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Sciences
Les fruits et légumes, bons pour la santé, oui ! Mais pourquoi ?

Aprifel et l’Académie d’Agriculture de France ont mis en débat la consommation de fruits & légumes et l’impact sur la santé des individus, en passant par les mécanismes physiologiques impliqués. Le symposium le 14 décembre a permis de parler microbiote et de Prebio-score, de diabète et de sucre, d’épluchage de pommes et de résidus de pesticides, de vitamines dans les conserves, de cuisine note à note pour déstructurer une carotte et en faire un bouillon de caroténoïdes. On y a aussi parlé bio, 3e voie, itinéraires techniques et variétés et impacts sur les qualités nutritionnelles des produits récoltés.

« On ne pouvait pas envisager une année internationale des fruits et légumes sans un rendez-vous scientifique ! », a déclaré Jean-Pierre Cravedi, président du conseil scientifique d’Aprifel en introduction du symposium “Etat des lieux et perspectives de l’impact sur la santé de l’alimentation avec des fruits et des légumes” organisé par Aprifel et l’Académie d’Agriculture de France (AAF) le 14 décembre à Paris. Enfin la filière s’empare du sujet complexe de la santé liée à la nutrition, et parle vrai sur ce sujet ô combien d’actualité dans la crise Covid.

Un symposium qui a montré toute la complexité du système nutrition-santé et de sa communication sur un seul secteur -les fruits et légumes- alors qu’il faut réfléchir sur toute l’alimentation, comme le rappelle le directeur général d’Aprifel Louis Orenga. « Cette journée, cette année AIFL et ces débats doivent s’ouvrir à de nombreuses et nouvelles études pour faire face aux injonctions contradictoires que l’on entend tous les jours en termes de nutrition et de santé », appelle-t-il de ses vœux, rappelant qu’après une en 2021 –«  ce n’était pas banal de mettre en avant les fruits et légumes ! »-, 2022 sera l’année internationale de la gastronomie, avec pour parrain le chef étoilé Guillaume Gomez.

 

Les atouts santé et nutritionnels des fruits et légumes

Fruits et légumes : faible densité énergétique, forte densité nutritionnelle

« Pas facile d’être original sur ce thème car tout le monde sait que les fruits et légumes sont bons pour la santé. Mais peu de gens savent pourquoi exactement », poursuit Dr Jean-Michel Lecerf, à l'Institut Pasteur et membre de l’AAF. Et de rappeler leurs principales caractéristiques nutritionnelles : une faible densité énergétique et teneur en lipides et protéines, variable en glucide, une richesse en eau et en potassium, faible teneur en sodium, et une forte densité nutritionnelle : fibres, prébiotiques, micronutriments non énergétiques (comme les vitamines E, C, B9, bêtacarotène, D2, minéraux et oligoéléments), en phytoconstituants non nutritifs (polyphénols, caroténoïdes, composés soufrés, phytostérols), en nitrates.

Prévention de l’hypertension artérielle et donc des maladies cardiovasculaires, de l’asthme, des cancers du côlon et hormono-dépendants, de l’obésité et du diabète, du déclin cognitif lié à l’âge, de l’ostéoporose, de la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l'âge sur la rétine)…

Bénéfices santé : un effet dose qui se stabilise à 5 par jour, un effet couleur

« Les bénéfices santé sont aussi bien établis pour toute une série de maladies de par les nutriments candidats positifs et du doux mélange de ces composés », précise le Dr. Jean-Michel Lecerf. Et de détailler de nombreux exemples. Que l’on mange gras ou pas, si le régime est riche en fruits et légumes, on a montré que le poids reste stable, ce qui joue sur la prévention de l’obésité. Sur la mortalité, on a observé un effet dose des fruits et légumes : plus on en mange, plus le risque de mortalité diminue et se stabilise à partir de 5 par jour [d’où le slogan]. Sur le cancer du côlon rectal, c’est l’ensemble des fruits et légumes qui vient baisser le risque et pas la consommation d’un fruit ou d’un légume séparé. Enfin, la couleur joue : le orange foncé par exemple est associé à la baisse du risque de développer des myocardies (liés à la présence de caroténoïdes ?).

