Medfel - Transport maritime
Les autoroutes de la mer offrent de belles perspectives
Après un temps de latence et grâce à l’appui financier de l’Europe, une nouvelle carte des transports se dessine, faisant de la Méditerranée un couloir maritime.





Le 7 avril dernier, l’Essex, navire roulier de l’armement UND a effectué son escale inaugurale au port de La Seyne/Brégallion dans le Var. Il fait partie de la flotte qui assure une nouvelle ligne maritime régulière entre la France et la Turquie. Bi-hebdomadaire jusqu’en juillet, le service passera dès l’été à trois départs par semaine avec l’arrivée d’un troisième navire. A terme, cette ligne pourrait concerner aussi les transporteurs routiers français, espagnols, anglais, allemands mais aussi ceux du Maghreb. Cette nouvelle desserte est assez symptomatique de ce que connaît le bassin méditerranéen depuis quelques années dans le domaine du transport maritime.
En plus d’être un armateur, l’UND est surtout connu comme l’association des transporteurs routiers turcs qui cherchait depuis plusieurs mois déjà sa porte d’entrée sur la France. Cette nouvelle ligne est calquée sur une autre (U.N.-Ro-Ro), existante depuis le milieu des années 70 reliant Trieste (Italie) à plusieurs ports de la Sublime Porte : Pendik, Ambarli ou encore Mersin, dont le service a été lancé en mars 2009.
Un Marco Polo fruité
La notion d’“autoroutes de la mer” est aujourd’hui bien entendue par toutes les parties prenantes du transport maritime. Il est vrai aussi que l’Union européenne est fortement présente pour soutenir ce concept au travers du Programme Marco Polo dont la deuxième mouture a labellisé vingt-deux projets. Programme en faveur du transport intermodal, Marco Polo 2 (2007-2010) a pour objectif d’améliorer l’efficacité et la durabilité environnementale du système de transport de marchandises en Europe. Il propose de réduire la saturation du réseau routier, en renforçant le transport intermodal offrant, pour alternatives, le transport maritime à courte distance, le rail ou les voies navigables. Si le premier programme avait fait la part belle aux régions baltiques et à l’Europe de l’Est, Marco Polo 2 – sur le point de s’achever – s’est plus focalisé sur le Sud de la Communauté européenne, le bassin méditerranéen et son hinterland. Pour preuve, le projet de service entre le port de Nantes-Saint-Nazaire et celui de Gijon (Espagne) et celui entre Le Havre et Vigo (Espagne), qui ont fait l’objet d’une déclaration commune entre la France et l’Espagne. De même, Fresh Express est un projet dédié fruits et légumes liant Almeria aux marchés anglais, allemand, du Benelux et du Nord de la France par une ligne maritime courte distance (Short Sea) entre Dunkerque, Sheerness (Royaume-Uni) et Moerdijk (Pays-Bas). On relèvera aussi le “Juice Vessel”, un projet pour la distribution de jus d’orange surgelé en Europe qui met en œuvre une ligne Short Sea entre Carthagène (Espagne), Liverpool (Royaume-Uni) et Ventspils (Lettonie) et des liaisons fluviales entre Amsterdam, Gand, Anvers et Manheim. Sans oublier, Vegetis, nom de dossier pour la ligne initiée par l’armateur marocain IMTC d’Agadir vers Port-Vendres et Dunkerque. Tous les projets ne sont pas des “autoroutes de la mer” mais mettent en avant de courtes distances de desserte entre les ports.
Marc Abeille, consultant international et responsable du programme Meda-MoS1, est intervenu pendant le petit-déjeuner de l’Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen) sur le sujet en mars dernier : « La définition de l’autoroute de la mer a été un temps plutôt flottante. » En fait, le mot a été créé par l’armement italien pour son réseau roulier. D’ailleurs, le premier opérateur est lui-même italien, le groupe Grimaldi. L’expérience non concluante entre Toulon et Civitavecchia a ralenti un peu les velléités mais, aujourd’hui, la machine semble relancée. Car il est nécessaire d’envisager une logistique de porte-à-porte. « Il faut aller clairement vers plus d’intermodalité et pas seulement des relations de port à port, explique Marc Abeille. Cela réclame la création d’une interface pour assurer le passage d’un mode à l’autre. Et c’est ici que résident les plus grosses difficultés. S’il n’existe pas d’améliorations des conditions de passage sur les ports, alors il y aura à terme, des problèmes. Il existe un lobbying actif de l’Union européenne sur le dossier. La coopération entre les ports de Gênes et de Radès (Tunisie) sur les dispositions douanières est une bonne chose. La capacité des déclarants vis-à-vis des mesures ICS (sécurité) entrant en œuvre en juillet 2011 devra être renforcée. ICS peut être un élément structurant. »
Une vision globale
