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Les syndicats montrent les dents

La filière profite des Etats généraux de l’alimentation pour faire avancer ses propositions en mettant en avant ses spécificités. Objectif ? Retrouver de la valeur et regagner en compétitivité tout en répondant aux demandes sociétales.

Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a du pain sur la planche. « Y a du boulot ! » remarquait avant les élections Adrien Bled, endivier à Amiens, en déplorant l’effritement continu de la puissance agricole française. L’attente est forte dans cette période de grand désarroi du monde paysan. « Les paysans sont en droit d’exiger une rémunération méritée de leur travail par des prix rémunérateurs », a réagi le Modef dès la nomination du nouveau ministre de l’Agriculture. « Pour être pérennes, les exploitations de fruits et légumes doivent être rentables. Pour cela, il faut un prix rémunérateur », a insisté la Coordination rurale. L’ensemble des syndicats prépare donc l’avenir et peaufine ses propositions en vue des prochaines assises de l’alimentation consacrées à « la création et la répartition de la valeur dans les filières ». Les agriculteurs français espèrent « un projet agricole solide et ambitieux qui redonne du souffle à l’agriculture et impulse une nouvelle dynamique ». « Il faut saisir l’opportunité du renouveau politique actuel », analyse d’ailleurs Bruno Dupont. En regroupant 14 familles, le président d’Interfel précise qu’« il a la légitimité nécessaire pour parler au nom de toute la filière ». « Il faut profiter des vents favorables qui poussent le secteur végétal tout comme l’origine France », analyse de son côté Jacques Rouchaussé, président de Légumes de France. « Et pourquoi les salades 4ème gamme ne pourraient-elles pas avoir obligation d’indiquer leurs origines à l’image de ce qu’a obtenu la filière viande ? » interroge à ce propos Bruno Vila, secrétaire général de Légumes de France, en déplorant que l’on perde souvent la trace des produits français dès la mise en sachet. Interrogés, tous les responsables sont unanimes : « Il faut mettre fin à cinq années d’immobilisme ! ». Et aller de l’avant.

La GMS arrive à détourner la loi de modernisation de l’économie

Les dossiers ne manquent pas : comment faire face aux risques climatiques, aller à la reconquête de parts de marché perdues par manque de compétitivité, stopper et simplifier d’urgence l’avalanche de normes qui s’accumulent, relancer les investissements, rétablir une saine concurrence en Europe tant sur le plan de l’utilisation des produits phytosanitaires que des coûts salariaux, rééquilibrer les relations entre l’aval et l’amont ? Sans parler d’une clarification attendue avec beaucoup d’impatience entre PAC et droit de la concurrence.

« Il s’agit avant tout de redonner de la valeur à nos produits », insistent Luc Barbier, président de la FNPF, et Bruno Vila. Pour ce dernier, les rapports avec la grande et moyenne distribution (GMS) doivent évoluer. « On veut avoir des relations commerciales saines qui soient réglementées par une négociation équitable, explique-t-il. Il faut arrêter de nous mettre des contraintes supplémentaires supportées uniquement par les producteurs sans aucun retour (Globalgap, emballages, logistique, double palettisation…) ». Les rabais-remises-ristournes (les 3R) ne sont plus tolérés par la loi de modernisation de l’économie (LME) : qu’à cela ne tienne, la GMS a mis en place des contrats de coopération commerciale ! « C’est une façon de détourner la LME », constate Bruno Vila. Se voir imposer sa logistique par la distribution n’est pas acceptable : « On veut avoir le libre choix de livraison de nos clients et non pas se le faire imposer par la GMS », insiste-t-il en évoquant le "franco-dirigé".

Une réforme totale des passeports phytosanitaires

Selon Luc Barbier, la filière fruits et légumes-pommes de terre pèse 20 % de la ferme France. « On devrait pouvoir être destinataire d’un milliard d’euros sur les cinq annoncés par Emmanuel Macron dans son plan d’investissements pluriannuel ». Pour retrouver de la compétitivité, il s’agit avant tout d’éliminer les distorsions de concurrence de toutes sortes et de soulager le coût du travail (exonération et réduction de charges, simplification du compte pénibilité…). « Les services publics nous transfèrent de plus en plus de tâches qui nous handicapent au quotidien », fait remarquer Bruno Vila qui plaide pour « une simplification administrative et réglementaire qui permettrait aux producteurs de se concentrer sur leur production et la valorisation de leurs produits ». Mais il s’agit aussi de poursuivre, voire relancer les investissements de modernisation des exploitations, tant serristes que productions de plein champ.