« En conclusion, quantité et qualité des fruits et légumes sont liés quant à la prévention des maladies non transmissibles, avec un effet classe, un effet variété, un effet dose et un effet couleur. »

 

Fruits & légumes et microbiote, l’alliance santé

Maladies non transmissibles et santé du microbiote sont liés

Relayant les travaux de Nathalie Delzenne, professeur titulaire à l'Université Catholique de Louvain, Jean-Michel Lecerf rappelle le bond des connaissances concernant les microbiotes depuis une vingtaine d’années et en particulier le microbiote intestinal (cent mille milliards de microorganisme hébergés dans notre système gastro-intestinal) et son importance sur la santé. « On observe une dysbiose, c’est-à-dire un microbiote altéré dans un grand nombre de maladies non transmissibles : intolérances et allergies, stéatose, cancer, autisme, dépression, addictions, obésité, diabète, pathologies cardio-vasculaires et inflammatoires, dénutrition liée à l’âge… et même des pathologies infectieuses. »

Des interactions entre les fibres et les prébiotiques des fruits et légumes et le microbiote

Or, les fruits et légumes et plus généralement une alimentation végétale, riches en prébiotiques (“nourriture” du microbiote) qui interagissent avec les bactéries du microbiote intestinale et permettent ainsi la libération dans l’intestin de substances actives qui peuvent jouer des rôles sur la santé. Les fibres sont sources de post-biotiques, des acides gras à chaînes courtes ; ceux-ci modulent certaines hormones intestinales comme l’insuline, qui joue un rôle sur le rassasiement, la satiété, les inflammations, le diabète…

Les polyphénols, les flavonoïdes et d’autres dérivés phénoliques sont aussi des prébiotiques potentiels et leur interaction avec le microbiote pourrait expliquer une partie de leurs effets protecteurs des maladies cardio-vasculaires.

De l’importance de l’inuline : vers un Prebio-score, plus parlant que le Nutri-score ?

Nathalie Delzenne travaille notamment beaucoup sur l’inuline, un prébiotique que l’on trouve dans les légumes racines comme le topinambour, mais aussi l’artichaut, l’oignon, l’ail, le salsifi… Elle a montré qu’une hausse de la consommation de ces aliments (passant de 3 g par jour à 16 g), modifiait significativement et positivement le microbiote mais que le bénéfice ne se poursuivait pas si la prise alimentaire retombait au niveau antérieur. En revanche, les effets positifs sur la faim (rassasiement et satiété) et la tolérance gastro-intestinale s’était poursuivie sur 15 jours (observation d’une envie réduite de sucré ou de salé).

Sur la base de ces études, la chercheuse prépare la mise en place d’un Prebio-score, qui serait pour elle plus parlant qu’un Nutri-score. L’idée serait de calculer sur la base de ses études le ratio de prébiotiques susceptibles de modifier le bifidus et autres et donc l’impact sur le microbiote. Un livre de cuisine et une étude sont aussi à venir.

 

Modes de production, durabilité et qualité sanitaire, nutritionnelle et environnementale

Phytos et risques sanitaires : mieux vaut continuer à consommer les fruits et légumes

Jean-Pierre Cravedi, président du conseil scientifique d’Aprifel, a expliqué que bien que les pesticides soient des substances dangereuses, les niveaux d’exposition des consommateurs à leurs résidus dans les aliments sont faibles et ne constituent pas, en l’état actuel des connaissances, de risque avéré pour la santé. « Il subsiste néanmoins des incertitudes scientifiques dans le processus d’évaluation du risque, nuance-t-il. En raison notamment de données insuffisantes sur les interactions possibles entre substances (exposition multiple), sur les co-formulants plutôt que la substance active en elle-même (exemple du glyphosate-based herbicide vs glyphosate)…. » Mais il insiste : pour les fruits et légumes, la consommation apporte plus de bénéfices que de risques. « Pour venir en appui à la décision publique en matière d’alimentation, il faudrait privilégier les approches risques/bénéfices plutôt qu’une évaluation limitée au risque. »

Qualité et itinéraires techniques : la variété avant tout

François Lafitte, président de Kiwifruits/Primland et membre de l’AAF, a lui rappelé que les modes de production influent sur la qualité des fruits et des légumes : la conduite d’un arbre (taille), la fertilisation ou le substrat nutritif, l’irrigation, la charge en fruits ou la densité de semis, la date de récolte, l’après-récolte. « Tout revient à la question centrale de la quantité d’énergie lumineuse qui va jouer sur la photosynthèse, la coloration des fruits, la formations des bourgeons floraux. La densité du feuillage va elle jouer sur la vulnérabilité face à certaines maladies et ravageurs et à la capacité de guérison suite à un stress. »

Et de souligner : « Il n’a pas été prouvé une supériorité qualitative des productions sous agriculture biologique [lire ci-dessous]. La lutte phyto est nécessaire pour maintenir la qualité des fruits et légumes.»