Le programme Meda-MoS1 se caractérise par des accords bilatéraux. Mais dans certains cas, cela peut créer de la cacophonie. « En réalité, il existe peu ou pas de relations entre les pays du bassin méditerranéen (voir celles entre le Maroc et l’Algérie). La dissémination a du bon. Surtout, cela permet de connecter les pays avec le réseau européen. Toute émergence de ligne ne peut se faire que sur la base du partenariat et dans le cadre d’un plan de transport global, incluant le développement de plates-formes et des relations avec l’hinterland, condition sine qua non de la réussite d’un tel projet. En espérant quand même un peu plus d’intégration régionale… » L’expérience du Reefer Express, projet labellisé Marco Polo de ligne Short Sea lancé en 2007 entre Bilbao, Rotterdam et Sheerness, illustre qu’au-delà du transport maritime en tant que tel, c’est bien l’acheminement et le positionnement des conteneurs qui est crucial, spécialement dans le cas des fruits et légumes. C’est d’ailleurs ce qu’a expliqué Marc Copsey, de McAndrews & Company (groupe CMA CGM), pilote du projet, lors de la journée d’information organisée par le Programme Marco Polo le 10 février dernier : « Pour les fruits et légumes, nous avons été amenés à investir dans des conteneurs reefer de 45 pieds pour des raisons de compétitivité face à l’augmentation des capacités du transport routier sous température dirigée. En effet, le modèle économique de celui-ci est basé sur un prix par palette. De plus, le plan originel prévoyait d’utiliser le rail entre le Sud de l’Espagne et Bilbao pour l’acheminement des produits jusqu’au port. Cependant, cela s’est avéré problématique sur deux points. D’une part, il était difficile de trouver la puissance électrique nécessaire pour la production de froid sur les trains et, d’autre part, faire voyager des équipements vides entraînait une forte augmentation des coûts globaux. » Finalement, McAndrews & Company a opté pour un acheminement par route jusqu’à un entrepôt dédié. Si, dans les premiers temps, le projet a enregistré des pertes tout en restant dans l’objectif, l’ensemble semble suffisamment opérationnel pour que la société poursuive l’expérience au-delà de la fin de l’aide apportée par le Programme Marco Polo. Ainsi, McAndrews & Company a ouvert, en mars dernier, un nouvel entrepôt de 2 500 m2, à seulement 800 m du terminal à conteneurs de Bilbao. « Les résultats en termes de qualité et des temps de transit rapides sont primordiaux pour la clientèle lorsqu’il s’agit de transférer des fruits et légumes de la route vers la mer. Il est important que la confiance s’établisse. Contacts personnels et temps sont nécessaires pour construire des partenariats. Des essais doivent être menés pour prouver la fiabilité et la force de cette nouvelle supply chain. En raison de la saisonnalité des produits, cela peut demander beaucoup de temps », a ajouté Marc Copsey.
Les ports s’organisent
L’Italie restera le principal opérateur sur la Méditerranée pour encore longtemps. L’Espagne est très bien placée en ce qui concerne le transbordement avec des places importantes comme Valencia ou Las Palmas. La zone de la mer Adriatique est une des plus dynamiques en matière de liaisons maritimes. Il est vrai qu’elle bénéficie de plusieurs ports d’importance. Côté italien, Trieste, Ravenne et Venise – qui a récemment annoncé la construction d’un terminal fruitier – font face, côté slovène, à Koper, un port qui, en quelques années, a pris une position stratégique dans les flux de fruits et légumes vers l’Europe centrale et orientale. Le port slovène a continué de se développer l’an passé malgré la récession. Il a traité plus de 100 000 t de bananes de quatre origines différentes et quelque 150 000 palettes d’autres fruits et légumes venant d’Egypte mais aussi d’Israël, deux compagnies ZIM et MSC ayant d’ailleurs augmenté leurs fréquences. Celles-ci utilisent le port de plus en plus comme une plate-forme de distribution vers les marchés de l’Europe de l’Ouest et non plus seulement comme point de transit. La création récente de l’association des ports de l’Adriatique Nord montre que les opérateurs commencent à s’organiser. Regroupant les ports de Koper, Ravenne, Trieste et Venise, elle tend à faire de la zone une plate-forme logistique des flux venus de l’Orient vers les marchés d’Europe centrale et de l’Est. De même, les liaisons entre le Maroc et la France, via Port-Vendres et Dunkerque et l’ouverture annoncée en 2011 du terminal du groupe GF sur le port de Sète participent au maillage méditerranéen.
Le concept fait en tout cas flores. Sans parler des projets concernant le Nord de l’Europe, le golfe de la Baltique et la mer Noire, l’idée des autoroutes de la mer commence à faire son chemin de l’autre côté de l’Atlantique. Lors de la conférence Global 2010, qui s’est tenue fin mars, à Vancouver (Canada), Stephen Blank, co-président du Conseil Nord américain de recherche sur la compétitivité des transports, basé à New York, soulignait l’importance de telles démarches : « Il n’est pas difficile de faire des camions moins polluants, mais à mesure que le commerce se développe, il y a aura plus de camions sur les routes, générant plus d’émissions de gaz à effet de serre. Peut-être la solution réside-t-elle dans un changement modal en faveur des autoroutes maritimes ? »
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