Medfel - Transport & Logistique
Le report modal poursuit son chemin en Méditerranée
Il y avait le maritime. Il y a désormais le rail. Le transport en Méditerranée joue l’intermodalité.


Dans le monde du transport maritime de marchandises, les autoroutes de la mer, reliant deux ports en courte distance, ont particulièrement intéressé les compagnies maritimes, et ce d’autant plus que l’Europe, soucieuse de transfert modal entre la route et d’autres moyens de transport, était prête à apporter quelque argent public. Cependant, la définition même de l’autoroute de la mer est restée un peu floue : projet structurant ? Simple extension de ligne de la part d’armateurs ?
Aujourd’hui, l’enjeu pour la région est de connecter les navires touchant les ports du pourtour méditerranéen avec les grands bassins de consommation. De ce point de vue, il devient plus difficile de penser exclusivement “bateau” et les projets les plus récents montrent que d’autres moyens de transport – en particulier le ferroviaire – sont désormais largement impliqués.
Dans le cadre de son programme RTE-T (Réseau Transeuropéen de Transport), l’Union européenne apporte un soutien financier aux projets permettant d’améliorer la cohésion, l’interconnexion et l’interopérabilité des transports dans la Communauté. A travers des appels à propositions annuels ou pluriannuels, il permet aux parties prenantes de bénéficier de financements européens.
Ce programme est régulièrement révisé et la dernière mouture qui date de fin 2012 dernière pourrait, à terme, offrir un nouveau souffle au concept d’autoroutes de la mer, comme le souligne le coordinateur européen Luis Valente de Oliveira dans son rapport : « Pour les autoroutes de la mer, l’année 2012 est celle au cours de laquelle leurs perspectives ont très largement évolué. Au total, il y a dix-neuf projets en cours d’avancement. » Dans son édition révisée pour 2014-2020, le programme RTE-T fait des autoroutes de la mer un des éléments du réseau de base pour le secteur maritime et un lien indispensable pour le réseau secondaire, celui qui s’étend dans l’arrière-pays (l’hinterland) des ports. « Les autoroutes constituent en effet un couloir de transport invisible, mais entièrement disponible, couvrant toutes les zones côtières de l’Union européenne. Elles sont donc un outil d’infrastructure-clé dans la mise en œuvre, le déploiement et le fonctionnement du nouveau RTE-T », précise Luis Valente de Oliveira. Un des points importants aussi est que toute candidature doit être impérativement soutenue ou introduite par un Etat membre ou tout au moins une autorité régionale reconnue par l’Union européenne. Ceci aura le mérite de clarifier le débat et de booster le transport maritime à courte distance. Encore faudra-t-il disposer d’une feuille de route détaillée.
Certes, il est bien affirmé que les autoroutes de la mer constituent la pierre angulaire de la dimension maritime du programme RTE-T : elles couvrent une vaste partie de l’espace maritime européen, fournissent une plate-forme pour le développement de toutes les activités du transport maritime, agissent pour le développement de solutions intermodales... En revanche, elles ont aussi des caractéristiques précises, en termes de régularité ou de fréquence, qui mériteraient d’être prises en compte.
De nouvelles lignes opérationnelles
La structuration du bassin méditerranéen en termes de dessertes est déjà une réalité. Et les derniers développements le confirment. Ainsi, en mars, Unifeeder, armateur plus connu sur le Nord de l’Europe, a officiellement présenté son premier service sur la Méditerranée mettant en connexion le port tunisien de Radès avec Valencia, Barcelone et Tarragone. Le français CMA CGM vise, lui, les autres pays du Maghreb. Le 25 mars, il a lancé un nouveau service entre Marseille et le port de Béjaïa en Algérie. Au Maroc, l’ensemble Tanger Med – dont la deuxième partie est en cours de construction – s’affirme comme un vrai hub pour la Méditerranée. C’est la lecture qu’il faut peut-être faire de l’annonce par la compagnie maritime française de son futur service PC SUD. Cette ligne entend utiliser la place maritime marocaine comme pivot pour la desserte des principaux ports de la façade Ouest de l’Afrique : Pointe Noire (Congo), Port-Gentil et Libreville (Gabon). Les ports européens seront touchés par les services déjà en place par l’armateur français. Le premier PC SUD partira le 17 mai pour arriver le 29 à Pointe Noire, le 1er juin à Port-Gentil et le 4 juin à Libreville.
Le secteur des autoroutes de la mer devant toujours se reposer en grande partie sur les financements européens, on pourra aisément comprendre que les opérateurs tendent à investir aussi l’arrière-pays autour des ports afin de structurer les dessertes.
Le ferroviaire s’organise
Le programme européen Marco Polo – dont l’objectif principal est d’aider les entreprises à mettre en place des services permettant de transférer une partie du fret routier vers des modes de transport plus respectueux de l’environnement – l’entend bien ainsi. Et sur ce point, la tendance au développement multimodal s’affirme, spécialement dans le domaine du ferroviaire. Ainsi, McAndrews, filiale du groupe français CMA CGM, a annoncé la mise en œuvre pour ce mois d’avril d’un service ferroviaire sous température dirigée en Espagne, liant la région de Murcie à Bilbao, où le transporteur dispose de surfaces de stockage et de préparation de commandes sur le port basque et assure une liaison avec les places maritimes du Royaume-Uni. McAndrews gérait déjà une ligne de ce genre en Espagne mais uniquement pour les produits secs. Le manque de matériels adaptés avait empêché à l’époque d’étendre l’expérience aux produits périssables comme les fruits et légumes. C’est aujourd’hui chose faite et McAndrews ne cache pas son intention de faire de même avec les régions productrices du Sud-Est de la péninsule.
Pour la filiale de la compagnie maritime française, il s’agit ici d’optimiser son service multimodal de conteneurs reefer 45 pieds. Le train, composé en moyenne de douze wagons, devrait assurer en vitesse de croisière deux départs par semaine à partir du terminal ferroviaire de Nonduermas vers Bilbao. Cependant, dans un premier temps, une navette journalière sera mise en place. McAndrews s’est attaché les compétences de Continental Rail, en tant qu’opérateur ferroviaire, et du groupe Fuentes pour le terminal de Nonduermas. Ce dernier devrait faire l’objet de plusieurs aménagements. Une nouvelle génération de générateur, permettant de fournir la puissance nécessaire, devrait équiper les trains.