La question de la variété reste le point essentiel quand on parle de qualité. « L’amélioration génétique a beaucoup joué dans l’amélioration de la qualité des fruits et légumes. Si vous goutiez une pomme du Moyen-Age dans une des collections variétales, vous seriez très déçus. L’amélioration variétale joue aussi sur les modes et les préférences actuelles, au-delà des goûts sur les textures, couleurs, jutosité, etc. »

Non, le bio n’améliore pas la qualité nutritionnelle

Le mode de production – bio ou conventionnel –agit-il au niveau nutritionnel ? Les études scientifiques montrent peu de différences nutritionnelles, selon le bilan de Marie-Josèphe Amiot-Carlin, directrice de Recherches à l’Inrae, lors des Journées francophones de nutrition 2021 (10-12 novembre), résumé dans un article d’Aprifel le 1er décembre. Mais les quantités en vitamine C, caroténoïdes et composés phénoliques, ainsi que les teneurs en magnésium et zinc sont légèrement plus importantes dans les produits bio. Cette différence serait liée au fait que les cultures bio subissent un stress plus important, car moins protégées par les traitements phytos, et produisent donc plus d’antioxydants pour lutter contre les agressions. À l’inverse, les nitrates et les protéines y sont moins présents.

« Considérant les modestes écarts observés et le fait que les étapes de conservation, transformation et préparation réduisent encore ces écarts, l’influence des différences observées sur les apports nutritionnels des populations et, plus encore, sur la santé des personnes ne sont pas établies, résume l’article d’Aprifel. Les facteurs influant sont avant tout la variété et le génotype, puis le climat, les conditions et techniques culturales (nature des sols, irrigation, fertilisation…) et le stade de maturité au moment de la récolte. »

Du mode de production au profil nutritionnel des fruits et légumes, à la santé des consommateurs : Demain la Terre établie des impacts potentiels

Projet qui a été lancé cette année avec le soutien technique et financier de l’Inrae et du Cirad, Demain la Terre a voulu savoir si ses méthodes de production mieux-disantes avaient des impacts sur les caractéristiques nutritionnelles de ses produits, et donc plus largement sur la santé des consommateurs. Fraise et carotte ont été les deux premiers produits choisis pour débuter le projet. Les marqueurs nutritionnels les plus impactants pour ces produits ont été analysés (vitamines, polyphénols, caroténoïdes, etc.) et comparés avec des produits standards.

« Les premiers éléments semblent montrer que le choix variétal -sans surprise- et l’itinéraire technique -on ne s’y attendait pas vraiment !- ont un effet significatif sur les caractéristiques nutritionnels de la fraise et de la carotte, en particulier en vitamine C », dévoile le directeur Marc De Nale en webinaire le 9 décembre.

 

La phase 2, en 2022, consistera à analyser les effets sur la santé globale, toujours en reliant à ce qui est fait en amont, au niveau des parcelles. Le protocole est en cours de montage avec les scientifiques et les médecins. Le projet va aussi être élargi à d’autres fruits et légumes.

Et pour la communication ? « Nous avons le concept One Health sur lequel nous appuyer : une santé globale, hommes, animaux, environnement. Mais aujourd’hui on ne s’est pas encore posé la question de si et comment on va communiquer sur ces aspects de nutrition et de santé. On veut déjà avoir les résultats avant d’aviser de la pertinence de communiquer, ce qui obligerait à faire attention à la difficile réglementation européenne des allégations nutritionnelles et de santé », conclut Marc De Nale.

Et l’épluchage ? Et le stockage ? Et la cuisson ?

Certaines études montrent un effet favorable de la consommation de pomme sur le risque cardiovasculaire et le cancer, notamment grâce à leurs teneurs en micronutriments et phyto-constituants. sPremier fruit consommé en France (17 kg/an/ménage et 17,7 % de PDM), la pomme est aussi le fruit le plus décrié pour ses traitements phyto. La peau de la pomme contient davantage de polyphénols que la chair, mais serait également susceptible de concentrer les résidus de pesticides.

