Les fruits exotiques préfèrent l'avion
Même s'il est coûteux, même si sa capacité de fret est limitée, l'avion demeure important pour les fruits exotiques. La raison : il est plus rapide que ses concurrents terrestres ou maritimes.
Même s'il est coûteux, même si sa capacité de fret est limitée, l'avion demeure important pour les fruits exotiques. La raison : il est plus rapide que ses concurrents terrestres ou maritimes.







Air France-KLM Martinair Cargo capitalise sur l'ouverture de nouvelles escales comme San José au Costa Rica, récemment inauguré (photo 1). La garantie d'un produit 100 % frais pour le chargeur et son client est une alchimie entre les structures aéroportuaires, les compagnies aériennes et les transitaires (photos 2 et 3). Le 21 novembre, une première cargaison de fruits péruviens s'est envolée de l'aéroport de Lima pour Shanghai (photo 4) : l'aérien a encore toute sa justification
C'est vrai, avec plus de 60 000 t de capacité en moyenne, un gros porte-conteneurs transportera toujours plus de fret qu'un Boeing 747 avec ses 133 t. Cependant, selon l'Association internationale du transport aérien (AITA), les marchandises acheminées dans les soutes des avions représentent à l'échelle mondiale seulement 2 % des tonnages de fret (tous modes de transports confondus) mais 35 % en valeur, soit un chiffre d'affaires de 18,6 Md$ (17 Md€). Les denrées alimentaires ne sont pas les seules à assurer ce chiffre : les produits très valorisés comme ceux de l'industrie pharmaceutique, le transport d'animaux vivants et l'électronique prennent une part importante. Selon la société d'analyses WorldACD, en septembre dernier (derniers chiffres disponibles), les tonnages transportés par avion ont grimpé de 5 % – ce qui ne s'était pas vu depuis deux ans – grâce au développement des marchés asiatiques et de la demande du consommateur pour des produits de plus en plus frais. Et 70 à 80 % du fret voyagent dans les soutes des avions passagers. Ces données sont largement confirmées par l'AITA : la demande, mesurée en tonnes-kilomètres de fret a augmenté de 6,1 % en glissement annuel. L'association ajoute qu'il s'agit du rythme de croissance le plus rapide depuis les bouleversements causés par la grève dans les ports maritimes de la côte ouest des Etats-Unis en février 2015. L'avenir pourrait être prometteur. « La conclusion de l'Accord économique et commercial global entre l'UE et le Canada est une bonne nouvelle pour les économies concernées et pour l'industrie du fret aérien », note Alexandre de Juniac, directeur général et chef de la direction de l'AITA.
Un secteur en bonne forme
Eric Mauroux, directeur Fresh chez Air France-KLM Martinair Cargo, confirme l'importance des produits périssables : « Leur part dans le groupe est en effet très significative, environ 20 % de nos flux. C'est un secteur qui se porte bien ! Nous transportons du périssable alimentaire au départ de nos hubs de Paris-Charles-de-Gaulle et d'Amsterdam-Schiphol vers de nombreuses escales de notre réseau mondial, avec notamment plusieurs destinations africaines du Sahel ou de la côte Ouest. En retour, nos avions sont chargés une bonne partie de l'année avec des fruits tropicaux et légumes de contre-saison (ananas, mangues, papayes, litchis, haricots verts, melons...). De plus, les études récentes semblent démontrer que la demande est en hausse, et Air France-KLM Martinair Cargo souhaite rester un partenaire stratégique de ce segment. »
Outre l'Afrique (Est et Ouest), le groupe est présent sur les Antilles et le continent américain (Mexique, Argentine, Chili, Colombie, Equateur, Pérou, Guatemala, Panama ainsi que la côte est des Etats-Unis). Et la situation globale du fret aérien caractérisée depuis plusieurs années par sa surcapacité n'affecte pas le secteur. « Du fait de la saisonnalité de certains produits en hémisphère Sud (contresaison) les besoins sont importants. Pour y répondre, le groupe dispose d'une flotte tout cargo flexible et d'une flotte passagers avec des soutes adaptées. En cas de besoin, des vols supplémentaires ponctuels peuvent être mis en place », souligne Eric Mauroux.
Un mode de transport “tendance” ?
En France, Air France-KLM Martinair Cargo opère à partir des deux aéroports franciliens. Récemment, Aéroports de Paris (Groupe ADP) a dévoilé son plan de développement de l'activité cargo qui passe notamment par la création de 100 000 m2 supplémentaires d'installations sur la période 2016-2020. Eric Mauroux explique : « Nos vols passagers quotidiens au départ des Antilles françaises vers l'aéroport d'Orly sont un formidable atout pour alimenter Rungis. Roissy-Charles-de-Gaulle reste cependant notre hub principal où sont concentrés notre activité tout cargo et la majorité de nos vols passagers. Nos processus de transfert vers les clients sont suffisamment robustes pour que les quelques kilomètres supplémentaires vers Rungis n'affectent en rien la qualité des produits et la rapidité de mise à disposition. » Il reconnaît par ailleurs que la plate-forme de Schiphol à Amsterdam, à forte culture “périssable”, est un atout supplémentaire pour le groupe avec des avions passagers et tout cargo de KLM en provenance d'escales complémentaires au réseau d'Air France.
Cet accent sur le périssable, Bart Pouwels, directeur du développement de Schiphol Cargo, le confirme : « Nous sommes la deuxième place, après le Royaume-Uni, en ce qui concerne les fruits. Une grande partie voyage dans les soutes des vols passagers, ce qui permet un approvisionnement constant. Les fruits exotiques, en particulier les baies, sont très sensibles à la température et aux chocs. Avec des vols fréquents et directs des principaux pays producteurs, les compagnies aériennes sont idéalement placées pour réduire les temps de transit de cette cargaison délicate. » Et cela vaut dans les deux sens, import et export : les Pays-Bas exportent de plus en plus de poivrons vers le Japon et de fruits rouges vers la Chine et les deux voyagent uniquement en aérien.
Le fret aérien bénéficie des nouvelles tendances de consommation. « Le développement des fruits prêts à consommer comme les tranches de mangues et d'ananas n'est rendu possible que par la rapidité de la supply chain du fret aérien », affirme Bart Pouwels. Il voit même un progrès de ce transport s'il sait affirmer ses qualités. « La rapidité offerte par le transport aérien et le traitement rigoureux des produits par les opérateurs sur l'aéroport signifient un produit plus frais. On dit souvent que le transport par mer a du succès grâce aux conteneurs reefers. Mais ceux-ci existent uniquement parce que la marchandise doit voyager trois semaines au maximum ! », conclut-il.