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Expérimentation
Les innovations de la station de la Morinière

La station de la Morinière, basée à Saint Epain en Indre-et-Loire, a l’originalité d’être gérée par des arboriculteurs du Val de Loire, ce qui la rend très réactive sur le plan expérimental.

Dernière semaine d’avril, les pommiers défleurissent à la station expérimentale de la Morinière de Saint Epain qui fête ses trente ans. Comme dans de nombreuses exploitations arboricoles, l’équipe de salariés déploie les filets paragrêles au-dessus des arbres pour parer aux éventuelles pluies de grêle fréquentes en cette période. Société civile détenue très majoritairement par IDfel, la nouvelle structure qui s’est substituée au Comité économique agricole fruits et légumes du Val de Loire (CEAFL) en 2009, la Morinière a été créée par les arboriculteurs du Val de Loire en 1980, rejoints très rapidement par ceux du Comité Nord France.
Pour accroître encore cette réactivité, le Conseil de gérance vient de constituer un groupe de cinq “producteurs référents”, véritable relais opérationnel des producteurs vis-à-vis de la direction de la station.
Sa gérance et la direction administrative et financière sont assurées désormais par IDfel avec Hugues Decrombecque comme directeur. Un conseil de gérance, où sont impliqués les professionnels désignés en assemblée générale, se réunit deux fois par an pour décider des orientations expérimentales à prendre.
La nouvelle réforme de l’organisation des fruits et légumes qui a abouti à la création d’IDfel l’an dernier aurait pu déstabiliser cet outil de recherche unique en France. D’un montant de 1,4 million d’euros, son budget provient pour moitié de subventions publiques régionales (Centre, Pays de la Loire, Poitou-Charentes, Nord-Pas-de-Calais et Picardie) et nationales (FranceAgriMer). L’autre moitié constitue la part professionnelle des contributions des producteurs au programme d’expérimentation et de la vente des 1 500 t de fruits. Comme les producteurs, la station a donc subi les aléas de la crise de 2009.
Avant la réforme, chaque arboriculteur du Val de Loire et du Nord de la France contribuait à la Morinière via l’extension des règles. Cette contribution est dorénavant volontaire pour tous puisque, dans l’état actuel des choses, l’extension des règles n’est plus accessible pour une structure régionale dès lors qu’une AOPn existe pour le produit concerné. Toutes les organisations de producteurs ont maintenu leur participation. Les producteurs indépendants viennent d’être invités à faire de même. « Il est encore trop tôt pour se prononcer sur leur taux d’implication, souligne Hugues Decrombecque. Nous espérons qu’ils seront nombreux à le faire, car nous souhaitons maintenir le fonctionnement ouvert de la station, où tous les producteurs et tous les techniciens se sentent chez eux pour échanger et faire progresser collectivement l’arboriculture sur la zone. »

Un suivi d’une trentaine de variétés
Responsable technique, détachée du CTIFL, Claude Coureau met en œuvre avec son équipe les objectifs fixés par les professionnels, à savoir la mise en place d’itinéraires techniques respectueux de l’environnement, de la santé du consommateur et des évolutions réglementaires, l’adaptation de la production au marché, la réduction des coûts de production, la sécurisation et la régulation de la production. Mais la Morinière bien que gérée par la profession, travaille également en réseau avec les autres stations fruitières que sont le CEHM à Marsillargues (Hérault), le Cefel à Montauban (Tarn-et-Garonne), la Pugère à Mallemort (Bouches-du-Rhône) et les deux centres d’expérimentations du CTIFL de Balandran à Bellegarde (Gard) et de Lanxade à La Force (Dordogne). La station adhère à la charte nationale des variétés pommes-poires. Un premier réseau, constitué par l’Inra et le CTIFL, observe les nouvelles variétés dans trois centres (Inra d’Angers, station CTIFL de Balandran et Lanxade) sur un échantillon de seulement deux arbres. Les experts des deux instituts en sélectionnent quelques-uns qui seront testés dans plusieurs centres dont celui de la Morinière mais sur un nombre plus important d’individus, entre dix et cinquante. « Tous les ans, nous implantons deux à cinq nouvelles variétés sur le site, note Claude Coureau. Nous en suivons ainsi chaque année une trentaine pour lesquelles nous commençons à bâtir un référentiel, indispensable si dans le futur, ces variétés sont produites et commercialisées. » Ces tests sur les nouvelles variétés figurent parmi les 39 thèmes abordés par la station et représentent environ un quart de l’expérimentation, la protection des cultures et la maîtrise de la charge correspondant chacun eux aussi au même volume d’activité. La post-récolte, l’environnement, la qualité, l’empreinte carbone ou encore la biodiversité font également partie des axes expérimentaux travaillés par les différentes équipes.

Tous les systèmes de cultures
En protection des cultures, l’étude des produits phytosanitaires s’est étendue au fil des ans aux techniques de la Protection Fruitière Intégrée (PFI) (1) puis à la Protection Biologique Intégrée (PBI) (2). Ainsi, il est possible de trouver tous les cas de figure à la Morinière avec des objectifs forts : aucun acaricide grâce à l’introduction des auxiliaires, aucun insecticide avec les filets anti-carpocapses, aucun herbicide avec le désherbage mécanique, aucun éclaircissage chimique, une diminution des fongicides avec des variétés résistantes à la tavelure et une diminution de l’utilisation de la main-d’œuvre grâce au mur fruitier. Le stade ultime, l’agriculture biologique, a démarré en 2000 avec 0,8 ha. Le Conseil d’administration a décidé récemment d’atteindre les 5 ha d’ici trois ou quatre ans. « Ces alternatives aux produits phytosanitaires complexifient la conduite et entraînent inévitablement des coûts supplémentaires pour l’arboriculteur, tient à préciser Claude Coureau. Par exemple, le désherbage mécanique, opération délicate pour les jeunes plants, multiplie par trois la charge salariale et dégrade le bilan carbone. Le choix de l’agriculture biologique divise par plus de deux en moyenne la productivité. »
En une trentaine d’années, la Morinière a, par ailleurs, contribué aussi à l’amélioration de la conservation. Claude Coureau affirme : « Les pertes au stockage sont moins nombreuses et la texture des pommes conservées s’est nettement améliorée. A la création du laboratoire d’analyses en 1987, nous ne savions sans doute pas conserver des pommes aussi “crunch” jusqu’en avril ! » De nouvelles techniques de stockage sont à l’étude après de nombreuses années sans réelles innovations. Depuis deux ans, l’atmosphère contrôlée dynamique est comparée aux méthodes classiques ainsi qu’à la thermothérapie et très récemment la technique du “sans éthylène” est venue étoffer la panoplie des techniques de stockage.

(1) Protection Fruitière Intégrée (PFI) : l’arboriculteur n’utilise les produits phytosanitaires qu’en dernier ressort en appuyant le raisonnement de la production sur le maintien des équilibres naturels.
(2) La Production Biologique Intégrée (PBI) englobe toutes les techniques susceptibles de respecter les critères économiques, écologiques et toxicologiques spécifiques.

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