 

Deux variétés, Golden et Gala, les plus consommées « mais pas les plus intéressantes nutritionnellement », produites en France (hors bio) et achetées dans des circuits de distribution classiques (GMS, marchés, primeurs, vente directe). Les analyses ont été réalisées par Phytocontrol. Plus de 70 résidus de pesticides ont été dosés (plus de 65 résidus en analyses multi-résidus et 6 résidus en analyses mono-résidus), ainsi que 4 composés nutritionnels (macronutriment, vitamines et minéraux, molécules antioxydantes) sur des pommes rincées et essuyées à l’essuie-tout, entières ou épluchées à l’économe. Les résultats ont été comparés entre pommes entières et épluchées, et l’exposition des consommateurs aux substances actives et le risque encouru ont aussi été estimés. L’étude est en cours d’analyse pour publication et les résultats encore confidentiels.

Aprifel a aussi une étude en cours sur l’effet du stockage des fruits et légumes. Selon le Dr Jean-Michel Lecerf, « on observerait une petite baisse de certains nutriments (vitamines) mais pas de dégradation majeure liée au stockage»

Enfin, concernant la mise en conserve, Julien Couaillier, délégué général de l’Uppia (conserve appertisée), admet : « 30 % des nutriments sont perdus avec la cuisson lors de la mise en conserve, car c’est une cuisson forte, plus de 100°C, mais après c’est stabilisé. Les conserveries sont à proximité des champs : les conserves sont donc des produits de saison, simplement mis en boîte, à consommer hors saison. »

 

Produits plus faciles à consommer, bons pour la santé? Bons pour la planète?

Le jus de fruit, bon ou mauvais ? Faire passer les bons messages

L’OMS a classé les jus de fruits dans les sucres libres, comme le rappelle Dr Jean-Michel Lecerf. « Mais les études montrent que dans le cadre d’une consommation normale, ils [les purs jus] étaient liés à une baisse du risque cardio-vasculaire. C’est dommage que le bon message n’ait pas été passé, ils font partie d’une alimentation équilibrée. La santé publique a des efforts à faire pour qu’il n’y ait pas de discordance dans l’esprit des consommateurs car on leur dit tout et son contraire. »

La cuisine note à note, késako ?

Hervé This, physico-chimiste, professeur à AgroParisTech et membre de l’AAF, est venu expliquer son concept de cuisine note à note, une solution selon lui pour faciliter l’accès à une alimentation saine et durable.

La cuisine note à note est une forme de cuisine qui se base sur la gastronomie moléculaire pour élaborer des aliments entièrement à partir de composés chimiques purs, au lieu d'utiliser les ingrédients classiques de la cuisine. En les combinant, on peut obtenir la consistance, la couleur, la saveur, l’odeur ou les apports nutritifs d’un plat. Par exemple la texture est donnée par les réseaux de pectine et de cellulose, l’odeur provient d’un mélange de centaines de composés odorants, la couleur provient essentiellement des anthocyanes et des caroténoïdes, la saveur est notamment due à des sucres et à des acides… Hervé This collabore entre autres avec le chef Pierre Gagnaire pour une “invention par mois” : l’orange artificielle, la soupe Liebig mise en forme, etc.

 

Non seulement Hervé This avoue « s’amuser comme un petit fou dans sa cuisine » mais il vante les mérites écologiques de cette cuisine. « Le fractionnement est déjà utilisé pour séparer et recombiner les composants du blé, du lait. Pourquoi pas les fruits et légumes ? Composés à 95 % d’eau, n’est-ce pas une aberration écologique de transporter autant d’eau dans des camions ? Avec le fractionnement des fruits et légumes, on économise de la place et donc du carburant ! »

C’est aussi, pour le chimiste, un levier anti-gaspi et de valorisation pour le producteur. « Une machine de fractionnement, ça coûte seulement 2 500 € et la dépense énergétique de fonctionnement est faible. On peut l’installer à même le champ pour fractionner immédiatement le produit récolté. »

Mais quid de l’acceptabilité ? Et la perte nutritionnelle probable dans le fait d’assembler ? évoque le Dr.Jean-Michel Lecerf.

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