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Charente et Charente-Maritime
Les variétés de niche à la croisée des chemins

Le bassin de production charentais s’est spécialisé dans les variétés de niche. Un atout aujourd’hui devenu fragile avec la crise.

En Charente et Charente-Maritime, 400 ha de pommes environ sont cultivés et fournissent entre 15 000 et 16 000 t. Au regard de certaines zones de production qui affichent des surfaces trois fois supérieures, les Charentes font figures de “petits” bassins. Néanmoins elles ont développé une production et un réseau de commercialisation particulier.
Dix-sept arboriculteurs indépendants ont créé le GIE  Charentes-Fruits afin de mutualiser les achats de fournitures, de produits phytos et investi dans la construction de deux sites de stockage d’un potentiel de 4 500 t. Les premières chambres froides ont été créées en 1989. « Une forte cohésion et un certain respect ont toujours existé entre les producteurs, affirme Yohann Aubert, dirigeant du Gaec La Ferme Fruitière, produisant pommes et poires entre Saintes et Rochefort. Les contacts sont fréquents. Quand l’un d’entre nous décide de lancer une variété, nous en parlons. Ce qui ne nous empêche pas de préserver notre indépendance. »
Certains producteurs du GIE se sont associés en 2001 en créant une Sica, la Sarl Charentaise Fruitière, pour commercialiser leurs pommes tout en gardant leurs marques spécifiques. Près de 9 000 t sont vendues par l’intermédiaire de cette structure commerciale. Le potentiel de stockage de la Sica – ajouté à celui du GIE – atteint les 6 400 t. Parmi les membres de la Sica, l’entreprise Tastet, cogérée par Daniel Sauvaître, président de l’ANPP (Association nationale Pommes-Poires), et Philippe Baril, en représente le tiers. « Depuis des années, nous nous investissons dans une politique de qualité en développant des variétés particulières, affirme Philippe Baril. Ainsi, la variété Chantecler ou Belchard comme nous préférons la nommer ici, représente 34 % de la commercialisation de la Charentaise Fruitière. » Cueillette à l’optimum de maturité, conditions de stockage adéquates et emballage spécifique avec étiquette rouge, Tastet joue sur tous les facteurs pour s’assurer d’une certaine qualité. « Notre terroir fait de Belchard une pomme rustique aux lenticelles bien marquées et à la couleur que nous avons l’habitude de décrire comme jaune cognac. Cette variété supporte mal la conservation. Elle se déshydrate facilement. Notre savoir- faire nous permet de la conserver correctement pratiquement un an. » Ces objectifs ont un coût, la raison pour laquelle les arboriculteurs ne veulent pas banaliser ce produit. « Nous essayons de vendre au juste prix. Il est vrai que la dernière campagne a été difficile même pour des variétés comme Belchard, Rubinette et Goldrush. » Au final, cette politique de qualité est-elle payante ? Philipe Baril opine : « Elle nous permet d’être encore là. Nous avons la volonté de continuer, de renouveler nos variétés et d’entretenir notre réseau commercial. »

Des réseaux commerciaux diversifiés
La Sarl Daudet Fruits, qui commercialise 8 000 t de pommes et qui, par le passé, était membres de l’OP Vendée Gâtine, n’adhère ni au GIE ni à la Sica. Mais elle adopte la même politique de qualité que ses collègues. « Belchard représente 15 % de nos tonnages, affirme Vincent Perochain, le directeur commercial. Nous produisons aussi Rubinette et Goldrush. L’ensachage s’effectue à la main pour un meilleur contrôle des fruits et nous avons adopté le système Smartfresh pour la conservation. » Pour assurer son potentiel de commercialisation, quelques achats par contrats sont effectués chez des collègues du Grand Ouest. « Mais cette année, l’opération sera réduite au minimum. Il est difficile d’anticiper la situation du marché dans les mois à venir. Nous ne voulons pas participer à une éventuelle spéculation avec les produits de nos fournisseurs. »
En revanche, et c’est là sans doute que réside la clé du maintien à ce niveau de la production dans la région. « Nous avons un réseau commercial différent et complémentaire de celui de la Charentaise Fruitière, tout en ayant la même démarche pour la politique des prix », précise Vincent Perochain. Quand la Charentaise Fruitière distribue ses fruits aux grossistes de Rungis en passant par la vallée du Rhône et la région de Bordeaux, Daudet Fruits approvisionne les centrales d’achats de la grande distribution et le circuit hors de France. « Nous distribuons indirectement 60 % de notre production à l’exportation », souligne le directeur commercial de Daudet Fruits. L’entreprise est en cours de certification GlobalGap. « Jusqu’à présent, nous adhérions seulement à la démarche PFI. Chaque année, nous sommes soumis à des contrôles exigés par nos clients qui distribuent à l’exportation et leurs contrôleurs viennent vérifier le bon déroulement des opérations à chaque départ de livraison. »
Situés dans une région très touristique, tous les producteurs pratiquent à plus ou moins grande échelle de la vente directe. L’entreprise Tastet effectue vingt-sept marchés par semaine sans compter la commercialisation dans son magasin de détail de Reignac où le consommateur peut s’achalander essentiellement en pommes et autres fruits, produits dérivés de la pomme et quelques légumes. La Ferme Fruitière – qui cultive 18 ha de pommes–  réalise 30 % de son chiffre d’affaires en vente directe. Or durant l’été, les consommateurs trouvent toujours la porte close de son magasin basé à Romegoux en Charente-Maritime. « Cela peut paraître surprenant, avoue Yohann Aubert. Cependant durant cette période, petits producteurs et commerçants vendent des fruits sur le bord des routes. Nous pourrions très bien le faire mais nous ne voulons pas casser cette dynamique régionale. » Cette démarche est loin d’être isolée dans le secteur. Vincent Perochain et Philipe Baril sont sur la même longueur d’onde : « Chaque producteur a sa place et son réseau commercial. Nous refusons l’agression régionale et le principe de nous faire la guerre. »

Pas d’arrachage de pommiers
Yohann Aubert a développé la vente directe il y a six ans quand le partenariat privilégié avec un magasin Carrefour à La Rochelle s’est arrêté. « Je mettais en rayon la douzaine de variétés que je produisais dans le cadre de la démarche Qualité Carrefour et le gérais. Mais pour des raisons de législation du travail et de politique de la chaîne, cette collaboration s’est arrêtée. A l’époque, je livrais 1,4 t de pommes par jour dix mois sur douze avec vingt et une références. Comme mes collègues, je mise sur les variétés de niche et j’avais réussi à développer la variété allemande Pinova encore appelée Corail. J’en fournissais davantage que la variété Gala. » L’arboriculteur ne regrette pas cette collaboration “extraordinaire” qui lui a permis de se développer. « Je pense que nous sommes arrivés à des années charnières. Nous avons anticipé la crise en misant sur la vente directe et de proximité. Je continue à fournir des magasins locaux de la grande distribution. Mais les variétés de niche le sont de moins en moins. A-t-on intérêt à les garder ? » A 46 ans, Yohann Aubert fourmille de projets. « La décision n’est pas encore définitivement arrêtée mais je souhaite diversifier ma production. Produire des légumes me permettrait d’achalander mon magasin. J’ai déjà planté des vignes pour le raisin de table. » Une démarche peu courante dans la région.
Proximité, politique de qualité et de service, entretien de réseau commerciaux spécifiques, les producteurs des deux Charentes ont la volonté de poursuivre leur développement. A remarquer qu’aucun arrachage de pommiers n’a été effectué dans le secteur contrairement à d’autres bassins de production.

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