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Les producteurs britanniques dans l’après-Brexit

Deux ans se sont écoulés depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. En plus du Brexit, les agriculteurs britanniques doivent faire face à la pandémie, à une crise de la chaîne d’approvisionnement mondiale et à la flambée des prix de l’énergie et autres intrants agricoles.

Avant le Brexit, les agriculteurs britanniques redoutaient la survenue d’une pénurie de main-d’œuvre, qui affecterait non seulement la récolte mais aussi la capacité de production. En 2021, les producteurs de fruits rouges, entre autres, affirment en effet avoir du mal à répondre à leurs besoins de recrutement. Ali Capper, présidente du Comité Horticulture et pomme de terre de la National farmers union (NFU), principal syndicat agricole britannique, a déclaré en octobre 2021 qu’il avait manqué 34 % de travailleurs saisonniers en juillet dans les exploitations de fruits et légumes. « Nous n’avons jamais connu un tel manque. C’est une vraie crise », a-t-elle alerté.

En réaction, le gouvernement britannique a affirmé en décembre 2021 qu’il prolongerait son programme de visas de travailleurs saisonniers jusqu’à la fin 2024. Avec ce programme, 30 000 travailleurs étrangers (jusqu’à 40 000 si nécessaire) peuvent venir au Royaume-Uni pendant six mois maximum pour les récoltes. Cependant, le nombre de visas commencera à diminuer à partir de 2023. De plus, le gouvernement a demandé au secteur de préparer un plan pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la main-d’œuvre étrangère et d’améliorer les salaires et les conditions de travail. La NFU a salué les mesures prises pour 2022. Mais selon le syndicat, le besoin de main-d’œuvre en 2022 pourrait être de 55 000 travailleurs saisonniers. « Nous continuerons à surveiller la situation de près, car les pénuries de main-d’œuvre sont très fréquentes à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement alimentaire », a prévenu le vice-président de la NFU, Tom Bradshaw.

Le prix des intrants agricoles flambe

Les prix et l’inflation sans précédent préoccupent également les agriculteurs britanniques depuis le Brexit. Outre la flambée des coûts énergétiques, l’association des producteurs de pommes et poires British Apples and Pears a indiqué en 2021 que les prix du carton avaient augmenté de 25 à 30 %, les coûts de transport de 10 à 12 % et ceux des emballages d’au moins 10 %. Mais toutes ces hausses de coûts ne sont pas à mettre sur le compte du Brexit. Dans le cas des engrais, en particulier ceux à base d’azote, les prix mondiaux du gaz sont un facteur majeur d’inflation.

Selon la Confédération des industries agricoles (AIC), presque tous ses membres fournisseurs d’intrants (notamment alimentation animale, engrais et produits phytosanitaires) étaient confrontés en août 2021 à des problèmes d’approvisionnement. Ces difficultés sont dues à de multiples facteurs : l’accord commercial UE-Royaume-Uni et son interprétation par les Etats membres de l’UE, la réticence des transporteurs et coursiers à transporter des marchandises, l’impact du Covid-19 et la disponibilité mondiale des produits.

Les données les plus récentes du Département britannique de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales (Defra) montrent que l’indice des prix des intrants agricoles a augmenté de 14,4 % entre octobre 2020 et octobre 2021, avec des prix plus élevés signalés pour toutes les principales catégories d’intrants. Les engrais et amendements étaient la principale cause de cette inflation, mais l’énergie en était également un facteur important. En ce qui concerne les prix producteurs des produits agricoles, le Defra a signalé qu’ils avaient augmenté de 6,4 % entre octobre 2020 et octobre 2021. Mais cette hausse est portée principalement par les élevages bovins, tandis que les prix des fruits et légumes frais suivent au contraire une tendance à la baisse.

Nouveau système d’aides et accords commerciaux

Pour la plupart des secteurs agricoles, le principal moteur de l’évolution des revenus au Royaume-Uni avant le Brexit était le niveau des aides publiques disponibles, notamment les aides européennes. Cependant, selon les recherches publiées par la NFU, ce n’est pas le cas pour le secteur des fruits et légumes. Pour les maraîchers, par exemple, une faible part de leurs revenus était des aides directes. L’est de l’Angleterre, où sont situées la moitié des exploitations de fruits et légumes du Royaume-Uni, devrait être peu touché par la réduction des paiements directs due au Brexit. Néanmoins, les agriculteurs britanniques n’ayant plus droit aux aides de la PAC (4 milliards de livres par an), ils attendent avec impatience plus de détails sur le nouveau système d’aides du gouvernement britannique.