Un projet agricole solide et ambitieux qui donne du souffle à l’agriculture »

BRUNO DUPONT, président d’Interfel

« On devrait pouvoir continuer les programmes décidés dans le cadre du programme d’investissement d’avenir (PIA). Une grosse dynamique a été enclenchée, qui a permis de renouveler une bonne partie du parc de serres en France ; il faut poursuivre », souligne Bruno Vila plaidant également pour le maintien du dispositif des certificats d’économie d’énergie. Côté fruits, les priorités de la FNPF vont à la rénovation du verger et aux nouvelles plantations. « Afin que toute plantation nouvelle ne déstabilise pas le marché, il faudra qu’elle corresponde à un débouché à l’aval », prévient Luc Barbier citant également les priorités à donner à l’irrigation, la conservation… sans oublier la qualité sanitaire du matériel végétal. Pour la Coordination rurale, il faut « une réforme complète et totale des passeports phytosanitaires européens et des certificats des pays-tiers ». « Les enveloppes doivent surtout aller aux investissements collectifs dans un cadre local (outils de production et de transformation) », estime de son côté Cécile Muret. La nouvelle secrétaire nationale de la Confédération paysanne estime en outre que « les prochains plans d’investissement devront financer la transition vers des systèmes plus durables ». « La tâche est immense. Il va falloir accompagner les agriculteurs pour que ce secteur innove et que le modèle agricole monte en gamme », a déclaré le Manchois Stéphane Travert le jour de sa nomination. A Interfel, on espère que « la recette n’est pas déjà écrite avant même d’en avoir fourni les ingrédients ».

EN CHIFFRES

La filière française

Légumes

20000 exploitations légumières

80000 emplois (UTA)

3,4 M ds€ de chiffre d’affaires

Fruits

2,6M tonnes par an

12 700 exploitations spécialisées en arboriculture

3M ds€ de chiffre d’affaires

220 000 emplois dont 2/3 de saisonniers.

Les propositions

Rééquilibrer le coût du travail

Le rééquilibrage du coût du travail passe par le maintien des allégements de charges patronales, la poursuite du Cice, mais aussi par une remise en cause de l’illégalité de l’emploi des travailleurs détachés. En outre, il passe également par la flexibilité en matière de réglementation sociale. « Si on prend le compte pénibilité, c’est 1,7 % de charges patronales en plus », estime Jacques Rouchaussé. Pour lui, « si on est classé dans les métiers difficiles, que l’Etat prenne ses responsabilités, mais ce n’est pas aux patrons de financer ».

PAC et concurrence

Comment faire primer le droit agricole sur le droit de la concurrence ? Pourra-t-on un jour parler de volumes et de prix au sein des interprofessions ? Peut-être. Selon le sénateur Jean Bizet, « les négociations de la PAC 2020 sont une fenêtre d’opportunité à saisir avec comme première étape le règlement omnibus qui vise à renforcer le rôle des OP et AOP ». « Ça va être compliqué, ça prendra du temps et surtout on devra sûrement s’appuyer sur un Parlement européen avec un nouvel état d’esprit dont le renouvellement est prévu en 2019 », estime Bruno Dupont.

Système assurantiel

Il faut une réforme du système assurantiel, distinguant assurances récolte du volet « dotation pour aléas ». « On ne doit pas rendre responsables les paysans des yoyos du marché », insiste Cécile Muret de la Conf’. Légumes de France propose une DPA proportionnelle à l’activité de chaque exploitation afin d’épargner fiscalement en mettant en réserve une partie des résultats financiers obtenus les bonnes années. A cela s’ajoute la réflexion sur l’assurance-revenu qui « pourrait venir se substituer au système d’aides directes à l’hectare », selon Bruno Vila.

L’harmonisation européenne urgente des phytos

« Que l’on se saisisse de la question des phytos, avec des objectifs rationnels, légitimes et argumentés sans qu’ils ne soient portés par l’émotion et le dogme », analyse Daniel Sauvaitre, président de l’AOP pommes poires. « Il faut aider les paysans à sortir de cette dépendance », estime de son côté Cécile Muret, Confédération paysanne. Selon Cyril Pogu, de Légumes de France, « l’harmonisation des législations phytosanitaires européennes constitue le challenge de demain ». Ce dernier plaide pour revoir « le système de zones nord/sud » défini en Europe. « Pour les usages mineurs, il ne devrait y avoir qu’une seule zone, ajoute-t-il. Pour un dossier d’homologation, il faut six à huit essais résidus par zone. Comme la France comporte deux zones, on double automatiquement le nombre d’analyses ! » Ce qui explique pourquoi les firmes sont peu enclines à déposer de nouvelles AMM pour les usages mineurs. En ce qui concerne la reconnaissance mutuelle, « on ne devrait pas être obligé de reprendre le travail d’homologation dans un autre Etat membre dans le cadre d’une demande d’une nouvelle AMM ! ». « Il faut qu’une partie de l’enveloppe des 5 Mds€ permette de pallier les lacunes en matière de protection des cultures en accroissant notamment les moyens donnés à la recherche », souligne Légumes de France.

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