GEORGIA LAMBERTIN, AGRICULTRICE À VENASQUE
« Les femmes sont force de proposition reconnue et écoutée »
Sa ferme pédagogique l'a menée jusqu'à l'ONU, mais Georgia Lambertin demeure une femme qui garde les pieds dans sa terre.

Agricultrice à Venasque dans le Vaucluse, Georgia Lambertin a été la première Française à recevoir, en 2000, le Prix mondial pour la créativité des femmes en milieu rural. Créé en 1994, ce prix décerné par l'ONG Fondation Sommet mondial des Femmes est une reconnaissance qui honore la créativité et l'engagement dans l'amélioration de la qualité de vie des communautés rurales. « J'ai été sollicitée par le Réseau Farre pour présenter le travail réalisé dans le cadre de la ferme pédagogique créée sur mon exploitation, indique Georgia Lambertin. J'y accueille depuis vingt ans des scolaires et des étudiants, le public néophyte ou des agriculteurs pour un partage d'expériences. L'agriculture a besoin de communiquer, changer son image et s'ouvrir à la société. Les fermes pédagogiques sont donc la plus belle école pour transmettre notre savoir-faire et valoriser le travail de la terre. » Sélectionnée et accueillie au siège de l'ONU pour présenter son dossier, Georgia Lambertin, consciente du poids de sa charge, avoue avoir paniqué : « Qu'est-ce que je pouvais dire ? J'avais en face de moi une Indienne luttant contre les castes et une Péruvienne qui avait mis en place des potagers faisant vivre 2 500 familles. Je me suis sentie très petite, à la fois témoin et aux antipodes de ces femmes qui menaient des projets simples et vitaux mais savaient aussi produire. »
Une expérience enrichissante
Quinze ans après, Georgia Lambertin tire les enseignements de cette expérience. « J'ai partagé ce prix avec des femmes remarquables et j'en ai retiré beaucoup d'humilité. Mais j'y ai gagné de la richesse intérieure, de la force pour positiver, l'envie d'apprendre à hiérarchiser les missions afin de prendre du recul pour mieux anticiper et réagir. J'ai été honorée au plus haut point. »
Georgia Lambertin en est revenue avec l'assurance de pouvoir parler d'agriculture et de convaincre. Les agriculteurs du Ventoux lui ont proposé le poste de présidente du Groupement de développement agricole. « Parce que je ressemble à 80 % à la population agricole locale, je suis fière de les représenter et de les défendre. » Dans le même temps, elle co-fonde “Li granjo escolo”, une association à l'origine d'une charte définissant les fermes éducatives comme de véritables exploitations agricoles, organisées pour l'accueil des enfants. « Une ferme éducative ne doit être ni un zoo, ni une image d'Epinal. C'est une exploitation économiquement rentable dont la ferme pédagogique, avec accueil raisonné et de qualité, est un maillon à part entière. A défaut de cela, je ne vois pas ce qu'un exploitant aurait à dire. »
D'où ses nombreux mandats menés « dans l'intérêt collectif » : Chambres d'agriculture de Vaucluse et Paca, Ceser (« pour tisser des liens forts entre l'agriculture et la Région »), coopératives, campus Louis Giraud à Carpentras Serre ou encore le Pôle Ventoux qui associe enseignement et R&D. Elle a travaillé avec la MSA sur le kit éducatif “Au fil des saisons” enrichi d'un film pédagogique qui transpose la dégustation des vins à celle des f&l, miels et huile d'olive « pour donner aux jeunes l'envie d'en consommer. » Somme toute « une maman toute option » selon la formule de ses trois enfants. Quant à la place des femmes dans l'organigramme de l'agriculture, Georgia Lambertin est optimiste. « Nous ne sommes pas à égalité dans les responsabilités mais force de proposition reconnue et écoutée. C'est un pas en avant. »