D'UN BOUT À L'AUTRE
Le spectre de la pénurie s'éloigne
Le manque de production en Espagne ayant lourdement pesé sur les flux commerciaux, les pays producteurs de l'UE ont dû importer.


Invité de l'Afidol à l'occasion de son assemblée générale, Jean-Louis Barjol, directeur exécutif* du Conseil oléicole international (COI), a fait taire la rumeur qui circule dans les couloirs de l'oléiculture de plusieurs pays européens concernant une prétendue “pénurie d'huile d'olive”. Ce, en raison de la faiblesse de la récolte 2012-2013 en Espagne qui a perdu 1 Mt, pesant sur les marchés mondiaux.
« Pour l'heure, la situation n'est pas préoccupante, souligne Jean-Louis Barjol. Si l'Espagne a connu une grave crise, elle a été moins marquée au Portugal, et la situation a été plus favorable en Italie ou en Grèce. En début de campagne, les stocks européens étaient importants, environ 1 Mt, qui ont permis d'alimenter le marché mondial. Dans ce sens, c'est plutôt une bonne chose car cela a assaini le marché en permettant une remontée des prix. Cette embellie a profité aux oléiculteurs espagnols car, depuis plusieurs années, les prix de vente étaient inférieurs aux coûts de production. A fin mai, les stocks européens s'élevaient encore à 551 000 t, mettant à l'abri d'une rupture d'approvisionnement des marchés. En revanche, si d'autres problèmes économiques ou climatiques, voire les deux, touchaient l'Espagne sur la récolte 2013-2014, la situation deviendrait préoccupante. De plus, il faut attendre la révision de la Pac car le découpage des aides tel que proposé pourrait gravement affecter, voire condamner, certains producteurs traditionnels. On le voit en Andalousie où les superficies oléicoles traditionnelles sont à la baisse, au contraire des cultures intensives. Le phénomène va sûrement s'intensifier. »
La presse espagnole évoque déjà une récolte 2013-2014 autour de 1 Mt, mais estime-t-il, « il est trop tôt pour se prononcer. Attendons des prévisions plus fiables. » Le manque de production en Espagne a lourdement pesé sur les flux commerciaux. Les pays producteurs de l'UE ont dû importer, les volumes passant de 764 000 t en 2011-2012 à 790 000 t à fin mai 2013, provenant de la Tunisie (premier fournisseur de l'UE) qui avait une forte récolte et qui a bénéficié d'un accord facilitant l'accès à l'UE, et du Maroc. Et les conséquences sur les exportations ont été relativement limitées. Elles ont atteint 793 000 t contre 801 000 t la campagne précédente.
Baisse de la consommation« Un autre élément a pesé sur les marchés, indique Jean-Louis Barjol, c'est la baisse de la consommation liée à la crise économique qui sévit dans plusieurs pays européens. Dans le cas de l'Espagne par exemple, le pays a vu la consommation d'huile d'olive baisser de 15 % sur le quatrième mois de l'année. » En Italie, la baisse de la consommation serait liée à une augmentation très nette des prix payés à la production (+ 30 %) répercutée au niveau du détail dans le cadre d'une opération d'assainissement du marché afin de détecter les fraudes. « Par ailleurs, pécise-t-il, le premier consommateur se trouve à la porte du moulin. » En clair, l'auto-consommation dans l'UE, ou la reprise des volumes portés à la trituration, atteint plus de 2 Mt alors qu'elle n'était que de 1,5 Mt en 1991-1992. Le phénomène est identique pour les autres pays membres du COI et ceux qui n'en sont pas membres. Ce qui laisse à supposer que les ventes directes sont en augmentation.
Quant à l'évolution mondiale de la production d'huile d'olive, Jean-Louis Barjol reste prudent : « Il est indéniable que la production mondiale d'huile d'olive va progresser, portée par les atouts santé ou encore sur la lutte contre l'obésité. Elle ne représente d'ailleurs que 3 % de la consommation mondiale d'huiles végétales. Le risque est grand de voir un décalage entre l'augmentation de la production et celle de la consommation. Je suis curieux de savoir ce qui va se passer et dans l'incapacité de faire des pronostics. »
* Le directeur exécutif du COI est chargé de mettre en œuvre et d'appliquer les décisions prises par le Conseil des Membres (dix-sept pays). Jean-Louis Barjol, Vauclusien, est le troisième Français à occuper cette fonction.