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Les prémices d’une serriculture

Les laissés pour compte de l’agriculture biélorusse sont les moteurs de la production de légumes du pays. Une production qui se modernise grâce à l’inventivité de ces maraîchers.

Faute d’accès à du foncier, les petits producteurs biélorusses ou LPKh intensifient fortement leur production.

La spécialité du district de Stolin, en Biélorussie, est le concombre. Il se cultive sous une multitude de petits abris à ossature bois recouverts de films plastique, faisant presque corps avec la maison d’habitation. On les trouve jusqu’au coeur des villages. Une densité qui contraste avec les grandes étendues inhabitées. Ces serres rustiques sont le domaine des LPKh : Litchnoye Podsobnoye Khoziaystvo. Une expression inventée du temps de l’Union soviétique pour les jardins des kolkhoziens et qui signifie « l’exploitation personnelle complémentaire ». Elle désigne maintenant les agriculteurs qui les cultivent. Ni employés par la quinzaine de kolkhozes du district qui mobilise l’essentiel des terres arables, ni fermiers, faute d’atteindre la surface minimum pour avoir ce statut, ils sont considérés comme des chômeurs par les autorités. En réalité, ce sont des exploitants individuels à titre principal, propriétaires de ces petites surfaces qu’ils cultivent. Ces soi-disant chômeurs ont d’ailleurs fait reculer le pouvoir en mars dernier, qui a dû abandonner l’idée de les taxer pour leur inactivité. Du fait de ce foncier restreint, ces producteurs intensifient fortement. C’est pourquoi la majorité des LPKh s’est orientée vers le maraîchage. Poussée par le goût de l’effort, un esprit d’entreprise, un appétit d’innovation peu communs et par la nécessité d’augmenter leurs revenus, la moitié d’entre eux a construit des serres.

Des serres chauffées au bois par des poêles au milieu des cultures

Ces 5 000 producteurs sont tous désireux de profiter d’un réel avantage comparatif : un plus grand nombre d’heures d’ensoleillement qu’en Russie. La très grande majorité des abris de la région de Stolin est de fabrication locale avec charpente en bois de forêt, équarrie sommairement, et toiture à deux pans de faible pente. Les dimensions sont souvent fonction de celles des terrains sur lesquels ils sont implantés : entre dix et quinze mètres de large sur cinquante de long. Equipés de volets au faîtage, qui représentent à peu près 10 % de la surface de la toiture, ils sont chauffés au bois par des poêles répartis au milieu des cultures. Il s’agit essentiellement d’un chauffage d’ambiance. Mais quelques producteurs ont installé un système par circulation d’eau chaude sous les racines des plantes. L’eau d’irrigation est également chauffée par l’installation d’un foyer à bois sous la cuve de stockage de l’eau. Le bois ne manque pas en Biélorussie. C’est une des trois richesses qui marquent le paysage rural biélorusse avec les grandes cultures et les marécages.

Des abris métalliques plus performants : les « carcasses »

De par la faible pente des toits et les cumuls de neige rencontrés dans la région, il est impossible de garder pendant les quatre à cinq mois d’hiver le plastique qui recouvre les abris. Aussi, les producteurs utilisent un film plastique relativement fin (80 µm d’épaisseur) qu’ils renouvellent après chaque saison. Aux yeux de beaucoup de maraîchers, ces abris rustiques ont deux inconvénients majeurs : une durée de vie courte, entre cinq et dix ans, et un manque de luminosité particulièrement pénalisant pour les cultures précoces. Aussi, les réflexions s’orientent vers des abris métalliques plus performants, appelés ici « carcasses ». Mais les frais de transport et de dédouanement dissuadent l’import et les constructeurs nationaux sont frileux. Trois LPKh se sont donc lancés dans l’auto construction : un ancien pilote kazakh, un camionneur et surtout Vassili Chinikailo (cf. ci-dessus). Cette évolution des structures de production se fait avec l’appui du RDC, le Rural development center, accompagné par Fert. Cette agri-agence française de coopération internationale est présente en Biélorussie depuis 2003 dans le cadre d’un projet de coopération pour la réhabilitation des territoires contaminés par l’accident de Tchernobyl. Ni bureau d’étude, ni organisation paysanne, le RDC est une structure professionnelle indépendante unique. Elle est principalement au service des LPKh, avec comme objectif premier l’augmentation de leurs revenus. Elle prend par exemple en charge les coûts de la structure des abris métalliques, hors plastique. Elle a joué un rôle majeur dans la diversification des productions des LPKh, par des essais sur des espèces inhabituelles dans la région, sur les calendriers de production ou dans la recherche de nouveaux marchés à l’export vers l’Union européenne. Ainsi, tomates, poivrons et même myrtilles, culture adaptée à ces sols acides, font leur apparition sous les abris bâchés. La statue de concombre érigée dans un village à la gloire de ce légume témoignera bientôt d’une époque passée. La diversification est en marche...

Une diversification, des débouchés

La Russie n’est pas un pays étranger pour une grande majorité des Biélorusses. Le russe est la langue officielle au même titre que le biélorusse. Et il n’existe pas de droit de douane entre les deux pays. Les ventes sur les marchés de Moscou ou Saint-Pétersbourg ne sont donc pas considérées comme des exportations. Mais si les relations avec la Russie restent très fortes, notamment dans le domaine économique, les difficultés de l’économie russe qui ont conduit à la dévaluation du rouble russe ont incité les producteurs biélorusses à diversifier productions et marchés. Moscou et Saint-Pétersbourg ne sont donc plus les seuls marchés extérieurs visés. Les pays de l’Est de l’Union européenne sont souvent cités, la Pologne en tête ainsi que les pays baltes. Récemment, la République tchèque a fait son apparition sur le marché de gros local. Mais aussi la Moldavie et l’Ukraine.

EN CHIFFRES

La production agricole biélorusse

75 % par les kolkhozes.

25 % par les LPKh.

Environ 70 % des légumes et des pommes de terre seraient produits par les LPKh.

Plus de 10 000 producteurs privés (LPKh).

150 000 à 170 000 tonnes de légumes y sont produites en moyenne par an

La surface moyenne par LPKh est de 0,3/0,7 ha.

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