Export : état des lieux après six mois d'embargo
« L'embargo n'est qu'un effet aggravant de la crise actuelle »
Les pomiculteurs français sont frappés depuis six mois par l'embargo russe. Pour Eric Guasch, président de l'Association France-Russie pour l'agroalimentaire, c'est maintenant que la situation doit évoluer pour sauver la saison.
FLD : L'embargo russe sur les produits alimentaires européens a été annoncé début août 2014. Six mois plus tard, quelle est la situation ?
ERIC GUASCH : Sur le plan international, force est de constater que rien n'a vraiment évolué. Rappelons, une fois de plus, qu'il s'agit en premier lieu d'une crise politique, liée aux relations diplomatiques entre l'Europe et la Russie. Lorsque celles-ci ne sont pas bonnes, les échanges économiques ne le sont pas non plus. Mais la situation peut évoluer du jour au lendemain. Voyez comment l'embargo russe a été rapidement mis en place...
FLD : Avez-vous des informations sur la situation du marché russe ?
E. G. : Nous avons celles que nous a communiquées l'ambassade de France de Moscou. Les consommateurs russes font le dos rond et ils sont encore une majorité (73 %) à soutenir la mesure prise par le gouvernement russe. Les prix à la consommation ont explosé malgré les limitations imposées aux distributeurs par le gouvernement. Les produits sous embargo ne représentent que 8 % de la consommation. La situation de nos clients importateurs russes est similaire à la nôtre, exportateurs.
« Nous sommes peut-être plus chahutés par l'offre italienne que polonaise en pommes. »
De plus, on a bien vu la volonté forte du gouvernement russe de renforcer la production sur place dans un souci d'autosuffisance alimentaire. Mais il faut faire attention aux sommes annoncées pour cela, surtout dans un contexte de dévaluation importante du rouble et de taux d'intérêt en forte hausse.
FLD : Le pays est aussi parti à la recherche de nouveaux fournisseurs...
E. G. : En effet, la Russie n'a eu de cesse, ces derniers mois, de contacter d'autres pays : le Maroc – déjà fournisseur important en agrumes – la Turquie, le Mexique, l'Argentine... Avec ces nations productrices, étonnamment, les conditions phytosanitaires et les taxes à l'entrée du marché n'étaient pas d'actualité. Le prépaiement était même accepté. Ces pays vont prendre des parts de marché en Russie. Et plus l'embargo durera, plus il sera difficile de les récupérer.
FLD : Qu'en est-il de la situation pour la filière française ?
E. G. : L'embargo russe n'est qu'un effet aggravant d'une crise structurelle de la production de fruits et légumes en France. La Russie n'est pas tout, bien entendu. En ce qui concerne la pomme, les récoltes ont été moins importantes que prévues en France. Le marché local se porte plutôt bien. L'exportation maritime aussi, même si les prix sont très bas. Nous avions souligné le risque – qui s'est avéré – de report de certains fruits européens sur le marché, comme ceux de la Pologne en premier lieu. Finalement, nous sommes peut-être plus chahutés par l'offre de pommes italienne [mêmes condidtions climatiques et même variétés, Ndlr] que polonaise. La Pologne est un très gros producteur mais avec des variétés très différentes de celles proposées par la France. Pour autant le risque demeure très important. La pomme européenne est taxée par la Russie entre les mois d'août et de décembre : la taxe est ensuite levée entre janvier et juillet. L'hémisphère Sud commencera sa saison au mois de mars. C'est donc maintenant que les choses doivent évoluer pour sauver la saison des pomiculteurs français. D'autant plus qu'il n'y a pas trop d'alternatives à l'export pour le calibre et la qualité demandés habituellement par la Russie.
Créée le 19 octobre 2010, l'Association France-Russie pour l'agroalimentaire (Afraa) rassemble vingt organisations professionnelles et interprofessionnelles du secteur animal et végétal et trois membres associés du secteur agroalimentaire public et privé. Les missions de l'Afraa sont les suivantes : élaborer des stratégies favorisant les échanges avec la Russie, apporter une aide aux entreprises rencontrant des difficultés avec le marché russe et organiser les relations avec les autorités russes.