Ce dernier repose sur trois schémas de gestion environnementale des terres. Le Sustainable farming incentive (SFI, Incitation à l’agriculture durable) permettra de rémunérer les agriculteurs pour des services écosystémiques comme la contribution à la qualité de l’eau, à la biodiversité, à la santé, au bien-être des animaux et à l’atténuation du changement climatique. Le dispositif Local Nature Recovery les rémunérera pour des actions locales en faveur de la nature ; et le programme de restauration du paysage soutiendra des changements plus radicaux dans l’affectation des terres et la restauration des habitats naturels.

Depuis le Brexit, le Royaume-Uni a négocié des accords commerciaux avec plus de 60 pays, sur le modèle des accords en vigueur lorsqu’il était membre de l’UE. Le Royaume-Uni a ainsi signé un accord de libre-échange avec le Japon en octobre 2020 et a conclu un accord de principe avec la Nouvelle-Zélande en octobre 2021. Le premier accord de libre-échange qu’il a négocié à partir de zéro depuis son départ de l’UE a été signé avec l’Australie en décembre 2021. Ces deux derniers accords ont provoqué des inquiétudes dans le secteur agricole. Selon la NFU, l’accord avec l’Australie « profite très peu aux agriculteurs britanniques ». Mais la plupart des problèmes concernent la viande et les produits laitiers. D’autres accords sont en préparation.

En chiffres

61 % d’autonomie alimentaire

120 millions de livres générés par les secteurs agricole et agroalimentaire

4 millions de personnes travaillent dans l’agriculture et l’agroalimentaire

41 milliards d’euros de produits agricoles importés d’UE en 2019

Comment le Brexit affecte l’agriculture britannique

 

« Les pénuries de main-d'œuvre sont très fréquentes à tous les niveaux de la chaîne d'approvisionnement alimentaire », a déclaré Tom Bradshaw, vice-président de la NFU, principal syndicat agricole britannique. © NFU
Plus de formalités administratives pour l’exportation vers l’UE, avec des imprévus qui retardent davantage l’expédition et rendent difficile la conservation des produits frais. Dans certains cas, la paperasserie et les retards d’approbation ont provoqué la perte d’une journée entière de stocks de produits agricoles.

Des pénuries de main-d’œuvre. La baisse massive du nombre de travailleurs immigrés et les difficultés à attirer des travailleurs locaux sont désormais une préoccupation majeure pour les agriculteurs, qui sont en sous-effectif et surchargés de travail.

Des coûts plus élevés de la chaîne d’approvisionnement, dus aux nouveaux protocoles bureaucratiques et de contrôle de la qualité. Par conséquent, les produits britanniques connaissent une hausse des prix qui les rendent moins compétitifs dans l’UE.

Source : Article « L’impact précoce du Brexit sur l’agriculture britannique » (Rebekah Shields, Agricultural recruitment specialists)

Une augmentation des revenus agricoles ?

Le revenu moyen des entreprises agricoles en Angleterre a augmenté entre les périodes mars 2019 – février 2020 et mars 2020 – février 2021. Et ce, pour tous les types d’exploitations, à l’exception des grandes cultures (qui incluent les pommes de terre et les légumes et fraises en plein champ) et de l’élevage de volaille. Selon un rapport du Département britannique de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales (Defra) de novembre dernier, la moyenne des revenus des exploitations de grandes cultures a chuté de 21 % en glissement annuel pour atteindre 66 900 £.

L'année 2020 très atypique a été marquée par une augmentation du revenu moyen agricole. © Defra

Pour l’horticulture, qui comprend les légumes sous serre, les fruits rouges, l’arboriculture et les champignons, le revenu moyen a augmenté de 25 % pour atteindre 52 900 £. La baisse de 18 % de la production horticole a été plus que compensée par une baisse importante des coûts. Cependant, l’année 2020 a été très atypique, avec notamment la pandémie de Covid-19, des conditions météorologiques difficiles (hiver très humide et printemps très sec) et la fin de la période de transition de sortie de l’UE. Et contrairement à d’autres secteurs agricoles plus homogènes, les exploitations de grandes cultures et de cultures spécialisées représentent une grande diversité d’activités et de revenus, qui n’apparaît pas dans la moyenne.

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