très élevée au-delà. « Mais ces observations sont à étayer et à confirmer », précise Aubin Lafon.

Trois points clés pour concevoir son verger-maraîcher

  1. Le choix des espèces et des variétés

    Les espèces fruitières choisies dépendent de nombreux facteurs comme les objectifs personnels, le contexte pédoclimatique ou le système de commercialisation. La diversification des espèces et variétés d’arbres fruitiers permet d’échelonner les productions dans la saison. Entre les arbres fruitiers, la plantation d’arbres ou d’arbustes variés peut permettre le maintien d’auxiliaires sur la parcelle. Le choix des légumes près des rangées d’arbres doit tenir compte de la capacité de l’espèce et de la variété à se développer à l’ombre.

  2. L’espacement entre les arbres

    L’espace laissé à chaque arbre lors de la plantation doit être suffisant pour leur développement futur. Un inter-rang trop petit peut poser des problèmes de place pour les travaux relatifs au maraîchage. A l’inverse, un espacement entre les rangs trop important limite le bénéfice apporté par les arbres, notamment l’apport d’ombre. Les vergers-maraîchers suivis dans le projet Casdar Smart ont des inter-rangs souvent compris entre 10 et 20 m et un écartement entre deux arbres entre 5 et 10 m.

  3. L’organisation du travailCultiver des fruits et légumes au même endroit réclame une organisation de travail pensée et adaptée. La diversification des productions peut complexifier le fonctionnement de l’exploitation, notamment concernant la gestion des pics de travail. Ceux-ci doivent être bien caractérisés afin de ne pas être débordés par la charge de travail, par exemple lors des récoltes des fruits d’été. Si possible, le recours à une main-d’oeuvre occasionnelle peut permettre d’éviter le surplus de charges à certaines périodes.

Quels avantages à cultiver avec des arbres ?

Denis et Virginie Florès sont installés en agriculture biologique dans le Gard depuis 2011. Ils cultivent des céréales entre des rangées de peupliers, des légumes de plein champ entre des rangées de noyers. Ils constatent plusieurs intérêts à avoir des arbres dans leurs cultures.

1. La biodiversité améliorée permet une baisse de la présence des ravageurs

2. Les arbres protègent contre les aléas climatiques, gel ou sécheresse

3. La consommation en eau est réduite. L’eau remonte par capillarité grâce au système racinaire des arbres.

4. La fertilité du sol est améliorée grâce aux feuilles et racines mortes

5. Les conditions de travail sont plus confortables grâce à l’apport d’ombre

D’après Camille Peyrache, L’Agriculture drômoise

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