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Protection : les huiles essentielles cherchent leur place

Les huiles essentielles, par leurs propriétés biocides, sont susceptibles d’intéresser les producteurs pour être intégrées dans les programmes de protection. Mais très peu de produits commerciaux sont homologués pour le moment.

La plupart des huiles essentielles s'obtiennent par un procédé d'entrainement à la vapeur, à partir de tous types d'organes des plantes,

Les huiles essentielles sont partout : en cosmétique, en aromathérapie, dans l’agroalimentaire… Et plus discrètement en protection des cultures, où l’intérêt pour ces substances a augmenté avec le développement des méthodes alternatives aux produits phytosanitaires classiques. La pharmacopée européenne définit les huiles essentielles (HE) comme des produits odorants, généralement de composition complexe, obtenus à partir d’une matière végétale, selon un procédé d’extraction précis. Celui-ci peut être soit l’entraînement à la vapeur, soit un procédé mécanique (obtention à froid par raclage ou pressage, pour les huiles essentielles d’agrumes), soit la distillation sèche. Dans les faits, la plupart des huiles essentielles sont obtenues par entraînement à la vapeur. Les composés des huiles essentielles peuvent être sécrétés par tous les organes des plantes fruits, feuilles, fleurs, racines… « Toutes les plantes peuvent être à l’origine des huiles essentielles, mais ce sont surtout des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM), indique Jérôme Muchembled, enseignant-chercheur à l’Institut supérieur d’agriculture de Lille, lors des journées techniques de l’Itab sur les substances naturelles. Les HE sont constituées de composés terpéniques et aromatiques dont la nature de la molécule principale (aldéhyde, cétone, phénol…) et sa proportion relative vont jouer un rôle important dans leur effet biologique. »

Trois huiles autorisées en protection des cultures

Pour la plante qui les synthétise, les composés constitutifs des HE peuvent être à la fois attractifs pour les pollinisateurs et répulsifs vis-à-vis des bioagresseurs. « Les huiles essentielles peuvent avoir des effets fongicides, insecticides, herbicides… Mais toutes les huiles essentielles n’ont pas toutes les propriétés cumulées », précise le chercheur. Pour pouvoir être utilisée en protection des cultures, une HE doit suivre la réglementation européenne sur les produits phytosanitaires et donc être autorisée en tant que substance active. Seules trois HE sont autorisées à l’heure actuelle au niveau européen et sont commercialisées en France : l’HE de menthe verte, dont le produit commercial est homologué comme anti-germinatif sur les pommes de terre au stockage (Biox-M) ; l’HE de girofle, pour son effet protecteur vis-à-vis des maladies de conservation des pommes et des poires, associée à la thermothérapie (produit commercial Bioxeda) ; l’HE d’orange douce comme fongicide. Pour cette dernière, les produits commerciaux Limocide et Essen’ciel sont autorisés notamment sur plusieurs espèces de fruits et légumes et en vigne. Tous ces produits sont autorisés en agriculture biologique.

De nombreuses difficultés méthodologiques

Ces huiles essentielles autorisées au niveau européen le sont en tant que substances actives classiques, par la voie de l’homologation. « Aujourd’hui, en Europe, aucune HE n’est autorisée en tant que substance à faible risque ni en tant que substance de base, indique la fiche de l’iteipmai(1) « Les HE dans la protection des cultures ». En effet, la démonstration de non-toxicité des huiles essentielles selon les critères qui ont été développés pour les produits chimiques purs se heurte à de nombreuses difficultés méthodologiques […] En l’absence d’études sur une huile essentielle dans son intégralité, les toxicologues estiment sa toxicité soit par celle de son constituant le plus toxique, soit en faisant le cumul de la toxicité de chacun de ses constituants. Cette approche mathématique peut conduire à attribuer à une huile essentielle une toxicité potentielle bien supérieure à celle constatée dans la réalité. » Les demandes d’approbation comme substances de base des HE d’origan et de sarriette ont ainsi été recalées.

(1) Iteipmai : Institut technique interprofessionnel des plantes à parfum, médicinales, aromatiques et industrielles

Une diversité d'activité antifongique

L’activité antifongique de plusieurs HE, en conditions in vitro, a été mise en évidence à l’institut Charles Violette à Lille. « Les concentrations inhibitrices médianes (CI50) de huit huiles essentielles et du sulfate de cuivre ont été évaluées vis-à-vis de Phytophthora infestans (mildiou de la pomme de terre) et de Venturia inaequalis (tavelure du pommier) », décrit Jérôme Muchembled. La CI50 correspond à la concentration de produit nécessaire pour inhiber à 50 % l’activité du pathogène. Plus elle est faible, plus l’activité anti-fongique de l’HE est élevée. « Contre P. infestans, le cuivre reste la molécule la plus efficace, avec une CI50 de 16,6 mg/l », signale Jérôme Muchembled. Les HE testées ont une grande diversité d’activité antifongique, de l’huile essentielle de houblon avec une CI50 de 13 000 mg/l, jusqu’à l’huile essentielle de girofle présentant une CI50 de 32 mg/l. « Contre V. inaequalis, l’huile essentielle de girofle est très efficace, ainsi que celle d’eucalyptus elles font mieux que le cuivre », souligne le chercheur.

Des projets récents et en cours

Le projet Casdar HE, coordonnée par l’Itab (2013-2015), visait à évaluer l’intérêt de sept huiles essentielles dans des stratégies de protection des cultures sur les maladies les plus économiquement importantes des cultures (mildious de la vigne, de la pomme de terre et de la laitue, tavelure du pommier). Des résultats de ce projet sont disponibles sur le portail www.ecophytopic.fr (en tapant « huiles essentielles » dans la barre de recherche du site). D’autres travaux d’expérimentation récents ou en cours concernent les HE, comme pour le contrôle de l’aleurode (projets Euclid et Stomp), ou pour la désinfection post-récolte des fruits en AB (Projet Casdar D²BIOFRUITS).

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